70 Multimedia - octobre 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 25 octobre 2011

Commentaire sur le choix d'une liseuse


Sur son blog du Tiers Livre, l'écrivain François Bon, fondateur de publie.net, écrit un article intitulé Choisir, acheter une liseuse qui suscite maint commentaire. J'y vais de mon témoignage sous le titre À chaque œuvre correspond un support, et réciproquement :

En 1987 je produisis L'hallali d'Un Drame Musical Instantané, un des premiers CD-audio en France, parfaitement adapté à de la musique "contemporaine" (j'y mets des guillemets alors que sa nature non-académique devrait m'en dispenser). Le silence du numérique, sans frottement de surface, et son bruit de 0 et de 1 suscitèrent la pièce Une passion dévorante que nous n'aurions jamais composée autrement. Les journalistes me remerciaient gentiment, désolés de n'avoir pas encore le matériel pour l'écouter. Un an plus tard les CD avaient remplacé les vinyles, ce qui n'était pas forcément génial, chaque support possédant ses avantages et ses inconvénients.

En 1999 lorsque nous avons créé le CD-Rom Alphabet de nombreuses personnes ont eu envie d'acquérir un ordinateur pour pouvoir jouer avec. Enfin une œuvre qui plaisait aussi aux filles et qui ne s'encombrait pas de limites d'âge, en amont comme en aval. Le contenu fit vendre le support. Seuls les fabricants de hardware profitèrent de l'aubaine qu'apportaient ces objets rêvés, les sociétés d'auteurs ne sachant pas leur imposer d'apporter leur obole ! On en est toujours au même point.

Aujourd'hui publie.net m'offre d'inventer un nouvel objet, littéraire cette fois, mais audiovisuel toujours. Le roman La corde à linge peut se lire sur toutes les liseuses. Pourtant les photographies qui font partie intégrante du récit (l'image qui commence chaque nouvel épisode provoque le texte qui la suit, qui à son tour suscite celle du suivant) sont en couleurs. Sur toutes les liseuses, disais-je, mais, pour l'instant, seul l'iPad permet de jouir des sons qui accompagnent ou ponctuent la lecture (80 minutes de musique pour la plupart inédite, d'ambiances sonores et d'effets ponctuels). Des petits "players" sont disséminés dans le texte ; à chacun de les déclencher ou pas, comme il l'entend. Certains passages agissent tels des pauses musicales prenant le relais sur le texte proprement dit. Le plaisir du livre de lire à son rythme est préservé. Les amateurs de miniatures peuvent également profiter de cette version augmentée sur un iPhone (c'est mon cas).

À savourer confortablement sur l'iPad de ma compagne les productions Hors Collection de publie.net réalisées par mes confrères et consœurs je comprends qu'un de ces jours le contenu va générer l'achat d'un nouvel objet de consommation. Qu'il soit de culture fait passer la pilule de son coût. Je pourrai en profiter allongé en attendant une version amphibie qui sera beaucoup plus adaptée à ma pratique. Si l'iPad est l'idéal à mes yeux d'auteur, il est néanmoins plus cher qu'une liseuse à encre numérique. Il a néanmoins l'avantage de posséder mille autres qualités qui le rangent au rayon des couteaux suisses, objet insurpassable que je découvris à huit ans.

P.S. : il aurait été honnête de préciser que ce jour-là, mon anniversaire, j'ouvris les six lames en même temps et me coupai. J'en tirai la conclusion qu'il est merveilleux de faire trente six choses de sa vie, mais qu'il est prudent de n'en faire qu'une à la fois. Précepte que je n'ai pas toujours suivi.

