70 Multimedia - octobre 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 31 octobre 2008

Le Mir:ror de Violet réfléchit nos intentions


Miroir miroir, entre hier et aujourd'hui, on n'en sort pas !
Après avoir connecté des lapins (280 000 Nabaztags vendus à ce jour), Violet étend le concept à tous les objets ! La firme française lance donc son nouvel objet communicant, le Mir:ror, premier lecteur de puces RFID grand public. La version 2 de Nabaztag, dit Nabaztag/tag, possède déjà un tel lecteur caché derrière son museau. J'ai évoqué ici mon travail de design sonore pour la petite soucoupe blanche qui se branche sur le port USB de notre ordinateur et que nous avons mis au point avec Antoine Schmitt, lui-même designer comportemental de tous les objets Violet, avec qui je travaille depuis quatre ans sur ces drôles d'ovnis apparus à l'orée du XXIème siècle, sans oublier notre propre détournement artistique de l'objet industriel, l'opéra Nabaz'mob pour 100 lapins Nabaztag (prochaine représentation dimanche prochain 2 novembre au Festival Musiques Libres de Besançon).
Violet sort donc Mir:ror (39 euros avec un Nanoztag et trois Ztampz) et lance son nouveau site, my.violet.net, "une véritable plate-forme applicative, un «violet objet operating system » (V.O.O.S.) permettant d'associer à la présentation d'un objet communicant des actions informatiques basiques mais ouvrant également la voie à des applications plus complexes. On peut aussi associer à un même Ztamp plusieurs applications. Si votre porte-clef est équipé d'un Ztamp et que vous le posez devant votre Nabaztag ou votre Mir:ror en rentrant chez vous, cela peut immédiatement déclencher la lecture d'un fichier audio, y compris chez d'autres possesseurs de Nabaztag ou de Mir:ror, mettre à jour votre statut Facebook, voire allumer une lumière si celle-ci est raccordée à une prise communicante. Avec la future démocratisation de la domotique, les possibilités du V.O.O.S. sont infinies" explique Rafi Haladjian. J'ai comparé Mir:ror à un raccourci objet comme il existe des raccourcis clavier, une manière d'automatiser des gestes récurrents grâce à une interface ludique.
Après avoir composé des jingles midi pour le synthétiseur interne du Mir:ror, j'ai livré à Violet toute une flopée de petits sons, joués par l'ordinateur ou la lapin, se rapportant aux premiers services proposés : lancer un fichier depuis le bureau, verrouiller son ordi, envoyer un mail, lancer l'économiseur d'écran, envoyer un message à un objet Violet, lire un texte, poster un message à Twitter, compter les Ztamps, jouer un slideshow, appeler un url, visualiser un film sur DailyMotion ou YouTube, se connecter à Skype, contrôler iTunes, simuler les touches du clavier, etc. J'ai choisi des sons courts et simples qui rappellent chaque action. À l'instar de tous les jingles et identifiants que j'ai composés pour Nabaztag, leur sonorité est mécanique, pour faire vivre l'objet physique plutôt qu'insister sur ses prouesses technologiques. J'ai transposé cette fois l'anthropomorphisme du lapin à un phénomène d'identification avec des gestes quotidiens pour conforter les utilisateurs dans un univers rassurant malgré le côté high-tech de tous ces nouveaux objets. Dans ce type de travail, la difficulté majeure réside dans la répétition des tâches et donc des sons qui ne doivent pas lasser après des mois d'utilisation. Essayant toujours de me mettre à la place des futurs utilisateurs ou spectateurs lorsque j'invente quoi que ce soit, je teste ensuite in situ tout ce que j'ai réalisé. Les nombreux commentaires entendus ne font que valider mes suppositions. J'attends maintenant avec impatience ma collection de petits lapins de toutes les couleurs, les Nanoztags, pour pouvoir coller sous leur base les Ztampz dont je choisirai moi-même l'action auquel chacun correspondra !

