70 Musique - octobre 2007 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 31 octobre 2007

faire ce que je ne sais pas faire


Aujourd’hui se tourne une page de ma vie musicale. Relier toutes les pages constituera peut-être un jour un livre. Le virage est plus intellectuel que factuel. J’ai terminé 18 pièces courtes pour le label Cézame. Si l’une d’elles leur plaît, je serai content. Les éditions KokaMedia ont été créées il y a déjà 25 ans par Frédéric Leibovitz qui m'a recontacté après ma participation à l'album Hommage à Moondog. La collection réunit thématiquement des œuvres contemporaines conçues pour illustrer des productions audiovisuelles. C’est la crème de l’illustration musicale. Denis Levaillant nous avait mis sur le coup il y a une dizaine d’années. Le Drame avait sorti deux titres sur la compilation L’étrange (tiens tiens !) et j’avais fait un solo de cythare inanga sur Ailleurs. Cela ne nous avait rien rapporté, mais on ne sait jamais, il suffit qu’un réalisateur s’entiche d’un morceau et que cela passe à la télé… Sur les derniers albums parus, je lis les noms de Parmegiani, Zanessi, Dupin, Didier Malherbe, Redolfi, Vanot, Musseau, Bosseur, Bjürstrom, Rocher, Letort, Hersant, Lasry… Les disques peuvent même s’écouter pour eux-mêmes. J’ai tout composé avec la Pâte à son et FluxTune, les boîtes à musique que j’ai inventées avec Frédéric Durieu. Il ne m’est pas toujours facile d’être sobre, monotone, et positif par dessus le marché ! Je suis trop friand de dialectique. Cette fois, je me suis cantonné à des choses très simples.


Une page se tourne chaque fois que je me sens désœuvré. Le travail ne manque pas, mais c’est la fin d’un cycle. L’écoute des entretiens de Varèse m’a confirmé mes choix récents. Je n’ai pas choisi de retourner aux sources, mais de repartir de là. La la la. La meilleure façon de se renouveler : retrouver la motivation de départ lorsque tout était à inventer. On cherche à faire du neuf, mais c’est en recommençant à zéro que l'air entre par la fenêtre... La rédaction de mon texte sur l’étincelle créatrice à paraître sur Poptronics a contribué à produire ce déclic après lequel je cours désespérément depuis une dizaine d’années, depuis que le Drame est en veilleuse. Établissement d’un ciel d’alternance a été enregistré en 96, le dernier album d’Un Drame Musical Instantané était Machiavel en 1998. Je ne crois pas que je referai des disques, il y en a suffisamment au catalogue GRRR et sur d’autres labels. Je voudrais faire un truc "impossible" en reprenant le travail de laboratoire. J’ai proposé à Franck Vigroux de composer ensemble un opéra, il a suggéré qu’il soit également vidéographique. C'est une façon de rencontrer du monde. Peu importe le temps que cela prendra, un an, deux ans, trois ans… J’ai besoin des voix pour donner du corps à la musique. Je réfléchis à ce qui me plaît lorsque je suis en studio : jouer avec mes cordes vocales, imaginer des bruits avec n’importe quoi, triturer le son, monter et bouger. Le geste instrumental est totalement jouissif. Dehors, j'écoute les bruits de la nature ou des machines. Je vais continuer à gérer le quotidien (musical) en me rendant utile avec mon travail "appliqué", mais j’ai autant besoin de déranger que de rêver. Il faut surtout que je recommence à faire ce que je ne sais pas faire.