lundi 24 octobre 2011

Mémoires du Futur à La Maison Rouge


Mémoires du futur, à La Maison Rouge à Paris jusqu'au 15 janvier, dessine le portrait du collectionneur Thomas Olbricht, en nous épargnant les spécialités obsessionnelles que ses semblables accumulent jusqu'à l'indigestion. Il fait se côtoyer des œuvres anciennes depuis le XVIe siècle et des pièces si contemporaines qu'elles n'auront pas le temps de figurer dans le catalogue, construisant un labyrinthe dialectique où chaque pièce renvoie à une autre. Ce jeu de kyrielles ou pensées-valises obéit au besoin instinctif de se faire peur. Car là où l'artiste aime souvent provoquer son public le collectionneur agit ici comme s'il cherchait à se provoquer lui-même, choisissant des thématiques dans des univers extrêmement variés, de la métaphysique aux formes les plus récentes de la représentation. Les amateurs d'art abstrait en seront pour leurs frais, on nage dans la figuration sans craindre les plus actuelles, mais les sentiments et réflexions qu'elles produisent nous renvoient à notre tour à des interrogations qui dépassent le statut de l'art dans une société qui a perdu ses repères jusqu'à promouvoir tout et n'importe quoi sans plus aucun discernement. Le choix du commissaire de l'exposition, Wolfgang Schoppmann, se comprend dans les synapses conscients ou inconscients que chaque œuvre produit avec les autres.



Le cabinet de curiosité exposé dans l'une des salles est le modèle de l'ensemble, petit échantillon de la collection qui comprend 2500 pièces quand seulement 150 sont présentées ici, ce qui est déjà considérable à assimiler tant la richesse des occurrences permettra à chacun de suivre son petit chemin. En sélectionnant nombre de vanités et de memento mori ("souviens-toi que tu vas mourir"), photographies de crime ou portraits tordus, merveilles de la nature et représentations grotesques, le collectionneur semble chercher à éprouver ses limites, le "jusqu'où on peut aller trop loin" cher à Cocteau. En plein accrochage il ne cessait d'apporter des pièces toutes fraîches, le nombre daté de 2011 est incroyable, échos les plus contemporains à ses trouvailles les plus anciennes. Mémoires du futur affirme la généalogie, la constance, l'universalité, l'enracinement face à l'éphémère et à la mode.


Cela n'empêche pas Damien Hirst, David La Chapelle, Pierre et Gilles de figurer aux côtés de Dürer, Abraham Jansz. van Diepenbeeck, Frans Pourbus ou de Jake et Dinos Chapman. Les cadres noirs des Plaster Surrogates d'Allan Mc Collum font face aux portraits robots de Super Us (NY) de Maurizio Cattelan. Les rhinocéros se déclinent d'une gravure de 1563 de Conrad Gesner à la boîte ionesquienne de Charles Matton en passant par quelques naturalia. Des portraits de femmes hyperréalistes (Franz Gertsch, Marlene Dumas), fantasmés (John Currin, Désirée Dolron) ou torturés (Eva Aeppli, Cindy Sherman, Dawn Mellor) se répondent. Et partout rôde la mort, angoisse génératrice que l'art tente sans cesse d'apprivoiser, de l'installation grotesque Sex I des frères Chapman inspirée par Goya aux peintures de Marc Quinn ou Daniel Richter mettant en scène la sauvagerie des hommes, authentifiée par les photos de presse de Robert Capa ou Eddie Adams. Les œuvres conceptuelles de Kitty Kraus ou Claire Fontaine interrogent la collection comme Georges Condo, Julie Heffernan, Wolfe von Lenkiewicz, Marianne Gartner ou le vidéaste Antoine Roegiers l'histoire de l'art.



La salle du Kunst und Wunderkammer (cabinet d'art et de curiosités) est exemplaire des motivations qui ont guidé les choix du collectionneur, véritable theatrum mundi tentant d'embrasser tous nos tourments et émerveillements via naturalia, artificialia, scientifica et exotica. Le sapin de Rebus de Giampaolo Bertozzi et Stefano Casoni est orné de boules en céramique avec des scènes du Kamasutra. Un crocodile empaillé pend au plafond. La sphère d'Alastair Mackie est formé de crânes de souris. Le corps écorché Homeostasis de Liza Lou faisant face au mur est recouvert de minuscules perles de verre, rose chair et rouge sang. Plus loin, la collection de crânes (Hirst, Sherman, Chapman, Cattelan, René Wirths, Kris Martin, Carolein Smit, John Isaacs...) dominé par le Christ en néon d'après Goya de Kendell Geers dresse un pont entre le passé et le futur.