dimanche 12 octobre 2008

RjDj explose la réalité sonore


Antoine Schmitt me signale une application amusante pour l'iPhone qu'il aurait bien aimé avoir réalisée, mais l'Autrichien Michael Breidenbruecker l'a devancé du haut de ses Alpages en plaçant RjDj sur l'Apple Store. Lorsqu'on se pare de l'headset de son iPhone, le logiciel traite en temps réel les sons du micro et les restitue transformés dans le casque. Rien d'extraordinaire pour l'instant dans les mutations générées si ce n'est que l'idée est particulièrement adaptée à l'objet nomade. Les distorsions de la réalité sont amusantes, excitantes ou relaxantes selon les programmes appelés ici des "scènes". L'interface est simple et élégante, et l'équipe de RjDj appelle les programmeurs à contribuer au développement de nouvelles scènes en diffusant le kit librement, à condition de se mettre au langage Pure Data, une déclinaison voisine du logiciel Max. Moi qui n'écoute jamais de musique au casque façon baladeur, j'ai hâte de l'expérimenter dans la rue, le métro ou en forêt. Les possibilités sont plus grandes qu'il n'y paraît et nous pouvons dores et déjà pervertir notre environnement sonore en le rendant plus psychédélique et imaginer d'autres scènes ébouriffantes !
RjDj Single est gratuite, mais n'offre qu'une seule scène, Echolon de Damian Stewart, une bonne façon de tester l'application avant de craquer pour RjDj Album, un choix de six scènes (Eargasm, Gridwalker, Loopinger, Noia, WorldQuantizer...) pour la somme dérisoire de 2,39 euros.

samedi 11 octobre 2008

Ping Pong pour deux somnambules


Durée de chaque film :
Jumeau Bar 4'08 - Modified 6'07 - L'ardoise 5'33 - Les dormeurs 3'17

Voilà, nous avons ajouté une page à notre collaboration pour qu'elle se poursuive ici et ailleurs. Depuis que je joue en duo avec Nicolas Clauss, je suis aux anges lorsque nous nous produisons en spectacle. Sous le nom de Somnambules, nous avions adoré jouer avec d'autres musiciens tels Pascale Labbé, Didier Petit, Étienne Brunet, Éric Échampard, mais j'étais trop préoccupé par l'orchestre pour me fondre totalement aux tableaux interactifs de Nicolas.
Bien que je sois capable de produire autant de bruit qu'un grand orchestre, je n'ai jamais apprécié le solo, pas tant pour la musique que pour le plaisir du ping pong. Les images que mon camarade anime en direct me renvoient une critique, des propositions, un univers qui me stimulent et me permettent d'improviser librement. D'un spectacle à l'autre, nos interprétations à tous deux peuvent différer radicalement, nous créons de nouvelles œuvres, nous en donnant à cœur-joie. Ce billet n'apporte aucune analyse, les films parlent d'eux-mêmes, aujourd'hui mes notes livrent seulement quelques informations "techniques"...
Ainsi, nous commençons souvent avec Jumeau Bar dont je transforme les sons avec mon Eventide H3000, une sorte de synthétiseur d'effets que j'ai programmé pour passer les sons à la moulinette. Nicolas construit également ses boucles en proposant sa propre version du module interactif original. Si vous allez sur FlyingPuppet, vous pourrez jouer vous-même avec la vidéo... Pervertir le travail que j'ai réalisé il y a quelques années est une opération très amusante. Je tire le scénario vers l'humour, en trafiquant les sons synchronisés, en exagérant les nuances par des effets appropriés à chaque plan.


J'ai placé les quatre films sur DailyMotion et YouTube, mais je préfère en général le premier qui n'incruste pas son nom dans l'image comme on marque les troupeaux. Modified est le dernier tableau de Nicolas Clauss, pas encore en ligne, le plasticien hésitant à l'heure actuelle entre exposer ses tableaux animés sur le Net ou off line dans des espaces réels. La rareté produirait-elle plus de désir ? Le plus souvent, ses œuvres rendent mieux leur jus lorsqu'elles sont projetées sur de grands écrans, les ordinateurs ne rendant pas la beauté du détail, l'émotion de l'immersion...
En modifiant électroniquement ma voix, une cythare inanga (rapportée de Stockholm en 1972), un violon hou-kin (achetée deux ans plus tard rue Xavier Privas) et une flûte roumaine (je ne me souviens plus d'où elle vient, mais ses sons stridents passent au-dessus de n'importe quel ensemble ou magma électro-acoustique), je suis la logique du tableau interactif joué en direct par Nicolas, un Organisme Programmatiquement Modifiable...


