70 Multimedia - septembre 2010 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 30 septembre 2010

Tintin


Enfant, je suivais mes héros en feuilleton, une double page après l'autre, dans le journal Tintin. Nous étions tenus en haleine, comme aujourd'hui les gosses avec leurs séries télévisées. Enfin, pas que les gosses ! Mes préférés étaient Blake et Mortimer, mais j'aimais aussi les personnages de Hergé, et aussi Chick Bill. Je m'étais fait offrir les albums des histoires que je voulais relire souvent. Plus tard, longtemps après la mort de Hergé, j'ai acquis leurs aventures complètes pour les jours de pluie en Bretagne. Alors j'ai fait cadeau de toute ma collection d'hebdos à un ami, sans en connaître la valeur, je ne sais combien de paquets ficelés... Je ne lisais pas Spirou, mais c'est tout de même un original de Gaston Lagaffe dessiné par Franquin, époque Idées noires, qui est accroché dans le studio !
Mon père avait reçu en service de presse quatre 33 tours 30 cm de Tintin, Les cigares du pharaon, Le lotus bleu, Objectif Lune et On a marché sur la lune, ainsi que, définitivement mes préférés, La Marque Jaune et Le secret de la Pyramide d'après E.P. Jacobs. "Minuit sonne dans le ciel d'Angleterre tout alourdi de pluie. Au bord de la Tamise sur le fond du ciel sombre, la Tour de Londres découpe sa dure silhouette médiévale. À l'abri de ses murs crénelés une ronde du Royal Fusiliers inspecte les sentinelles qui montent la garde autour de Wakefield Tower. Wakefield Tower, la tour où sont gardés les bijoux de la Couronne. Soudain...". Comme Elsa connaîtrait par cœur les dialogues et les chansons des Demoiselles de Rochefort, je finis par me souvenir à jamais du texte de ce disque, Grand Prix de l'Académie Charles Cros. J'imagine que l'évocation radiophonique eut une influence considérable sur mes compositions musicales. J'ai tellement écouté les aventures sonores de Buffalo Bill, Le courrier de Denver City, que le 25 cm est complètement usé. La présentation de William Cody par lui-même apparaissait comme un modèle au petit garçon de cinq ans que j'étais, j'ignorais alors le tueur de bisons qui avait participé en cela à l'anéantissement des nations indiennes. Des Pieds Nickelés à Bibi Fricotin, les héros de bande dessinée auxquels je m'identifiais ouvraient un champ imaginaire plus large que les acteurs de cinéma. En enlevant des paramètres à la réalité on aborde des rivages poétiques par ailleurs inaccessibles.

mercredi 29 septembre 2010

Les lapins à Bruxelles


Escale bruxelloise. Je ne suis pas revenu depuis les années 50 ! Mes parents m'avaient acheté un Manneken-pis avec une poire. Je prends quelques photos de murs peints inspirés de bandes dessinées et fais le nécessaire pour comparer les chocolats de Laurent Gerbaud et de Marcolini.
Les Galeries Royales St Hubert ont été fermées au public pour la soirée d'ICT 2010. Nos lapins se plaisent bien dans la belle salle du Théâtre du Vaudeville. Je les ai tellement pris en photo que dorénavant je cadre plutôt les décors dans lesquels ils s'ébattent et qui sont souvent étonnants. Nouvelles options aidant, il faut voir les centaines de téléphones portables filmer la scène toute la soirée. Les spectateurs conditionnés par les applications interactives sifflent ou se déhanchent vainement devant notre clapier impassible, exécutant inexorablement leur partition ORL (Oreilles Roucoulade Lumière). Nous dédicaçons le Nabaztag que l'organisateur offre au Ministre bruxellois de la recherche scientifique et de l'innovation, et après un sandwich frugal en guise de dîner officiel, nous terminons la soirée dans un hôtel automatique design où tout est en supplément sauf le savon épais comme un chewing-gum et friable comme une ardoise. Pour les moules frites et la gaufre, c'est tintin, autre spécialité locale. Je souris en me rappelant la devise de notre régisseur londonien : "Smile and invoice !".
Après une nuit très courte et agitée, probablement due à un mélange alcoolisé, je poste mon blog depuis le Thalys, agréablement équipé d'Internet en wi-fi.

vendredi 24 septembre 2010

Miroir, miroir, suis-je toujours en une de Mediapart ?