Au sous-sol règne l'unheimliche freudien, une inquiétante étrangeté qui ne nous surprendra guère après ce que nous avons vu plus haut. Gregor Schneider a posé par terre des mannequins cauchemardesques. Le gentil dessin animé de Nathalie Djurberg tourne au sordide. Les mutations génétiques de Patricia Piccinnini interrogent notre avenir.


Vouloir tout se rappeler est une autre vanité. Tempête sous mon crâne. J'imagine l'intégralité d'une telle collection comme si le monde pouvait y entrer tout entier, pareille à la fin de Citizen Kane où l'amas de caisses rappelle une gigantesque agglomération de gratte-ciel. Mémoires du futur est un portrait en creux du collectionneur que l'on découvre dans l'intimité de ses choix, traduit en un jeu de lois suffisamment personnelles et variées pour qu'elles nous parlent à tous.

jeudi 13 octobre 2011

Biophilia de Björk rappelle Alphabet


J'ai dû voler l'iPad de Françoise pour commander l'album interactif de Björk, en retrouvant ses codes, non sans mal, qu'elle avait oubliés !
Je partageais déjà le goût de Björk pour les instruments bizarres (AirFx, Tenori-on, etc.) et les produits dérivés qui font œuvre (en 1997 le CD-Rom Carton offrait un jeu interactif pour chaque chanson sur des images du photographe Michel Séméniako). Me voilà excité par ses variations interactives conçues pour la tablette graphique d'Apple. Car Biophilia me rappelle agréablement Alphabet, le CD-Rom que Murielle Lefèvre, Frédéric Durieu et moi-même imaginâmes en 1999 d'après le livre de l'illustratrice tchèque Kveta Pacovska et produit par les Japonais de NHK Educational. Pourtant, douze ans plus tard, les avancées techniques ne se voient guère. La souris a été remplacée par le toucher tactile, la 3D a pris son envol, l'élégant minimalisme sur fond noir de m/m remplace la palette de couleurs des jeux d'enfant, mais le même plaisir du jouet les anime. L'interactivité est enfin reconnue ! Dans notre "hit" (salué par plus de quinze prix internationaux) près de 50 tableaux interactifs animaient les 26 lettres de l'alphabet. Ici les compagnons de l'artiste islandaise ont imaginé 10 scènes, une pour chaque chanson. Pas de parano, j'aurais aussi pu citer Small Fish de Kiyoshi Furakawa, Masaki Fujihata et Wolfgang Munch de la même année ou d'autres œuvres de l'époque produites sur CD-Rom, dont le langage de programmation en lingo du logiciel Director reste inégalé.


