70 Multimedia - avril 2009 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 21 avril 2009

La musique des enseignes lumineuses


Chaque fois que l'on me demande une contribution pour une prestation publique ou une publication graphique autour de FluxTune conçu avec Frédéric Durieu je commence par dessiner le titre de l'événement comme un circuit de notre application. Ensuite je place des émetteurs, des instruments et des obstacles sur le labyrinthe pour que les notes s'y promènent en faisant de la musique. Je l'avais réalisé pour Poptronics et l'hommage à Moondog, me voici cette fois à composer la musique de la revue Étapes et de PechaKucha. Il est amusant d'écouter ce que les enseignes m'inspirent... Je ne sais pas si j'aurai le temps de faire entendre celle d'Étapes, chaque intervention durant exactement 6 minutes 40 secondes, mais le 28 avril à 19h30 au Divan du Monde j'exposerai au moins aux oreilles de tous mon "PechaKucha". Attention, si vous voulez y assister, il reste des places, mais il faut impérativement s'inscrire très vite... Je sais seulement qu'y participeront aussi Étienne Mineur, Roland Cahen, Laps Design, Viasonora, ByVolta, Le projet Mü, Le toucher minuscule, Germain Bourré, Stéphane Bureaux, Exhalia... Chacun 6 minutes 40 !


Sur ces deux images, on voit que je suis passé en mode plein écran. Oui je sais, là c'est plus proche du timbre-poste. À gauche l'interface et le damier ont disparu, à droite le circuit s'est effacé à son tour. Les halos se forment lorsqu'un point de rencontre est saturé de notes qui elles-mêmes se transforment à leur éjection hors du circuit. Je n'ai pas fait de capture-écran de l'étape suivante, quand il ne reste plus que les notes, des points de couleur qui se déplacent et explosent dans tous les sens !

vendredi 17 avril 2009

Hadopi profiterait aux brouilleurs de pistes plutôt qu'aux artistes


Si, comme on l'a démontré ici et ailleurs, la loi Hadopi est absolument inacceptable, par son inefficacité et les dangers qu'elle implique, si les raisons invoquées par ses initiateurs sont de l'ordre de la désinformation pure, la question de la défense des droits des auteurs reste entière face au piratage et à la gratuité. En ce qui concerne la rétribution des artistes, créateurs d'œuvres de l'esprit, un modèle type licence globale pourrait être envisagé, plutôt que laisser les majors conclure des accords directs avec les fournisseurs d'accès ou les pourvoyeurs de contenu "gratuit". Ces tractations reviennent à un accord global entre producteurs (de musique ou de cinéma) et nouveaux maîtres du jeu, sur le dos des artistes, quoi qu'en disent les sociétés d'auteurs qui soutiennent, par ce fait, le capital ! En résumé, taxons les fournisseurs d'accès et les fabricants de matériel informatique qui font leur beurre sur le dos de tous les créateurs de contenu, quitte à répercuter ces sommes sur les abonnements des utilisateurs sur le modèle de la redevance audiovisuelle.
Quant à la protection des données personnelles des citoyens, la technique du tunneling permet de rendre indécelable l'adresse IP de chaque internaute, et donc de surfer et télécharger des fichiers sans être repérable. Le service de VPN, Virtual Private Network (Réseau Privé Virtuel), permet ainsi de relier deux réseaux, par exemple un site Peer to Peer et votre ordinateur, de manière sécurisée, sur le réseau Internet qui ne l'est pas. Le principal site de téléchargement pirate, The Pirate Bay, sous les feux de l'actualité grâce à son procès en Suède, propose depuis peu ce service, en fonctionnant à flux tendu, c'est-à-dire ici sans qu'aucune donnée, ni aucun fichier log ne soient conservés. Personne, même pas le site en question, ne peut remonter jusqu'à l'internaute. Là où le bât blesse, c'est que le site pirate facture 5€ par mois ce service de tunneling. Tant que le système voguait sur la gratuité, la question des droits se posait en des termes très différents. En payant The Pirate Bay plutôt qu'en s'acquittant des droits d'auteur, il s'agit dorénavant d'une démarche explicitement malhonnête qui permet à ce site de s'enrichir sur le dos des auteurs. Si elle passe, la loi Hadopi, déjà stupide et dangereuse, profitera donc à des entrepreneurs sans foi ni loi. Mais certains fournisseurs d'accès proposent déjà le tunneling de manière plus générale : en plus de votre abonnement à Internet, il suffira de débourser un petit complément pour ne pas risquer d'être vu et puni, en cas de téléchargement illégal, mais surtout camouflant tout le reste de votre navigation sur Internet, et ce de manière transparente pour l'internaute. Conclusion : si la loi Hadopi est votée, elle enrichira les brouilleurs de pistes au lieu de profiter aux artistes. Ne préfèrerions-nous pas verser 5 euros de redevance plutôt que cette somme serve à protéger notre vie privée sur le Net ?