Depuis un mois, j'ai porté mon blog sur Mediapart, mais si son miroir est identique dans sa recopie sur FaceBook j'ai préféré effectuer une sélection d'articles anciens et récents pour le site dirigé par Edwy Plenel. J'y place donc seulement les articles politiques ou critiques, en particulier mes comptes-rendus de livres, DVD ou CD, ne publiant qu'ici les choses personnelles qui, mélangées à l'ensemble, crée cette impression généraliste qui réfléchit plus fidèlement l'encyclopédiste amateur et le professionnel polymorphe. J'avais évidemment envie d'élargir le cercle de mes lecteurs/trices, notant au passage que les commentaires se font plus aisément sur FaceBook et Mediapart qu'ici-même. La ligne éditoriale de Mediapart étant essentiellement politique, mes billets culturels se sont retrouvés instantanément en une du Journal, du Club ou de la rubrique Culture et idées, à tel point qu'hier matin j'occupais ces trois pages avec mes trois derniers articles ! J'aimerais bien que Le Monde Diplomatique ait la même exigence dans ses pages culture que sur le reste de leur mensuel. L'orientation principale de Mediapart explique probablement l'intérêt de la rédaction pour ce que j'écris, puisque je me retrouve chaque jour sur l'une de leurs unes, flatté, comme on peut s'en douter. De plus, cette participation ne leur coûte rien, bien au contraire, puisque je profite de l'abonnement que Françoise a souscrit à raison de 9 euros par mois, somme que je conseille à tous les amateurs d'actualités brûlantes de dépenser sans hésiter, car il y a plus à y lire, voir et écouter que dans les quotidiens traditionnels de la presse papier à laquelle nous sommes également abonnés. Si vous désirez être parrainé(e), l'offre d'accueil est de 1€ le premier mois ou 19€ les 3 mois d'abonnement...
Mon blog le plus complet reste http://www.drame.org/blog puisque je ne publie sur Mediapart qu'une partie de mes récits quotidiens complétée par une sélection d'anciens, et qu'il est impossible de placer certains fichiers, comme les sons, sur FaceBook qui met, en outre, souvent plus de 24 heures pour recopier automatiquement ma prose kaléidoscopique.

lundi 20 septembre 2010

Terres arbitraires


La nouvelle installation de Nicolas Clauss inaugure une nouvelle direction du travail de l'artiste plasticien. Pour Terres arbitraires présenté au Théâtre de l'Agora d'Evry jusqu'au 16 octobre, il est allé à l'essentiel, laissant de côté les enluminures graphiques dont il a le secret pour livrer une œuvre brute, fondamentalement politique, axée sur la vidéo.
Pour ses œuvres numériques comme Cinq ailleurs, De l'art si je veux, Un palpitant ou Les musiciens, Nicolas a toujours filmé et travaillé avec les jeunes des quartiers. Pour Terres arbitraires qui tire son titre d'un vers d'Aimé Césaire dans Ô Guinée du recueil Cadastres, auteur adulé par nombre de ces jeunes, il a choisi de ne montrer que les garçons qui se regroupent en bas des tours pour passer le temps dans un endroit où rien n'est construit pour eux, le seul endroit qu'ils ont pour se retrouver et où la police passe le sien à les contrôler. Les sœurs et la famille ne sont pas pour autant absentes, quand les mots enregistrés évoquent la relégation sociale et le racisme, la frontière et l'expulsion à la périphérie, le délire sécuritaire et les poncifs des médias, la solidarité et la conscience aiguë de l'enjeu qu'ils représentent...
S'il évoque Terrain vague de Marcel Carné, il filme les visages, chacun des soixante portraits réfléchissant l'ambivalence des modèles. Lorsqu'il leur demande de jouer les petits durs toisant le spectateur, fidèles à leur stéréotype, ils les pousse à se lâcher dans un grand éclat de rire. Ils rayonnent, malgré le cadre dans lequel la société les enferme. On pense à Pasolini en regardant l'image qu'ils se construisent tandis que l'on entend comment les médias s'emploient à les travestir. Car les trois sources sonores, dont la diffusion est aussi aléatoire que les images qui se succèdent sur dix moniteurs et deux grands écrans, jouent la carte de la dialectique, matière composée de 120 fichiers où se mêlent les voix de Sarkozy, Le Pen, Amara, de Villiers, Emmanuel Valls, Bourdieu, les Indigènes de la République dont Houria Bouteldja et Saïd Bouamama, Mathieu Rigouste, Loïc Wacquant, Tariq Ramadan, Eric Besson, Eric Zemmour, Daniel Mermet, le groupe Ministère des Affaires Populaires, les présentateurs du JT et des habitants des cités... Les slams et raps enregistrés pendant six mois sur la dalle du quartier des Pyramides à Evry leur répondent sur les grands écrans, mais cela aurait pu aussi bien se passer dans n'importe laquelle des 751 ZUS (Zones Urbaines Sensibles) que le Ministère de la Ville a étiquetées. Sur le moniteur central défile le nom de plus d'un millier de quartiers. Deux jeunes habitants des Pyramides, Ruben Djagoue et Sami Moqtassid, ont aussi tenu le micro et la caméra. Nicolas a ensuite superposé les couches d'images dans Director, subtiles textures, ralentis, effets de rémanence en accord avec les cadres et les mouvements à la fois émouvants, drôles et interrogateurs.
Nicolas Clauss rêve que les spectateurs empruntent le RER jusqu'à Evry, croisant les "jeunes" comme ceux qu'il a filmés, en espérant que leur regard aura changé lorsqu'ils reviendront vers la capitale. Pas seulement celui que nous portons sur les autres, mais celui que nous retournons vers nous-mêmes.