Comme Alphabet, Biophilia a son propre univers, original et unique. Je teste ses tableaux un par un...
1. Selon la position des doigts sur l'écran, Thunderbolt fabrique des arpèges plus ou moins rapides. C'est rigolo, mais l'effet musical reste très limité.
2. Le clavier de lettres associées aux samples de Sacrifice rappelle évidemment les menus d'introduction d'Alphabet, mais tout autant le Piano Graphique de Jean-Luc Lamarque, dont j'apprends avec tristesse la disparition en janvier dernier, qui le créa en 1993 avant de l'ouvrir à d'autres artistes comme Nicolas Clauss et moi-même pour Sudden Stories. Sacrifice ne possède pas pour autant les ressources graphiques du piano de Lamarque.
3. Virus permet de faire bouger et multiplier les métastases du gameleste, croisement entre celeste et gamelan inventé par la chanteuse, et du hang, sculpture sonore en métal, mais l'objet reste raide et frustrant.
4. Mutual Core est aussi décevant musicalement. S'il permet de construire des accords selon l'ordre des strates, l'effet de résistance du matériau est loin d'égaler les expériences d'attractions-répulsions dont Durieu s'était abondamment servi pour rendre sensuels les objets virtuels que nous avions imaginés.
5. De même pour Hollow on préfèrera la version linéaire chantée avec les jolies animations de Drew Berry plutôt que de devoir taper comme des malades sur les enzymes, d'autant qu'un bug oblige à quitter l'application.
6. La harpe de Moon est un séquenceur un peu rébarbatif où l'on accorde chaque note séparément. J'avoue tester la machine pour les possibilités qu'elle offre réellement à l'interprète qui a acheté Biophilia et pour la qualité du résultat potentiel, la question pointant chaque fois la jouabilité et l'esthétique musicale produite.
7. Solstice, conçu par Björk, James Merry et Max Weisel, rappelle terriblement la boîte à musique programmable de la lettre Q, moins facilement contrôlable mais dans une déclinaison originale sur orbite planétaire. Elle oblige malgré tout à lire les instructions de jeu là où Alphabet était entièrement intuitif sans aucun mode d'emploi. Mais nous n'avions pas l'exquise voix de Björk !
8. Les clusters de Dark Matter me laissent sur ma faim, comme si l'application n'était pas terminée... L'image rappelle aussi FluxTune.
9. Enfin Chrystalline est un jeu de rapidité pour construire son propre cristal aux travers de tunnels infinis.
10. J'ai sauté Cosmogony qui anime joliment le menu cosmique principal de m/m.


Mais le projet de Björk (björk.fr) ne s'arrête pas aux jeux interactifs supervisés par Scott Snibbe. Le concept de l'album est une vulgarisation de l'état des sciences par la musique, la voix et l'animation graphique, une transposition poétique de l'univers et de la technologie. En plus de l'interprétation interactive où chaque utilisateur prend la main pour recomposer les rêves de Björk, sont proposées la version linéaire chantée plus deux animations type karaoké de la chanson, la première telle que livrée sur l'album, l'autre qui voit défiler graphiquement la chanson ("Animation") et permet de la rejouer instrumentalement ("Score") pour peu que l'on possède une interface midi ; sont évidemment joints paroles, crédits, plus les analyses musicales et caution scientifique de Nikki Dibben. Rien n'est laissé au hasard. C'est marketé de main de maîtresse, et puisque l'objet est aujourd'hui vénéré comme un culte j'ajouterai de main de prêtresse ! Malicieusement l'achat de l'album restera probablement indispensable à celles et ceux qui ont vraiment envie d'écouter la musique, plutôt pauvre en regard d'un chef d'œuvre comme Homogenic. Le feu d'artifice confère à l'Pad une aura qui pourra profiter à d'autres artistes des nouveaux médias, mais il ne peut cacher le manque d'inspiration flagrant de la chanteuse. Celles ou ceux qui ignorent ses premiers albums ou l'histoire des arts interactifs me trouveront peut-être sévère. L'expérience mérite pourtant ses 7,99 euros (sans compter les différentes déclinaisons du CD) !

mardi 11 octobre 2011

Premier roman : La corde à linge


J'ai encore créé un objet qui ne ressemble à rien. C'est un livre qui se lit sur écran, dont les 47 photographies en couleurs font partie intégrante du récit et que le son vient éclairer d'un jour nouveau. D'une certaine façon ce premier roman pourrait aussi répondre à la dénomination d'un drame musical instantané !

