70 Multimedia - juillet 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 11 juillet 2011

Les images sourdes


P.S. : À rêver tout haut d'un monde meilleur il m'arrive de froisser des camarades. J'aborde ici une question de fond sans critiquer les équipes des Rencontres et de Coïncidence, pas plus que les artistes, les commissaires et partenaires qui ont tous réalisé un travail formidable faisant de ce 10e anniversaire une magnifique édition.

À l'occasion des Rencontres d'Arles de la Photographie se pose radicalement la question du son dans les expositions, pendant les projections au Théâtre Antique ou pour la Nuit de l'Année aux arènes. Directeur musical des Soirées, j'interviens en compositions originales, illustrations musicales, organisation de sessions live et conseils en tous genres lorsque les intervenants ne s'en chargent pas directement. Partout je note une absence plus ou moins délibérée du sens dans l'utilisation du son lors des manifestations qui y ont recours. Est-ce la peur d'écraser les images, le besoin d'hypnotiser le public à grand renfort de musique martelante ou plus simplement une inculture, ignorant l'impact du son dans la relation complémentaire qu'entretiennent les medias audio-visuels ? Partout résonnent des "morceaux choisis" sans rapport avec le sujet traité.
Mais d'abord pourquoi ajouter du son dans la présentation de photographies ? Si les expositions de tirages s'en passent fort bien, les projections dans le silence du Théâtre font ressortir la présence dissipante de la foule des spectateurs au lieu de créer une focalisation visuelle ou une pause musicale. Le bruit des rues adjacentes peut se signaler brutalement tandis que la réverbération de l'hémicycle souligne le murmure de la salle en plein air. Quitte à sonoriser les montages photographiques il existe maintes façons d'y répondre, en faisant tout pour faire oublier le son (psychoacoustiquement nécessaire) ou en cherchant à préciser les intentions des photographes grâce à son apport.
Pendant les Rencontres les réponses peuvent sembler diverses alors qu'elles obéissent à la même loi de désaffection du sens. Au Théâtre Antique, à de rares exceptions près (par ex., duo de Mitch Epstein avec le violoncelliste Erik Friedlander), on invoque que le spectacle des photos n'est pas un festival de musique pour réclamer des sonorisations invisibles, musiques d'ameublement n'influant pas sur la lecture des images. Lors de la Nuit de l'Année aux arènes la surenchère punchy est carrément absurde sauf à vouloir faire passer le remarquable travail des photographes pour une usine à clips, fond illimité d'archives interchangeables où les professionnels n'ont rien à gagner. La quasi totalité des montages proposés par les agences sont écrabouillés par des musiques rentre-dedans. L'épate prime sur la sensibilité et la profondeur des idées véhiculées par les images. Les DJ de la piste centrale diffuse le même genre de musique hypnotique, relents surfers sur le dance floor, rock musclé ou techno dans les quinze alcôves à la scénographie pourtant magique. Celle des expositions pourrait remettre en question l'espace muséographique en général, entre autres par une utilisation intelligente du son, tant les réponses sont conventionnelles dans ce secteur.
Dans tous les cas, célébration huppée des Soirées, grand rendez-vous populaire aux arènes, recueillement des expos, la musique est réduite à meubler le silence plutôt qu'à favoriser l'analyse de ce qui est donné à voir. Si l'illustration redondante est vaine le son pourrait apporter un complément de sens en faisant ressortir les détails cachés ou peu visibles au premier abord. Il agit tel des gros plans, travellings ou panoramiques acoustiques produisant des effets de perspective à la surface des œuvres. Le hors-champ qu'offre l'espace sonore pulvérise le cadre en multipliant les lectures et les interprétations. Au lieu de profiter de ces ressources la sonorisation assène une vacuité qui homogénéise l'ensemble des projets, pourtant aussi divers que possible. Il est probable que cela ne soit pas intentionnel, mais simplement le résultat d'une inculture où le son est relégué à jouer les papiers peints, discrets ou omniprésents. Cette méconnaissance génère une peur qui peut s'avérer légitime si la rencontre des images et des sons n'est pas maîtrisée. Les choix démissionnaires en vigueur sont pourtant définitivement les pires puisqu'ils ignorent absolument les possibilités offertes et aboutissent à un nivellement par le bas tristement homogène qui tient du décervelage.
Vendredi soir la seule installation des arènes où le son était traitée analytiquement, et donc créativement, était paradoxalement celle de Caroline Cartier ! Pas une seule image, un comble, mais un astucieux montage sonore d'extraits radiophoniques qui rappelle nos "radiophonies" inaugurées en 1974 avec le film La nuit du phoque ou plus explicitement Crimes Parfaits, œuvre clef de 1981 qui inspirera maint DJ et adepte du plunderphonics. Par un montage rythmé de courts extraits signifiants le paysage social y prévaut sur le paysage sonore.
La sonorisation des images ne mérite pas d'être aussi rébarbative qu'elle est unanimement pratiquée. Des réponses créatives et sensibles existent, à condition de les confier à des créateurs travaillant librement, en bonne intelligence et complémentarité. Pour ce faire, il ne faut surtout pas craindre les révélations que l'échange pourrait générées. Tout reste à faire, champ d'expérimentation extraordinaire qui redonnerait un nouvel élan à tous les spectacles audiovisuels quels qu'ils soient, photographie ici, cinéma ailleurs.

jeudi 7 juillet 2011

Le jour et la nuit


Comment choisir ? Le jour ou la nuit ? Sur l'écran géant du Théâtre Antique le jour se découpe comme un drap tendu par les hommes pour entrevoir l'éternité. La lune est véritable, remarquablement accrochée au-dessus de la scène. Le recadrage de Manuel Álvarez Bravo ne durera que quelques secondes. Bien qu'elles soient éphémères les photographies figent un temps et le prolongent. Les ruines d'Arles ont disparu dans l'obscurité du contraste.


