70 Multimedia - mars 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 28 mars 2008

Recompositions d'Aldo Sperber


J'ai d'abord connu Aldo Sperber peintre et sculpteur. Probablement avait-il eu d'autres vies encore avant cela ? J'adorais ses collages qu'il encadrait après leur avoir donné du volume. Dans le salon, Françoise accrocha une valise lumineuse creusée par un petit autel où trône un personnage kitsch en coquillages et posa un vase constitué de deux ampoules électriques évidées, soudées à une forme de poids et mesures et au manche d'une fourchette...
Je n'ai pas été convaincu d'emblée lorsqu'Aldo est passé à la photographie. Lorsque l'on change d'outils et de support, il faut souvent un peu de temps et beaucoup de travail à l'artiste pour retrouver ses billes éparpillées dans cette nouvelle cour de récréation. Et puis voilà, Sperber refonde son site Internet et classe ses œuvres en quatre catégories : extérieurs, intérieurs, monde des jouets, portraits. Toutes forment un ensemble de situations cocasses, d'illusions suggestives, de parties cachées où l'humour se joue souvent sous l'angle des dimensions.
Dans la partie Indoor, on reconnaîtra quatre images du Ciné-Romand et deux où le chat Scotch a prêté sa fourrure. Toy World renvoie les modèles à leur matière plastique, désincarnant les corps pour souligner leur conventionnalisme. Des appendices rhabillent les portraits. Toutes les images, souvent drôles, parfois très inquiétantes, réfléchissent le monde du rêve et de l'inconscient...

samedi 22 mars 2008

On bande dessiné


Je suis passé au Monte-en-l'air déposer des exemplaires du Journal des Allumés illustré par d'excellents dessinateurs et trices dont les inédits enflammés raviront les fans de bandes dessinées... J'en profite chaque fois pour y faire mes courses avant d'enfourcher ma monture pour entamer la dernière grimpette vers la Porte des Lilas via Gambette.
Je n'ai pas fait attention que le Tome 4 du Combat ordinaire de Larcenet était paru. Il faudra que j'y retourne. Je venais chercher le nouvel Art Spiegelman, en fait la réédition de ses Breakdowns initialement parus en 1978 aux USA. Grand format, papiers spéciaux comme pour son précédent À l'ombre des tours mortes, le somptueux album offre une variété de travaux antérieurs à Maus. Le côté juif new-yorkais à la Woody Allen, drôle et déprimé, se précise. En plus, c'est dense, il y a de quoi lire. J'adore Spiegelman, des Crados au chef d'œuvre qui lui valut le Prix Pulitzer...
Mais la révélation vient de l'épais volume que le libraire dévore seul dans son coin à l'ombre de sa guérite. Cette phrase sonne comme un contrepet bien compliqué. Fruit de la collaboration d'Alan Moore et Melinda Gebbie, Filles perdues est un ouvrage qui fera date dans l'histoire de la BD, par sa qualité graphique, l'érotisme qu'il dégage et l'intelligence de son propos. C'est à la fois torride et élégant, inspirant et soufflant. Melinda Gebbie puise ses sources chez les peintres des débuts du XXe siècle. De quoi se secouer l'art nouille, jouer les fauves et tremper ses pinceaux pour en voir de toutes les couleurs à l'ombre de trois jeunes filles en fleurs à qui personne ne pourra plus ensuite conter fleurette. Remarquablement écrit, sa traduction n'a pas dû être zézée. Rappelons qu'Alan Moore est l'auteur de V pour Vendetta, des Watchmen, de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, et que les premiers comics de sa femme (serait-ce donc en tout bien tout honneur ? Debbie et Alan se sont mariés l'année dernière...), Fresca Zizis, furent interdits, il y a vingt ans déjà, dans leur pays, ô perfide Albion ! Si les superbes dessins revendiquent leurs lettres de noblesse, les récits font référence tant aux chefs d'œuvre de la littérature érotique qu'aux contes de fées et gestes dont les héros racontent une enfance tourmentée, moins à cheval sur ses principes que l'on n'imaginait. Pour adultes. Pour adultes aimant les belles choses.