Gwen Catalá a sué sang et eau pour en terminer la maquette. Le sang était thaï, l'eau bretonne, mais ne me demandez pas pourquoi, je l'ignore. Nous conversons par courrier électronique, communication de notre temps, tout comme La corde à linge naquit numériquement dans cette colonne. Mis à part le roman, le fait que l'objet vienne d'un blog et que chaque épisode commence par une photographie a tout de suite accroché François Bon qui s'est empressé de me répondre, chose inhabituelle dans le milieu de l'édition. C'est lui qui m'a poussé à ajouter du son, "un musicien comme vous !", et m'a suggéré de changer le titre. Je l'avais d'abord nommé Une étoile est sans ciel, jeu de mots un peu lourd m'obligeant à l'expliquer laborieusement chaque fois que je le prononçais ! La corde à linge se réfère au procédé d'écriture décrit dans l'introduction. Si le titre s'était rapporté au récit il se serait plutôt agi d'une corde pour se pendre ou du fil d'Ariane pour éviter de se perdre et revenir là d'où Max, le personnage principal, était parti. Quant au linge il ne s'est jamais cantonné à la famille. J'ai pris l'habitude de l'étaler au soleil, prenant le risque de dévoiler ses secrets. Voilà ce que c'est que d'en fréquenter du beau ! Pourtant non, le titre n'a rien à voir ni à entendre avec cette histoire.


Puisqu'il est numérique l'ajout de 80 minutes de son et de musique est une idée formidable, exploitant les capacités inédites de ce nouvel objet virtuel. J'ai toujours adoré les jouets technologiques. Je joue des synthétiseurs depuis 1973, l'année suivante nous utilisons la pause du cassettophone pour réaliser nos montages radiophoniques cut appelés aujourd'hui plunderphonics, sautons sur les premiers échantillonneurs comme sur les programmes informatiques de composition musicale dès leurs débuts, dans mon domaine je produis le premier CD en 1987, l'un des premiers CD-Rom d'auteur dix ans plus tard, la création de mon site remonte aussi à 1997, etc. Encore aujourd'hui, sans fétichiser l'outil, la moindre avancée technologique me pousse à imaginer des œuvres nouvelles jusqu'alors impossibles, ne délaissant pas pour autant les élucubrations plus roots à la Géo Trouvetout !

L'iPad, ou l'iPhone pour les amateurs de miniatures dont je fais accessoirement partie, est la plateforme idéale pour apprécier La corde à linge en son format ePub. Les sons et la mosaïque des images, qui permet comme la table des matières de sauter à l'épisode souhaité, seront par contre absents sur les autres tablettes numériques, format Mobipocket. Dans la version optimale sur iPad et iPhone (P.S. : ça marche aussi en streaming sur Internet sous navigateurs Safari ou Chrome), les sons sont optionnels ; on peut les jouer, les mettre en pause, les faire défiler, les rejouer, voire en wi-fi sur des enceintes distantes, et l'index des musiques renvoie directement au player correspondant. Chaque utilisateur peut choisir entre six polices de caractères, leur taille (très pratique pour les presbytes dont je fais maintenant partie) et la luminosité de l'écran. On peut rechercher un mot, insérer des marque-pages et, toujours sur l'application iBooks, le double-clic sur un mot ou groupe de mots offre de le copier, rédiger une note, surligner ou effectuer une recherche. La tirette qui apparaît au bas de l'écran permet de retrouver n'importe quel chapitre sur la ligne chronologique. Dans mon cas je préfère parler d'épisodes, ce qui correspond mieux à la méthode que j'utilisai pour écrire, ignorant moi-même ce qui allait se passer dans le suivant. J'ignore encore la nature de ce que j'ai écrit. Polar ? Science-fiction ? Politique ? Voyage initiatique ? Ou petite musique ?


Pour 3,49 euros, on peut tenter l'aventure ! Les éditeurs qui publient leurs best-sellers à des prix exorbitants, proches de ceux du papier, n'ont rien compris à ce nouveau mode de diffusion qui devrait plutôt profiter aux "produits de niche", comme la poésie ou dans mon cas, par exemple ! Publie.net représente le fer de lance de cette avancée, me poussant à lire plus souvent sur tablette des ouvrages que je peux facilement commander en ligne, réceptionner instantanément et emporter avec moi sans que cela pèse un âne mort.