Avec deux petits instruments électroniques, un Tenori-on et un Kaossilator, j'accompagne les divagations dessinées d'une bande de gamins avec qui Nicolas a élaboré l'installation interactive de L'ardoise. J'ai réussi à m'approprier le Tenori-on depuis que j'y ai glissé mes propres sons. Il n'y a hélas que trois banques personnelles pour 125 timbres d'usine. J'utilise ici des échantillons de mon VFX. Le Kaossilator me sert de joker. Lorsqu'on improvise, il est toujours utile d'avoir plus de matériel que ce dont on a besoin. Au dernier moment, j'ai décidé d'ajouter une radiophonie réalisée en 1976, premier mouvement de mon inédite Elfe's Symphonie que je diffuse avec un cassettophone pourri. Depuis, je l'ai numérisée pour pouvoir la traiter électro-acoustiquement avec l'AirFx, un autre effet qui permet, par exemple, de scratcher n'importe quelle source sonore comme un DJ sur sa platine, mais sans y toucher, en jouant avec un rayon infra-rouge en 3D !


Le dernier film qu'a tourné Françoise à La Comète 347 montre Les dormeurs, une pièce de Nicolas de 2002 que j'aime beaucoup et que j'accompagne à la trompette à anche. Comme Jumeau Bar, vous pouvez jouer vous-même avec en allant sur le site après avoir téléchargé le plug-in Shockwave.

dimanche 5 octobre 2008

Succès délirant de notre opéra Nabaz'mob


La matinée avait mal commencée. Je suis déjà en route lorsque qu'Antoine m'appelle pour me prévenir qu'il ne sera pas à l'heure au montage de notre opéra à Bercy Village. Sa vieille Clio, sur le parking de la gare près de chez lui, s'est fait vandalisée dans la nuit. Les gamins sont allés jusqu'à déchirer en petits morceaux tous les papiers qu'ils ont trouvés, les contraventions dans la boîte à gants (!), s'attaquant au siège bébé, défonçant le tableau de bord, arrachant les leviers... En agrandissant la photo, on aperçoit la mine déconfite et médusée de sa compagne et de sa fille découvrant le sinistre. Tout au long de cette folle journée, les mœurs humaines n'en finiront pas de nous surprendre...
Sous le Passage Saint-Vivant, vestige en pierre de taille des anciens entrepôts, Benoît et Daniel m'aident à placer les 100 lapins sur les podiums en gradins. Devant la difficulté de sonoriser les petites bêtes dont le son est très discret, nous plaçons les enceintes des haut-parleurs au milieu de la ruelle couverte pour que le public entende la musique au fond de la salle tandis que les premiers rangs profitent du son direct des cent petits haut-parleurs cachés dans le ventre des Nabaztags.
Avant même que le soir ne soit tombé, l'attraction des petits robots wi-fi provoque une affluence encore jamais vue à Bercy-Village. Les scanners placés sous les portiques des entrées nous donneront bientôt les chiffres de fréquentation, des milliers de noctambules faisant la queue jusqu'à deux heures du matin bien que la fin du spectacle ait été annoncée. Dès la seconde représentation, là où nous attendions vingt enfants du Parcours Paris-Mômes, il en arrive deux cents. Nous multiplierons les séances, en enchaînant dix coup sur coup au lieu des six prévues, mais nous ne pourrons accueillir que le quart des spectateurs venus assister à notre opéra Nabaz'mob. Des dizaines de copains feront demi-tour, découragés par la foule compacte qui a envahi le Cour Saint-Emilion. France 2, France 3, TF1 se succèdent pour leurs journaux respectifs d'aujourd'hui dimanche. Antoine reste zen, donnant l'ordre aux bestioles d'entamer chacun des trois mouvements les uns après les autres, tandis que je tente de gérer la salle, l'afflux, la presse et le stress que produit chez moi autant de monde. La dernière séance est ponctuée des cris des manifestants dépités de n'avoir pu assister au spectacle. À leur tour, ils entonnent en chœur "Libérez les lapins !". Ceux-ci, stoïques jusqu'au bout de la soirée, sauront imposer le silence pour se faire écouter.
Maÿlis et Françoise nous aident à ranger les bestioles et leurs oreilles articulées dans leurs malles. Il est trois heures lorsque nous regagnons nos pénates, fourbus, mais évidemment contents du succès remporté par notre opéra contemporain, nous remémorant les milliers d'yeux pétillants que le spectacle a enchanté tout au long de cette Nuit Blanche hallucinante.

samedi 4 octobre 2008

Nabaz'mob à la Nuit Blanche, 6 représentations à Bercy Village


C'est ce soir le grand soir. Nos lapins sortent pour jouer leur partition du diable. Sans sa chorégraphie auriculaire et lumineuse, leur chant instrumental aurait-il le même pouvoir de séduction ? J'en doute. Comme chacun sait, la musique contemporaine avec les documentaires animaliers, cela fonctionne très bien ! Notre fiction critique et lagomorphe semble obéir aux mêmes lois, celles des utopies.