samedi 15 mars 2008

Le blog de Fani


Fani est la cadette de la famille Labbé-Morières, mais elle rattrape frère et sœur, père et mère, à la vitesse d'un petit cheval lancé au galop. Passionnée par ses études graphiques, elle dessine avec humour des personnages qui racontent la vie de ses proches sur son jeune blog. Fani Morières n'a pas froid aux yeux. C'est frais et on peut se demander comment tout va bouger, tandis que sa grande sœur Mathilde passe du montage à la réalisation, que le frère Antoine tape sur ses fûts avec toujours autant de véhémence, que maman Pascale roucoule et s'insurge et papa Jean souffle zen dans sa zavrila. Petit clin d'œil amical en signe d'encouragement à tous les bloggeurs et bloggeuses qui tentent une régularité de publication de leurs billets, et un grand sourire à toutes celles et ceux qui cherchent à trouver leur propre ton pour aborder l'exercice ! Rien de facile, beaucoup de temps, du travail et de la persévérance...

lundi 10 mars 2008

Du nouveau sur le site LeCielEstBleu


On nous cache tout, on nous dit rien, et ça nous énerve quelque peu. Mais c'est tout de même sympa de découvrir les dernières créations interactives de Frédéric Durieu sur LeCielEstBleu et toutes celles en attente, puisqu'aucune mise à jour n'avait été faite sur le site depuis trois ans. Les kaléidoscopes Indien et Herbier (2005) se transforment lorsque l'on produit des sons devant le microphone de l'ordinateur. Durieu et Kristine Malden proposent d'adapter ce genre d'objet animé à des commandes institutionnelles ou industrielles comme ils le firent en 2006 pour Samsung avec Jean-Philippe Goussot, déjà actif sur la présentation du site de l'exposition Les animaux sortent de leur réserve à la galerie des Enfants du Centre Pompidou, où étaient montrées les cinq bestioles que j'ai cosignées avec Fred (Zoo, 2001-2002) comme de nombreuses œuvres présentées ici.


Sur le site, outre les modules d'archives que nous avons conçus ensemble tels Moiré (sonorisation hitchcockienne d'une illusion d'optique, 1997-2001), Week-End (que j'ai l'habitude de laisser interpréter librement par les joueurs/spectateurs pour montrer à quel point le son peut enrichir une œuvre graphique, 2001), le trytique musical Time qui réunit Big Bang, Forever et PixelByPixel (la variation HighByPixel, dont la musique est plus "douce", n'est hélas toujours pas en ligne), l'iMac Show (boudé par Apple et c'est bien dommage), les vœux 2002 et 2003 du site, la célèbre Pâte à Son (qui annonce le futur FluxTunes que Fred doit terminer depuis trois ans et qui verra probablement le jour avec la nouvelle version de Director), on aura la surprise de découvrir l'éléphant funambule (maquette d'un projet sur le cirque jamais abouti qui réunissait également Nicolas Clauss, Thierry Laval et Eric Ucla, 2003 - image ci-dessus) qu'il faut aider à traverser la piste en le propulsant sur son perchoir et en faisant grimper les animaux sur son balancier, Garden of Delight (un autre extrait d'une œuvre restée à l'état de maquette, réalisée avec la graphiste Veronica Holguin - image ci-dessous)...


Fred a donc fini par céder aux sirènes de Flash pour ses petits modules commandés par IBM : Gear, Ocean, Rational et Tivoli désarticulent un nouveau pantin en costume cravate. L'ayant inauguré avec la lettre O de notre cd-rom Alphabet (1999), Frédéric Durieu avait peaufiné son code pour son outil PuppetTool ainsi que l'iMac Show et le pantin en baskets de Free Zerpo (à nouveau actif sur le site, graphisme d'Étienne Mineur, 2002) que j'avais mis en musique pour Nike. Cette fois, la marionnette se fait malmenée par les engrenages des Temps Modernes, nage ou se laisse entortiller dans ses fils. Les modules sont réunis sous le titre Take Back Control, mais je crains que les salariés de l'entreprise concernée ne se laissent bernés par les apparences. Dommage qu'ils soient tous muets, j'aurais bien entendu un peu d'humour critique avec quelques sons biens sentis... Question de budget probablement ! Comme ses Orbites muettes dans le silence du cosmos (2007)... Par contre Psychelys (2005) et Pandamende (2007) sont élégamment accompagnés de sons, mais beaucoup trop illustratifs à mon goût. Par mon travail sonore, j'ai toujours essayé d'apporter quelque chose qui n'était pas déjà à l'image, insistant sur la nécessaire complémentarité dans les œuvres audiovisuelles.