Je tiens aussi à remercier celles et ceux qui m'ont aidé, Françoise Romand, Sonia Cruchon, Pascale Labbé, Antoine Schmitt, Philippe Blaizot, Vincent Segal (également violoncelle), ainsi que tous les musiciens présents sur la version sonore, Bernard Vitet (trompette), Sacha Gattino (clavier/échantillonneur), Birgitte Lyregaard (voix), Elsa Birgé (voix), Lol Coxhill (saxophone soprano), Brigitte Vée (piano), Baco (voix), Philippe Deschepper (guitare), Nem (platines), Lucien Alfonso (violon), Karsten Hochapfel (violoncelle), Pierre-Yves Le Jeune (contrebasse), Francis Gorgé (guitare) et Nicolas Clauss (ralenti).

jeudi 6 octobre 2011

L'empathie au Cube


Pour fêter son 10ème anniversaire Le Cube a choisi l'empathie comme sujet du premier numéro de sa revue en ligne. Le centre de création numérique a donc demandé 2000 signes à des artistes, universitaires, journalistes, psychanalystes, chefs d'entreprises liés aux nouvelles technologies.
La question était présentée ainsi : "Dans son dernier ouvrage « Une nouvelle conscience pour un monde en crise – vers une civilisation de l’empathie », l’économiste américain Jeremy Rifkin nous invite à repenser la société dans une approche aussi radicalement nouvelle qu’a pu l’être celle des philosophes des Lumières en leur temps. Il place l’empathie au cœur de ce projet, comme vecteur d’une nouvelle conscience biosphérique. Mais le psychologue Serge Tisseron, dans son ouvrage « L’empathie au cœur du jeu social », pointe notre faculté à renoncer si facilement à l’empathie alors qu'elle est si profondément enracinée en nous. D'où viennent donc les forces qui nous en éloignent ? Comment réveiller l’empathie pour penser global et agir local, et pour qu’émerge une conscience collective qui seule, selon Rifkin, peut nous permettre de relever les grands défis à venir ? Les nouvelles technologies peuvent peut être nous y aider, en suscitant de nouvelles dynamiques d’interaction sociale, de mutualisation des connaissances, de mémoire collective, d’expression participative… Mais elles peuvent aussi nous rendre plus égoïstes, indifférents et isolés dans les virtualités d’une société de l’image ou relation rime souvent avec consommation. Le numérique est-il une chance pour construire une société de l’empathie ? Comment ? La Revue du Cube vous invite à répondre à cette question."

Y ont répondu Sylvie Allouche, Étienne Armand Amato, Roland Cahen, Jean-Louis Fréchin, Don Foresta, Christian Globensky, Gaël Hietin, Michel Jaffrenou, Éric Legale, Yann Leroux, Vincent Lévy, René Licata, Yann Minh, Dominique Moulon, Joseph Nechvatal, Éric Sadin, Dominique Sciamma, Serge Soudoplatoff, Rémi Sussan, Serge Tisseron, Hugo Verlinde...

Si quelques uns tombent dans le panneau sur le mode "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" dans le meilleur des mondes informatique, la passionnante contribution de Serge Tisseron démonte consciencieusement la mystification de l'économiste américain, en commençant par pointer la différence entre empathie, sympathie, compassion et identification. Mon humble texte d'humeur, reproduit ci-dessous, rejoint son point de vue sur la manipulation tentant de "nous faire croire que les technologies numériques augmenteraient les capacités empathiques de l’humanité" alors qu'elles "sont porteuses d’autant de menaces que de promesses".