mardi 14 septembre 2010

Résurrection des souvenirs fanés


Signe de sénilité, de distraction ou de titre bien trouvé, j'ai redemandé trois fois à Sun Sun Yip le nom de sa série de sculptures en bois et jus divers. Pas moyen de me souvenir de Flowers of Memories avant de taper son nom. J'aurais pu le graver avec un canif comme les amoureux entaillent l'écorce des arbres, cicatrices boursoufflées par le temps, mais Sun Sun recycle les arbres déjà morts et les fruits écrasés. S'il est un champion de la tronçonneuse, il préfère cultiver avec Marie-Laure une étonnante collection de cactus qui ont envahi la maison et dont certains ne fleurissent qu'un jour par an. Dehors, leur minuscule rectangle de verdure appelle la contemplation plutôt que la bronzette à l'instar des jardins zen. Comme il a sorti toutes ses dernières œuvres pour les photographier en vue d'un catalogue, j'en profite pour prendre un cliché pirate où l'on voit, au fond de son atelier, l'artiste hongkongais à son ordinateur. Il y cultive des plantes plus complexes, constituées de 0 et de 1, des entités vivantes dont la 3D fait ressortir l'ambiguïté, à l'opposé de ses bois bruts, partiellement enduits de mûre, de cassis ou de graphite. Au quotidien, il projette sa science dans l'univers de sa cuisine, car Sun Sun Yip manie cuissons et épices en maître-queux. Quelle différence y a-t-il entre la sculpture, la programmation et les raviolis frais ? Aucune lorsque c'est réalisé avec art et une pincée d'arrière-pensées...

samedi 11 septembre 2010

Un château (de sable) en Espagne


Pierre Oscar avait coiffé le tas de sable avec un gros téléviseur pour diffuser le film qu'il a conçu à partir du scénario de la bande dessinée qu'il publie avec Frederik Peeters dans la collection Bile blanche des éditions Atrabile. Je recommence. Pierre Oscar Lévy écrit un scénario à partir d'un lieu de vacances dans les Asturies où il n'est pas retourné depuis trente ans : sur une plage close par un mur de rochers, les protagonistes sont pris de vitesse par le temps qui s'emballe. Les vies glissent inexorablement comme les grains d'un sablier. On peut toujours le retourner pour savourer le trait noir de Peeters, on n'y peut rien, l'ange exterminateur veille au grain. Ou encore. POL réalise un film expérimental d'une quarantaine de minutes qu'aucun des invités au vernissage ne peut entendre. Il faudra revenir. Si le vacarme nous rend sourds, suivons les vagues formées par les 300 planches originales épinglées sur les murs de la galerie Since d'Upian jusqu'au 25 septembre.


Peeters et Lévy dédicacent à tour de bras. Nous serons pourtant inéluctablement un plus vieux en sortant qu'en entrant. Leur Château de sable est un château en Espagne, un rêve que seul le dessin est capable de matérialiser. Les réalités scientifiques s'effacent devant l'aventure fantastique. L'écran montre l'impossible du réel tandis que la BD vérifie la véracité de la fiction. Triomphe du storytelling, il y a neuf ans jour pour jour une histoire invraisemblable allait changer le profil du monde. Si vous avez eu la naïveté d'y croire, vous vous laisserez porter par les vagues. Sinon, vous saurez apprécier ce conte pour ce qu'il est, une manière de voir.

vendredi 3 septembre 2010

Nabaz'mob à L'Escaladieu


Nos 100 lapins effectuent une petite retraite dans une abbaye cistercienne du XIIe siècle. Le parc est calme, spacieux et l'herbe y est bien verte. L'acoustique de la salle est telle que jamais les bestioles n'ont joué aussi fort. On ne s'entendrait pas parler si la centurie n'imposait le recueillement. Nabaz'mob est donc exposé à l'Abbaye de l'Escaladieu, près de Tarbes, dans le cadre du Festival des arts numériques. L'installation est visible de vendredi à dimanche (9h30-12h30/13h30-18h30).


Petite nouveauté, Antoine Schmitt s'est exceptionnellement fait remplacer par Sonia pour la mise en place de notre opéra. Il est en effet accaparé par sa nouvelle œuvre qui le mène de Bruxelles à Madrid en passant par Berlin et Helsinki. City Sleep Light joue le rôle de veilleuse dans les villes endormies, pulsant au rythme socio-économique de leurs activités respectives. Les immeubles équipés de LED sont visibles de partout, même depuis l'espace. Les habitants peuvent également faire vibrer leurs ordinateurs au rythme de leur ville. Le dernier contact établi avec mon camarade venait de Linz en Autriche où l'Ars Electronica Center respirait devant la fenêtre de sa chambre d'hôtel.