70 Multimedia - mai 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 10 mai 2011

Art contemporain nouveaux médias


Comme je referme Art contemporain nouveaux médias que Dominique Moulon vient de publier aux nouvelles éditions Scala, je le glisse à côté de la thèse d'Hervé Zénouda, Les images et les sons dans les hypermédias artistiques contemporains, de la correspondance à la fusion (ed. L'Harmattan), des numéros spéciaux d'Art Press Techno anatomie des cultures électroniques et L'art et la Toile, de ceux de MCD consacrés par Anne-Cécile Worms aux Arts numériques et par Anne Roquigny à 15 ans de création artistique sur Internet, des généreuses contributions d'Annick Rivoire ou Clarisse Bardiot dans différentes revues et d'une tonne de catalogues de festivals, auxquels j'ai participé, aussi fournis en informations. Je n'oublie pas les monographies de quelques précurseurs tels John Maeda, Marita Liulia ou le catalogue de La subversion des images du Centre Pompidou. Les plus passionnants sont évidemment ceux qui développent un regard personnel, mais le feuilletage systématique fournit des pistes à qui veut les suivre. Comparé au reste de mes bibliothèques, cela ne pèse pas lourd. Après avoir été prolifiques sur CD-Rom dans les années 90, puis sur Internet au début du siècle, les arts numériques cherchent toujours leur modèle économique, installations aidant. Ils ont pourtant envahi l'espace théâtral, le cinématographe et se déclinent de galerie en spectacle vivant, sans que ses plus beaux fleurons trouvent grâce aux yeux et au portefeuille des collectionneurs et des musées. Est-ce le souci de la pérennité ou la jeunesse de ces expressions qui freinent le marché de l'art ? Antoine Schmitt me confie qu'il livre désormais le code source et un service de maintenance avec ses œuvres. D'autres signent un contrat qui octroie aux acheteurs la propriété du code si les artistes disparaissent. Les projections nécessitent des lieux obscurs et nombreuses installations sont de l'ordre du monumental. Il y a pourtant de quoi satisfaire tout le monde, petits formats simplifiés et délires mégalos, kitscheries et œuvres conceptuelles, mises en scène dramatiques et matières plastiques, agit-prop et art officiel ! Toutes ces pièces ont le mérite de poser mille questions sur l'art et l'époque, sur les nouveaux outils et les libertés qu'ils offrent, sur la fragilité de notre monde et la prison dans laquelle nous nous enfermons nous-mêmes.

lundi 9 mai 2011

L'exposition Interfaces interroge le multi-écran


Interfaces est un récit interactif sur le design multi-écran, vu à travers 43 projets et 17 regards croisés de chercheurs et designers. Réalisée par Les Designers Interactifs et La Fracture Numérique dans le cadre d’Adobe Live – La Creative Week, l'exposition de l'Atelier Richelieu se double d'un site Internet où sont présentées les vidéos des intervenants.
Imaginer l'avenir est un jeu d'enfant pour qui s'y penche sérieusement. Regardez le sourire en coin des inventeurs et les sourcils froncés des responsables ! Les uns et les autres sont partagés entre le désir de voir leurs rêves se transformer en réalité et le doute que les usages se conforment à leurs pronostics. La question que le commissaire de l'exposition, Benoît Drouillat, pose à tous est ambiguë. "Le multi-écran" est-il la multiplication des tablettes et téléphones intelligents ou l'embouteillage des informations rassemblées sur un écran géant ? Est-ce un défi aux indispensables économies d'énergie ou une référence artistique au Napoléon d'Abel Gance et au light-show psychédélique ? N'est-ce pas prendre le sujet par le mauvais côté de la lorgnette ? De quoi avons-nous réellement besoin ? De quelles impossibilités naîtra le réel ?
Il est dommage qu'ici encore une seule fille (Amélie Boucher) témoigne au milieu de la cohorte de garçons aux front dégarni et cheveux argentés (Emmanuel Alix, Giuseppe Attoma, Rémy Bourganel, Frédéric Cavazza, Jean-Louis Fréchin, Lucas Grolleau, Pierre-Damien Huyghe, Romain Landsberg, Arnaud Mercier, Vincent Puig, Matthieu Savary, David Serrault, Eric Scherer, Stéphane Vial, Simon White et moi-même). La sensibilité féminine offre des ouvertures que la mâle passion pour les nouvelles technologies néglige. Si le design est un art appliqué, il concerne pourtant le quotidien des hommes comme des femmes.
Les rubriques s'organisent selon les affinités de chacun : architecture et espace, design sonore, jeux, médias et contenus digitaux, objets connectés, services.
Interrogé sur le projet FluxTune (2'26) réalisé avec Frédéric Durieu, je filme une petite démonstration (1'54) de notre instrument de composition musicale atypique, conçu pour être utilisé sans apprentissage, du moins tel que les musiciens l'entendent.