P.S. : The Pirate Bay a perdu son procès à Stockholm aujourd'hui. Les quatre accusés ont été condamnés à un an de prison ferme et 2,69 millions d’euros. Ils ont fait appel. L'un d'eux, Peter Sunde alias Brokep, écrit sur son Twitter ce matin, « d’après des informations qui ont fuité du Tribunal, nous avons perdu (j’ai appris la nouvelle hier soir). Une source de confiance l’a confirmé ». Avant d’ajouter, taquin : « Franchement, c’est un peu LOL. On savait pour les films, mais maintenant, même les verdicts sont disponibles avant leur sortie officielle ».

jeudi 16 avril 2009

TV-Hôtel, la chaîne du réseau hôtelier


Je ne regarde jamais la télévision. Sauf lorsque je suis à l'hôtel. Le matin, il m'arrive de l'allumer. Il n'y a rien à voir que des dessins animés débiles et des séries du même acabit. Je retombe inlassablement sur Télématin où officie William Leymergie. Comme ce type présente l'émission depuis plus de vingt ans et que je ne le vois évidemment que dans mes chambres d'hôtel, j'ai la ferme impression que le journaliste soupe-au-lait est l'animateur d'une chaîne TV exclusivement produite pour le réseau hôtelier. Ignorant que cette "émission matinale est la plus regardée de France (50% de part de marché)", je ne m'étonne pas que son style corresponde à l'hygiénisme superficiel et impersonnel de la plupart des lieux réservés à mon intention. Sauf que ce type, également producteur de cette émission sur France 2, est souvent très irritant et semble semer la terreur sur son entourage. Depuis quelques années, je ne tiens que quelques minutes et je retourne à de plus saines activités. Il ne faut non plus jamais rester trop longtemps enfermé dans une chambre d'hôtel. Dans ce no man's land ressemblant à une aire de transit, on perd vite le contact avec la réalité.

mardi 14 avril 2009

Comme une toupie


Testez-moi et je ne réponds plus de rien, ou à tout, ce qui n'aurait rien d'étonnant, n'est-ce pas ? À l'issue des représentations de Nabaz'mob, comme nous sommes dans un environnement scientifique et pédagogique, nous répondons aux questions des spectateurs. C'est intéressant parce que c'est un public très mélangé. Le plus jeune spectateur a un mois et je n'aurais pas osé demander aux plus vieux. On y évoque autant la technologie que la philosophie qui sous-tend le spectacle... Nous nous baladons ensuite dans diverses expositions du PASS où je suis surpris par la radicalité politique des propos. Le film sur l'eau, par exemple, dont la projection sur un cube de cinq côtés ne me convainc guère - nous sommes assis sur les gradins du sixième - montre par contre clairement que le manque d'eau sur la planète n'est pas une question de géographie, mais un terrible clivage entre riches et pauvres. L'eau comme l'air ne sont pas des besoins comme l'entend l'OMC, mais des droits. Le besoin est présenté comme un désir individuel tandis que les droits doivent être les mêmes pour tous les êtres humains... Avant de rejoindre notre hôtel, je fais un tour en Segway, un gyropode à deux roues qui maintient l'équilibre grâce à quatre gyroscopes. La conduite est très intuitive, l'apprentissage est rapide. Ce véhicule permet de se déplacer à plus de 25km/h, avec tournant en toupie et marche arrière !