La projection figure un mur infranchissable. L'échelle est trop courte. Je n'arrive pas à cadrer comme je le souhaiterais. Plus petit l'astre serait méconnaissable. J'aurais aimé le décrocher et te l'offrir en guise de bienvenue. Les photographies sont des réminiscences pour plus tard. Le révélateur me fait penser à l'absurdité des hommes. Hiroshima pour l'échelle. Entre songes et mensonges l'amant fait son choix. Mais qu'ai-je vu ? Le jour et la nuit. Sur le premier cliché le temps rend les deux mondes incompatibles. Dans le second l'espace nous relègue à notre échelle insignifiante. Le jour et la nuit se complètent, mais nous n'y sommes pour rien.

mercredi 6 juillet 2011

Champ-contrechamp


Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier qui rira aura une tapette. L'animal totem dessiné par Michel Bouvet qui campe Place de l'Archevêché n'est qu'un prétexte à un champ-contrechamp avec la pianiste Ève Risser. Les Rencontres d'Arles de la Photographie et Gares & Connexions organisent un concours photo de quatre zébus paissant dans les gares de Paris Gare de Lyon, Marseille Saint-Charles, Avignon TGV ou Arles. Intervenants des Soirées, nous n'aurions probablement pas le droit d'y participer si l'idée nous en était venue. Ève Risser et la percussionniste Yuko Oshima, autrement connues sous le nom de Donkey Monkey, accompagneront ce soir au Théâtre Antique le Mano a mano entre les agences VII et Tendance Floue, et j'assure la direction musicale des Soirées qui courent jusqu'à samedi. Duel pour duel, tous se plient à l'exercice, comme le son redessine les images projetées sur l'écran de 9 sur 9 mètres tendu sous les étoiles.


Le champ-contrechamp est plus affaire de cinéaste que de photographe. Dialogue, il ne dévoile pas pour autant le hors-champ que seul le son pourra évoquer sans le montrer. Le contrechamp de la photographie est un homme ou une femme qui appuie sur le déclic. On les reconnaît dans les rues d'Arles comme s'il portait leur appareil autour du cou. C'est pourtant à leur regard qu'ils se démasquent. Une lumière les éclaire de l'intérieur, aiguilles pétillantes d'une noblesse de terrain revendiquée. Le vêtement souvent ample et confortable est l'uniforme de cette profession solitaire. Au centre des pupilles les iris s'arborent comme des décorations. Il faut que ça brille.


Déjà directeur musical des Soirées de 2002 à 2005 j'appréciais le graphiste Michel Bouvet, responsable de toutes les affiches des Rencontres, ignorant qu'il était mon cousin. Nos mères sont cousines germaines. La sienne, Maryse, agrégé de français-latin-grec, m'avait pistonné pour rentrer au Lycée Claude Bernard alors que j'habitais Boulogne-Billancourt. Son grand-père, inspecteur général, le frère du mien, avait contrôlé mon propre prof de français lorsque j'étais en 4ème. Jubilation du gamin. Michel, plus jeune que moi de trois ans, se rappelle de mon prénom et connaît mon travail sans n'avoir jamais fait non plus le rapprochement. Je tiens de ma tante Arlette Martin cette révélation et de mon cousin Serge un arbre généalogique où trouver nos marques. Seuls rebelles de notre génération, les parcours de Michel et moi se ressemblent étonnamment. Nous rions de François Hébel, patron des Rencontres (la nôtre est de taille) et autre ancien de Claude B., qui se voit cerner par la famille !

lundi 4 juillet 2011

Le site de Françoise Romand en tenue d'été


Prévu pour le printemps, la refonte du site de Françoise Romand sort pour les vacances d'été. Entre les textes, les images, les films, la présentation graphique, les délais sont toujours plus longs qu'annoncés. Caroline Capelle avait déjà réalisé la pochette du DVD Gais Gay Games en s'inspirant de la collection dessinée par Claire et Étienne Mineur, elle a cette fois rempoté les petites fleurs d'Appelez-moi Madame pour faire éclore les créations cinématographiques de Françoise. En guise d'engrais, Sophia Milann s'est attelée à la programmation sous le soleil de Guylaine Monnier et Bertrand Gac de Regart.net. Tout n'est pas encore sorti, mais les graines peuvent germer. Un bémol, de taille à mes yeux, le site est en Flash et donc incomplet sur iPad ou iPhone. L'ouverture tombe à pic, Thème Je, cinquième DVD, sortira le 14 septembre, avec projection publique (et gratuite !) au Cin'Hoche de Bagnolet. En attendant, bonnes vacances à celles et ceux qui les prennent enfin ou déjà.