La mort de Jean-François Bizot me frappe parce qu'il fut un capitaine au long cours, qui, dès la fin des années 60, embarqua toute une génération de fondus qui vivaient leur jeunesse à cent à l'heure, dormaient debout et ne cessaient jamais de rêver de reconstruire le monde. J'ai écrit quelques mots hier matin sur le blog des Allumés. Je crois que c'est Jean-Pierre Lentin, déjà responsable de la rubrique musique, qui nous avait présentés. Lors de ma dernière rencontre avec Bizot, nous avions évoqué la débâcle du Festival de Biot-Valbonne, par quel miracle je m'étais retrouvé à faire le bœuf avec Eric Clapton chez Giorgio Gomelski avant d'embarquer pour la villa de Pink Floyd, et comment j'avais fait le joint entre Frank Wright et Alan Silva qui venait d'arriver en France avec Sun Ra ! Bizot était sur tous les fronts. Je me souviens de lui dans les locaux d'Actuel début 71, hyper-excité, lançant une idée à la minute, grillant ses cartouches sans compter celles qui lui restaient dans le barillet. Plus tard, j'eus affaire avec sa sœur Irène lorsqu'elle était à la tête de la Réunion des Musées Nationaux. Tous deux avaient une manière originale d'aborder le phénomène culturel et de fricoter avec l'art qui les rendait sympathiques malgré le jeu du pouvoir. Au lancement de Radio Nova, un extrait de M'enfin (LP Rideau !), en écoute sur le site des Disques GRRR, faisait partie de la boucle de trois minutes qui tournait toute la nuit pour occuper l'antenne ! On entendait égrainer le loto arabe tandis que résonnait la guitare... Aujourd'hui, j'entends ces chiffres comme les messages énigmatiques qui parviennent à Orphée depuis l'autre côté...