samedi 11 avril 2009

La vie en mauve à chœur joie


Revenus à St Médard-en-Jalles, nous démontons Nabaz'mob pour le conduire jusqu'en Belgique. Prochaine station le PASS, Parc d'Activités ScientifiqueS de Mons lors du festival Robotix's, six représentations du 13 au 15 avril. Cette fois nous voiturons les deux malles et les cent femelles en camionnette espérant que tout le monde sera sage. Nous n'avons pas l'habitude qu'une de nos œuvres emporte autant de suffrages à chaque représentation. Il faut seulement que nous fassions très attention aux conditions scénographiques en fonction des lieux qui nous accueillent. Une salle en gradins implique une mise à plat de l'opéra tandis qu'un autre théâtre nous fait empiler les lapins sur plusieurs degrés. Dans la salle en cuvette du Carré des Jalles, nous aurions peut-être dû aligner les lapins en avant-scène, en tous cas les écarter plus pour ne pas qu'ils aient l'air si petits. L'éclairage, plus froid que d'habitude, contribua à cette distance involontaire qu'ont pu ressentir quelques spectateurs. Le placement des micros nous complique la tâche puisque nous nous cantonnons à vingt-quatre, soit un pour quatre lapins environ. Cette fois l'enregistrement audio du spectacle fut particulièrement réussi. Il faut que je pense à en mettre un nouvel extrait sur le site. Pendant la semaine qui a suivi, les cent lapins hébergés dans une grande pièce noire s'en sont donnés à chœur (!) joie. Sans parler de l'accueil chaleureux de l'équipe du Carré, la proximité jouait en leur faveur, scope scénique avec, en plus, cent petits haut-parleurs se répondant comme des balles de ping-pong lancées dans une pièce remplie de tapettes à souris amorcées. Réaction en chaîne qui s'étale dans le temps dès qu'un individu prend du retard. À chaque nouvelle représentation, je conte leurs aventures par le menu, sans aucune précaution culinaire. Avant que ne commence notre opéra j'ai l'habitude de réclamer le plus grand silence, l'abstention de prendre des photographies et je souligne que la musique est produite par leurs cent petits estomacs. Il faut que je pense à rappeler aussi que chaque spectacle est différent et que nos interprètes nous surprennent toujours puisqu'ils sont doués de la faculté d'improviser l'ordre de jeu et de choisir telle ou telle voix de la partition qui leur est envoyée en wi-fi.

dimanche 5 avril 2009

Cadavres exquis collés au mur


Le tag est une manière d'affirmer son existence dans une société où rien n'est fait pour que les jeunes (et les moins jeunes) y trouvent leur place. Leurs signatures obéissent le plus souvent hélas à un style aussi formaté que ce contre quoi ils marquent leur territoire. Un mur. La sophistication des traces tire vers un psychédélisme gothique ou une heroïic fantasy druilletisante. Art brut, art naïf, art mural, art de la rue, art mais. Le jeu consiste parfois à dégoter un lieu inaccessible où son œuvre ne sera pas recouverte. Les codes m'échappent, mais je comprends qu'une signature par dessus l'autre dessine des luttes de pouvoir, une histoire du temps à braver l'ennui, la mort, la police ou les rivaux. Plutôt qu'une suite de tableaux, les éléments disparates s'accumulent par strates. Les peintres ne pouvant se payer une toile vierge repeignent par dessus l'huile du passé qu'ils jugent rance ou se maculent eux-mêmes. On se souvient aussi de Picasso dans son ''Mystère'', filmé par Clouzot, improvisant au chronomètre et produisant sur la même toile des dizaines de tableaux qui s'effacent au fur et à mesure que les nouvelles couches recouvrent les anciennes. Dans la rue, les pochoirs et les bombes dessinent une passionnante histoire collective que l'on souhaiterait plus éloquente, revendicative ou viscérale. Le style des graphes égale parfois les prouesses techniques des crayonneurs de trottoirs reproduisant les tableaux encadrés du Louvre, mais on est rarement saisi par une pensée ou bouleversé par une rencontre. Sortis des placards, les cadavres exquis recouvrent la ville vidée de son sens. Ce matin-là, Konny pochait des bustes blancs sur un ciel orageux où volait un dragon grimaçant. Il faisait beau. Les passants prenaient le temps de s'arrêter.
Je rêve d'un printemps plus brûlant, de cris du peuple plus saignants, d'histoires à dormir debout, de fresques drôles ou méchantes, mais qu'on me réveille, que diable ! Je regrette l'impertinence de Miss Tic, les à propos dramatiques d'Ernest Pignon Ernest, les trompe-l'œil qui nous confondent, les slogans et les images d'Épinal du réalisme socialiste, et, plus encore, des utopies recouvrant cette grisaille urbaine par une gigantesque bande dessinée où s'écriraient des mondes futurs, des images à voir de loin, des propositions politiques, des impertinences plus nécessaires que jamais...