Tout partager entre tous
Comme l’inconscient ignore les contraires, les outils peuvent servir le pire et le meilleur des desseins.
Le numérique rapproche les humains d’un bout à l’autre de la planète, mais il isole chacun face à son clavier. Avant de renvoyer les images, les écrans sont les miroirs de ceux et celles qui les saturent.
Qu’importe l’outil, il est nécessaire de fourbir nos armes si nous voulons changer le monde en évitant le pire qui se profile. Mais les multinationales qui façonnent et commercialisent hardware et software obéissent toutes aux lois de l’ultralibéralisme et de la dérégulation. Seul le détournement des objets qu’elles produisent laisse espérer un miracle, prise de conscience des peuples apprenant la manipulation dont ils sont l’objet, qui ne date pas d’hier (cf. religions, nationalismes, guerres…) et sans cesse remise au goût du jour (démocratie de façade, liberté surveillée…), avant la catastrophe. S’agit-il pour autant de désirer et d’œuvrer dans le sens de l’empathie ? Devons-nous nous identifier à qui que ce soit, vibrer en sympathie avec les propositions de nouveaux gourous ou prendre en main notre avenir par une forme de démocratie directe, rapports de proximité aidant, saine utopie à l’encontre de la solution actuellement envisagée par les politiques les plus solidaires, un gouvernement mondial imposant une régulation totale des échanges de tout acabit ? Cette éventualité, pourtant non émise de gaîté de cœur, permettrait d’enrayer le phénomène entropique entraînant notre monde à sa perte.
Dans l’Histoire l’empathie n’a jamais échappé au pire. Il faudrait préciser qu’elle devrait s’exercer sans distinction de classe, de sexe et de culture (j’évite le mot « race » toujours erroné comme celui de « religion », arme d’oppression avérée sur les trois termes précédents). Elle s’assimilerait alors à une solidarité absolue. Le numérique nécessitant une telle consommation d’énergie et de matières premières serait alors condamné à n’être qu’un avatar sur le chemin du sauvetage.

N.B. : le haut du photogramme de Leni Riefenstahl a été intentionnellement coupé pour rendre l'illustration plus universelle. Pourtant toute analogie avec celle d'hier est purement fortuite !

lundi 3 octobre 2011

Les éditions Volumiques à la Gaîté


J'ai fait trois clichés, mais ce ne sont pas les images qui manquent : sur le blog des Éditions Volumiques, sur leur site, sur celui de la Gaîté Lyrique où Étienne Mineur et Bertrand Duplat présentent jusqu'au 6 octobre (premier volet de Persistance, entrée libre) leurs merveilleuses inventions de papier inspirées par le monde des nouvelles technologies. Lors du vernissage les invités mitraillaient à tout va le livre dont les pages font s'envoler et redescendre des ballons de baudruche, le livre dont les pages se tournent toutes seules, le livre qui s'efface, les astucieux pliages, nos ondes cérébrales qui font sourire des petits personnages et la multitude de prototypes de jeux composés d'un iPhone ou d'un iPad et des objets qu'ils reconnaissent lorsqu'on les pose dessus. Car ce sont essentiellement des jeux d'un genre nouveau que proposent les Éditions Volumiques.
L'encre thermique sous chaque pion ou petite maison est reconnue par l'écran de l'iPad qui pourra répondre aux mouvements que nous leur imposerons. Le jeu de miroirs offre un mini-spectacle cinématographique derrière les fenêtres qui s'éclairent. Les montgolfières semblent voler au-dessus de l'écran qui reconnaît les cartes à jouer déposées à sa surface. L'iPad devient la plateforme de jeux nouveaux dont les possibilités semblent infinies. Premier testeur des élucubrations de son père, Wim, le fils d'Étienne, a dessiné la famille de fantômes. Et tous les geeks de retrouver leur âme d'enfant ! Les prototypes sont encore peu sonores, mais l'on peut imaginer maintes sollicitations et réactions bruitistes ou vocales, un champ d'expérimentation ouvert où tout reste à inventer pour les designers sonores ! Ces jouets intelligents sont des applications où l'interactivité trouve tout son sens, l'imagination débordante d'Étienne Mineur et Bertrand Duplat nous montrant généreusement l'immensité des possibles...