Pour terminer ce tour d'horizon azuré et virtuose, j'apprends en surfant et tombant par hasard sur le site du CielEstBleu que notre Pâte à Son a été exposée en novembre 2007 au Shanghai eARTS Festival 2007 (Digital Art and Magic Moments, à l'initiative d'Ars Electronica en collaboration avec la Shanghai Cultural Development Foundation) et de novembre à janvier 2008 au DAT à Singapour (Digital Art & Technology, toujours à l'initiative d'Ars Electronica en collaboration cette fois avec le Singapore Science Centre). Si j'avais été prévenu, j'aurais pu y envoyer quelques amis et je n'aurais pas été contrarié de l'apprendre par hasard. Or, nous savons tous que l'aléatoire n'existe pas dans le domaine qui nous intéresse... Au moment d'Alphabet, j'avais inventé le terme "poésie algorithmique" pour évoquer le travail de Frédéric Durieu et je suis heureux de voir que, malgré des périodes de découragement, il continue à programmer. Le reste du temps, il est allongé sur l'herbe à contempler les insectes ou les étoiles...

dimanche 9 mars 2008

Le grand Content


Hervé Zénouda a découvert un film d'animation du jeune graphiste autrichien Clemens Kogler qu'il conseille à tous ses étudiants M1, M2 et doctorants de Toulon. Le Grand Content s'appuie sur le logiciel PowerPoint pour en sortir un "potentiel philosophique" amusant, par un jeu de diagrammes et d'intersections en chaîne. Il propose même une version alternative sur une musique d'Andre Tschinder au lieu de celle d'Aphex Twin. Son site recèle pas mal d'autres films intéressants où le graphisme guide son imagination d'animateur.
Les démonstrations s'appuyant sur des logiciels tels PowerPoint ou Keynote m'ont toujours hérissé le poil. Ils figent l'exposé, le soulignant généralement lourdement. Cet accompagnement visuel prenant par la main l'auditoire me donne chaque fois l'impression que l'on s'adresse à des imbéciles et rares sont les prestations réussies qui justifient ce modus operandi, incontournable dans le monde de l'entreprise, à l'université et dès qu'il y a la moindre communication publique d'un projet. Il suffirait de considérer la projection en question comme un complément plutôt qu'un appui pour que le recours à cet artifice se justifie. Et rien ne vaudra jamais la présence effective du narrateur, sa capacité à se produire en chaire ou en scène, de tenir son public en haleine, quitte à s'appuyer de temps en temps sur les ressources de la technologie pour compléter son exposé.

vendredi 7 mars 2008

Les P'tits Repères


Sonia me prévient qu'un nouveau jeu est en ligne sur le site des P'tits Reperes. La marque Repère de E.Leclerc et la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme se sont associées pour créer ce site tout en flash pour les enfants de 6 à 10 ans et où j'exerce régulièrement mes talents de bruitiste scatologique, puisque ma vie de designer sonore est rythmée depuis plusieurs années par un jeu rigolo tous les deux mois. Tout tourne autour de l'environnement, des économies d'énergie et du gâchis. L'ensemble est réalisé par le collectif Surletoit, une équipe formidable, enjouée et diablement efficace. J'adore la description de leur démarche où l'on peut cliquer sur certains concepts, les mots en rouge faisant apparaître des commentaires effrontés et intelligemment constructifs comme le FSCE (Fonds de Solidarité Contre les Enfoirés), caisse de solidarité contre les coups durs, les mauvais payeurs, permettant de lancer une injonction de paiement sans que l’indépendant touché par le mauvais payeur en supporte seul les répercussions !