Après une brève tentative d'explication (plus détaillée ici !) sur notre création qui est toujours inédite bien que nous l'ayons conçue dès 2004, j'aborde le geste instrumental (2'59) et m'interroge sur le thème imposé (1'45).

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En regardant les trois vignettes de mes contributions vidéographiées par Marina Wainer je ne peux m'empêcher de penser aux mimiques d'Yvette Guilbert commentant en images L'art de chanter une chanson (Ed. Bernard Grasset, 1928). Joignant la parole au geste, je lance simultanément les trois vidéos (essayez à votre tour !) et je note au fur et à mesure les mots qui ressortent du tintamarre ubique, me souvenant cette fois des expérimentations de George Ives, père du compositeur Charles Ives, qui avait fait jouer dans des tonalités différentes deux fanfares, marchant depuis chaque extrémité de la rue principale pour qu'il puisse inscrire les notes au fur et à mesure qu'elles lui parvenaient !
Cette fantaisie iconoclaste ne serait-elle pas ma véritable réponse au sujet du multi-écran ?

jeudi 5 mai 2011

Musique d'accompagnement pour une scène photographique


Le titre de mon article se réfère évidemment à la Musique d'accompagnement pour une une scène de film (Begleitungsmusik zu einer Lichtspielszene) d'Arnold Schönberg (sur l'INA ou Deezer) pour laquelle Danièle Huillet et Jean-Marie Straub tournèrent jadis une remarquable Introduction cinématographique. Si le schéma opératique le plus courant est "exposition, action, catastrophe", Schönberg crée le drame sur la trame "danger menaçant, angoisse, catastrophe". L'économie de moyens déployée ici pour un résultat optimal est évidemment un modèle qu'il est aussi agréable qu'utile de suivre !
Comme je ne veux rien dévoiler qui ne soit officiel, je commence par regarder la conférence de presse des Rencontres d'Arles de la Photographie et je parcours la programmation. Me voici donc embarqué avec l'équipe de réalisation, Olivier Koechlin, Valéry Faidherbe et François Girard, pour une nouvelle aventure arlésienne. J'avais déjà occupé le poste de directeur musical des Soirées de 2002 à 2005, mais n'y étais pas retourné depuis. Si mon rôle tient du conseil, comme pour le "mano a mano" entre les agences Tendance Floue et Seven ou l'hommage à Roger Thérond, je mets la main à la pâte en sonorisant les dix ans du Prix Découverte et les autres, ou des expositions qui dureront tout l'été, comme celle de la photographe mexicaine Dulce Pinzon (La véritable histoire des super-héros, photo ci-dessus). Le reste est projeté sur écran géant au Théâtre Antique, avec musiciens en direct ou montage préenregistré. L'artiste JR clôturera la dernière soirée et je suis impatient de voir l'exposition consacrée à Chris Marker, de La jetée à son travail sur Second Life, dans le cadre de From Her On.
Sonoriser les montages photos est indispensable pour que le spectacle naisse, mais c'est un exercice difficile, voire dangereux. La rencontre de la musique et des images engendre de nouveaux sens qui ne doivent pas trahir les intentions des photographes. Lorsque je ne compose pas moi-même des originaux, j'essaie en général d'utiliser des œuvres peu connues dont les références ne handicapent pas le mariage arrangé tout en évitant l'illustration redondante. Je recherche donc les complémentaires en ayant à l'esprit l'effet produit sur les quelques 2500 spectateurs ! Il s'agit de créer le rêve ou la réflexion dans un temps très court, en surprenant, mais confortablement pour ne pas écraser les images. L'ensemble sonore doit faire œuvre, se tenir d'un bout à l'autre, tout en entretenant l'attention. Ce n'est pas toujours simple lorsque les sujets sont variés dans un même programme, ou les séquences extrêmement courtes, mais les enjeux sont stimulants. Pour l'instant nous en sommes à découvrir nous-mêmes les alliages magiques où l'intuition rivalise avec le synchronisme accidentel. Je plonge dans ma discothèque en grimpant le long des étagères, je bloque les dates des musicien(ne)s pressenti(e)s et savoure le travail de mes camarades réalisateurs qui mettent en forme la semaine de spectacles du 5 au 9 juillet prochains.