Nabaz’mob à la Nuit Blanche
Opéra pour 100 lapins communicants Nabaztag
Chorégraphie et musique d’Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé
Samedi 4 octobre
séances de 23 minutes, ce soir à 20h / 21h / 22h / 23h / 24h / 1h
Bercy Village, passage Saint-Vivant – Paris 12e
M° Cour Saint-Emilion (ligne 14, ouverte toute la nuit, les autres métros roulant jusqu'à 2h15 !)

100 lapins Nabaztag interprètent, tous ensemble, un opéra composé par Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé. Convoquant John Cage, Steve Reich, Conlon Nancarrow ou György Ligeti, cette partition musicale et chorégraphique ouverte en trois mouvements, transmise par Wifi, joue sur la tension entre communion de l'ensemble et comportement individuel, pour créer une œuvre forte et engagée. Cet opéra questionne les problématiques du comment être ensemble, de l'organisation, de la décision et du contrôle, qui sont de plus en plus centrales et délicates dans notre monde contemporain.
Antoine Schmitt et Jean-Jacques Birgé sont respectivement le designer comportemental et le designer sonore du lapin Nabaztag fabriqué par Violet. Ils ont choisi de pervertir l'objet industriel pour en faire une œuvre artistique où la chorégraphie d'oreilles, les jeux de lumière et les cent petits haut-parleurs cachés dans le ventre de chaque lapin forment une écriture à trois voix s'appuyant sur le décalage temporel et la répétition, la programmation et l'indiscipline.
Une Nuit Blanche à Bercy Village pour les petits et les grands : à voir absolument et en profiter aussi pour voir l’exposition de Paris Mômes «Photographie la nuit».

Renseignements pour le public au 01 40 02 91 98

jeudi 2 octobre 2008

100 lapins de plus en plus impatients avant la Nuit Blanche


Nous pensions attendre sagement samedi, mais nous voyons des lapins partout, nous lisons du lapin, nous entendons du lapin, nous mangeons du lapin.
Dans Le Journal du Dimanche du 28 septembre, le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint-Cyr, président du Palais de Tokyo, suggère les douze artistes "à ne pas louper" dont nous faisons partie : "Deux compositeurs qui convoquent des génies comme John Cage, monument de la composition, de l'art conceptuel... C'est une œuvre enveloppante tournée vers le futur, et toutes les possibilités qu'elle annonce me rendent optimiste." Youpi ! Télérama en fait la une de Sortir. C'est l'un des sujets du Parcours-Jeu Enfant de Paris-Mômes. Comme les autres, le Festival Musiques Libres de Besançon prend la même photo pour son affiche, même s'il en choisit une autre pour son programme... J'en ai pris plein d'autres dont on peut voir des échantillons sur le site de Nabaz'mob, toutes libres de droits ! Car c'est probablement le secret. Une bonne photo a toujours de bonnes chances d'être publiée. Si, en plus, elle ne coûte rien, le tour est joué. Revers de la médaille, il est aujourd'hui difficile aux photographes de placer leurs photos tandis que les sites d'images libres de droits fleurissent sur le Net comme des champs de carottes, sans parler du droit à l'image qui complique considérablement le métier. Que nous soyons compositeurs de musique, plasticiens, cinéastes, graphistes, photographes, seule la qualité de notre travail peut faire la différence. Comme vous connaissez mon goût pour les changements d'angle, je souhaite vivement que des professionnels de l'optique et du déclencheur s'emparent de notre travail !
En attendant samedi et sa Nuit Blanche, Antoine Schmitt et moi-même fignolons Mir:ror, le futur objet de Violet, nouvel accessoire qui flattera le narcissisme de nos bestioles, tentées par l'indiscipline malgré l'organisation qui les régule...