samedi 4 avril 2009

Centophonie


C'est la première fois que nous présentons Nabaz'mob sans autre amplification que les 100 petits haut-parleurs qui équipent chacun de nos lapins. En "centophonie", l'opéra prend toute sa dimension sonore. Cela n'est possible que parce que le théâtre totalement obscur qui a été construit au Carré des Jalles est de petite dimension, 6,70 x 5,80 m, en comparaison de la salle de 750 places de jeudi soir. Nous avons ajouté un néon équipé d'une gélatine rouge (réf. 106) pour des questions de sécurité et pour éclairer le ballet d'oreilles. Le public assiste par petits groupes, une quinzaine de spectateurs à la fois, aux 23 minutes plus magiques que jamais. La seule contrainte fut l'isolation phonique, préoccupation constante dès que l'on se retrouve dans un espace fréquenté, surtout dans un festival où se côtoient d'autres installations où le son tient une place majeure. Nabaz'mob jouera en boucle jusqu'à vendredi prochain dans le cadre du festival Des souris et des hommes, qui porte bien son nom, complémentarité exceptionnelle de l'équipe qui nous entraîne jusqu'à cette heure avancée de la nuit. Chapeau !

jeudi 2 avril 2009

Nabaz'mob au Carré des Jalles


Le retour des lapins serins. Leur lumière intérieure leur a greffé des petites pattes porte-bonheur. Assis sur leur derrière, ils attendent avec nous l'ouverture du festival Des souris et des hommes pour faire leur entrée. Comme prévu et espéré ils se sont reproduits. On les voit partout sur les murs de Saint Médard. Le programme stipule : "Plus fort encore que le lapin Duracell™, plus drôle encore que Bugs Bunny, une armée de lapins Nabaztag® vous donne rendez-vous..." C'est sympa. Pourtant il n'y a rien de militaire dans cette meute centurionne dont la discipline n'est pas son fort. Nabaz'mob n'essaie pas de démontrer sa supériorité technologique, ni d'amuser la galerie en remuant les oreilles. Le propos est d'être ensemble, mais sans y parvenir. Cocteau disait que la France est un pays où la dictature ne pouvait pas prendre, trop d'indiscipline et d'individualisme, "c'est une cuve qui bout, qui bout, mais qui ne déborde pas". La dialectique entre ordre et chaos fait tout le charme de ce spectacle "à voir en famille" ! Après un premier mouvement que nous qualifierons d'arbre de Noël, le second est sombre et menaçant. On passe des guirlandes multicolores à un parterre de plantes carnivores dont les tentacules volcaniques lèchent l'obscurité de leurs petites flammes brûlantes. Le dernier mouvement me ressemble plus que les autres. Une histoire de la musique passée à la moulinette d'un délai de 100 et au crible de l'opéra. Exposition, action, catastrophe... Aujourd'hui dans la grande salle, demain dans une grande boîte noire en représentation permanente. Ce sera la première fois que les cent lapins interprèteront leur partition sans aucune amplification. On pourra percevoir le son de chacun des cent haut-parleurs. Ding, diling diling, dilililililililililing...