J'ai choisi de tout sonoriser avec la voix, pour ne pas dire avec la bouche, ce qui est vraiment amusant et parfois bien difficile. Le premier jeu fut celui de L'Aspiro-Trucs où le p'tit repère juché sur un skate-board devait aspirer les crottes de chien et les sacs en plastique, mais surtout pas écraser les fleurs ou renverser les vieilles dames. On pouvait donc enfin se laisser aller à délirer sur des trucs scatos, ce dont les mômes raffolent et qui est généralement bêtement censuré par les éditeurs français. Il n'y a pas que ça ! Dans ta maison (quatre pièces plus le garage et le jardin), Dans ton assiette (De la terre à l'assiette, Les nutribulles, Ça balance !), Sur ta planète (Stop-les-gaz, Le Gachpalo, et les écogestes de La rue et Le square et le marché), l'atelier d’e-cards, Le MémoGloups, Le Tac-Taquin, Le P'tit Morp sont autant de petits jeux rigolos. Il y a même cinq jeux secrets (Le Kayak, À la bonne soupe, Simon, Le Clas lasso, Le Pique fruits) dont les codes sont cachés au dos des produits de la Marque Repère. Le graphiste Mikaël Cixous est en charge de la direction artistique et, le plus souvent, Sonia Cruchon m'envoie une animation flash provisoire et la liste des actions à sonoriser. Je prends des notes et lui passe un coup de téléphone où je lui chante tous les effets sonores avant de les enregistrer. Je m'enferme ensuite dans la cabine et j'enchaîne tous les ploc, broum, pschit, etc. avant de les traiter sous Peak. Les gens de passage qui me surpennent dans le studio comprennent pourquoi ma vie professionnelle peut être une partie de plaisir ! Sonia me retournera le module terminé après que les sons aient été intégrés pour que j'affine éventuellement l'interactivité et les intensités. Notre collaboration commença à Hyptique avec les huit cd-roms des Bonhommes et les Dames et l'exposition sur L'argent au Pass de Mons en Belgique, et plus tard, lorsqu'elle créa Surletoit avec ses amis, avec L'Anémone de Dassault Systems à l'Exposition Unverselle d'Aïchi au Japon. Sonia est un modèle de chef de projet, parce qu'elle met en confiance ses collaborateurs en la leur accordant et leur épargne l'affrontement démobilisateur avec les clients difficiles. La clef du succès !

mardi 4 mars 2008

Ce temps de latence


J'ai souvent envie de changer d'appareil-photo. Mon vieux CoolPix a l'avantage d'avoir un viseur rotatif me permettant de faire des photos sans me faire repérer. Je peux viser sans mettre l'œil en tenant l'appareil sur mon ventre ou prendre des images en plongée en le tendant au-dessus de ma tête. Mais le délai d'une seconde entre le moment où j'appuie et le déclenchement m'interdit de faire des instantanés. C'est très frustrant pour les portraits que j'aime prendre dans le feu de l'action. Je me fiche de la définition, puisqu'il s'agit la plupart du temps d'illustrer les billets de mon blog. Les cinq millions de pixels suffisent généralement à tous les documents imprimés. On l'aura vu lors de la publication de mon Poplab' ou pour la couverture d'un magazine annonçant notre opéra de lapins. À ce propos, Nabaz'mob va être enfin repris à "Paris" puisque deux représentations auront lieu au Cube (Issy-les-Moulineaux) le 5 juin.
J'ai une idée derrière la tête depuis un moment déjà. Je voudrais tirer le portrait des personnes que je rencontre, jour après jour. Cela me plairait. Nous en avons discuté avec Agnès Varda lorsqu'elle est passée à la maison, un dimanche où je travaillais avec Franck. Il n'y avait pas beaucoup de lumière, mais cela ne l'a pas empêchée de l'encadrer sur le canapé. Agnès a commencé comme photographe, elle a couvert le Festival d'Avignon à l'époque de Jean Vilar. J'aime beaucoup l'écouter lorsqu'elle parle de ses projets ou qu'elle évoque Jacques Demy. Je ne sais pas si je réussirai à faire cette série de portraits, parce que chaque fois que je décide de m'y mettre, j'oublie de le faire, et je m'en aperçois seulement quand la personne est partie. Je me rends compte que dans les arcanes de ma mémoire, c'est ce qui me manque. J'ai plus souvent conservé les voix, les écrits, mais rarement les figures. Ce dimanche-là, j'ai commencé avec Franck en copiant Agnès. Mais j'avais déjà oublié le lendemain. Je dîne avec Lors à Quimper et j'y repense seulement au petit-déjeuner. Je passe ma journée avec Karine et ses étudiants et je m'aperçois que je n'ai toujours pas commencé alors que je suis le dernier à quitter l'École des Beaux-Arts où j'interviens ces jours-ci. Il faut que je trouve un moyen de me discipliner ou peut-être ne m'y résoudrai-je jamais ? Est-ce de la timidité, le besoin d'être bien là, une fausse bonne idée ? Temps différé ou temps de latence ? Celui de voir ou celui de revoir ?