mardi 30 octobre 2007

Des biscuits pour l'hiver


Nous sommes passés à l'heure d'hiver. Il pleut. Le métro est au sec. C'est un lundi à courses. Je mise sur le tiercé : récupérer mes lunettes en réparation, acquérir Leopard pour mon petit Mac et éventuellement jeté un coup d'œil aux nouvelles parutions disques-films-livres. Il faut bien dépenser son salaire. L'argent qui dort est immoral, comme celui qui naît de l'argent. Il faut que cela circule. Gagner du fric n'a aucun intérêt, si ce n'est pour le dépenser. Je ne regrette pas la période où je ne payais pas d'impôts, où je n'avais pas de toit à recouvrir. Il faut créer des trous d'air dans le compte courant pour qu'il ait la place de se remplir. La dépression appelle le plein. Je mise tout sur les courants d'air.
Lunettes donc. J'aime celles qui ne se voient pas lorsque je regarde avec, mais j'en cherche toujours des bizarroïdes. Elles ont hélas souvent les montures fragiles : les branches se cassent, les verres se dévissent. J'en laisse une paire quand j'en récupère une autre. Celles que je me suis fait faire en catastrophe à Séoul pour quelques euros (soit plus d'une centaine de milliers de wons) me sauvent d'une presbytie bigrement handicapante. Je louche sur une Mikli rouge et noire avant de m'enfouir sous terre pour dévorer les derniers chapitres du Jour des fourmis.
Dans le trou, le vendeur de Leopard me dit d'attendre la version familiale pour cinq ordinateurs, mais le représentant d'Apple a la sincérité de me confier que c'est une question légale et non technique. Je repars avec le nouveau système qui prendra deux heures à installer. C'est rigolo, un peu plus pratique, mais je ne suis pas renversé par les nouvelles fonctions. On en reparlera, à l'usage. Francis m'envoie un instantané de notre conversation de la veille. Tentative de transmission de pensée ? Prise de têtes ?
Les élucubrations du Drame me manquent depuis trop longtemps. Du contenu ! La moisson de films et de disques s'avère plus excitante que la glorification de la boîte à outils. Je cherchais Ceux de chez nous de Sacha Guitry depuis des lustres. En 1914 et 1915, il a l'intelligence de filmer les hommes célèbres qui vont mourir, et il les filme au travail : Rodin sculpte devant sa caméra, Renoir peint les mains perclues de rhumatismes avec le pinceau coincé dans ses bandages, Saint-Saëns (de face) fait semblant de diriger un orchestre avec seulement Alfred Cortot au piano hors champ... Tandis qu'il les immortalise, Guitry raconte de sublimes anecdotes sur Monet, Edmond Rostand, Degas, Sarah Bernardt, Mirbeau, Anatole France ou son père. N'ayant pas encore regardé le reste du coffret (LMLR), compléments dont je n'ai souvent jamais entendu parler, je pense y revenir...
Continuant ma chasse aux archives, j'attrape le volume 6 de l'incontournable collection Retour de flamme que poursuit Lobster. Je me demande si mon acquisition de La chinoise est motivée par l'intérêt qu'y porte Jonathan ou si j'ai vraiment envie de revoir le film de Godard. Je penche plutôt pour le plaisir de revoir l'ami Séméniako dans ses jeunes années.
Le sac que je porte sur le dos est aussi lourd que mon billet serait long si je détaillais aujourd'hui chaque petite merveille dégotée là. Disons que je reviendrai sur tout (pas) une fois pour toutes, histoire de ne pas bâcler leur compte-rendu : Du praxinoscope au cellulo, un demi-siècle de cinéma d'animation en France (1892-1948) avec 14 films en bonus DVD, le précédent volume de David A. Carter 2 Bleu, un Routard sur le Laos (j'ai une idée derrière la tête qui pourrait m'écarter un moment de cet intarissable blog) et trois disques de musique contemporaine étonnants.


On y arrive. Music for the Gift (elision fields) réunit quatre pièces des débuts de Terry Riley (entre 1960 et 1965) où le compositeur traite les instruments avec des magnétophones par réinjections et délais. Celle qui donne son titre à l'album a pour soliste le trompettiste Chet Baker, avec à ses côtés Luis Fuentes, George Solano, Luigi Trussardi et John Graham ! Je reconnais des similitudes avec le travail électroacoustique de Bernard. La Monte Young participe à la plus ancienne, Concert for Two Pianos and Five Tape Recorders. C'est roots, passionnant ! J'enchaîne avec Audiodrome (stradivarius), quatre pièces pour ensemble du génial Fausto Romitelli interprétées par l'Orchestre Symphonique de la RAI dirigé par Peter Rundel découvert lorsqu'il était à la tête de l'Ensemble Modern. Compositeur disparu le 27 juin 2004 à l'âge de 41 ans, Romitelli ne laisse pas quantité d'œuvres, qui méritent toutes plus d'un détour, ici Dead City Radio. Audiodrome, EnTrance, Flowing down too slow et The Nameless City. L'album Professor Bad Trip reste pourtant mon préféré, suivi de l'opéra avec vidéo An Index of Metals.


J'ai gardé le meilleur pour la fin, depuis le temps que j'attends l'édition audio des Entretiens avec Edgard Varèse par Georges Charbonnier. Le livre édité en 1970 d'après les enregistrements de 1955 est une de mes bibles. Ses phrases m'ont marqué de manière indélébile, je les cite et les récite. Varèse avait tout rêvé, donc tout inventé. C'est d'une intelligence aussi prodigieuse que Le style et l'idée de Schönberg et les écrits de Glenn Gould ou John Cage. Mais c'est mon chouchou, mon grand-père dans l'histoire du récit puisque je dois ma "vocation" à Frank Zappa. Écoutez la voix du bourguignon, les flèches qu'il décoche, son amertume aussi de ne pas avoir été entendu, et le pire (ou le meilleur) est donné en bonus exceptionnel à la suite des deux heures d'entretien remarquables, le scandale de la création mondiale de Déserts au Théâtre des Champs Élysées le 2 décembre 1954 sous la direction d'Hermann Scherchen. La preuve est là, comme si on exhumait à son tour le scandale du Sacre, la première œuvre hybride pour bande magnétique et orchestre, huée, sifflée, acclamée aussi, la salle coupée en deux, bataille d'Hernani opposant la vieille vulgarité à une jeunesse renversée. On en pleurerait. Déserts est la première pièce que j'entendis de lui, elle révolutionna ma vie. Je n'eus de cesse de mélanger les sons instrumentaux avec les sons de synthèse et les manipulations électroacoustiques. Et puis il y a les Entretiens (INA). C'est terrible comme on peut se reconnaître dans la pensée d'Edgard Varèse et encore plus terrible de savoir qu'il est resté plus de vingt ans sans écrire et que toute son œuvre tient en 2 CD. Edgard Varèse est d'une intelligence prodigieuse, d'une humanité critique exemplaire. Son regard sur l'histoire de la musique est une leçon qui vaut des années de conservatoire. Le comble est qu'il est celui qui s'en est affranchi. Il a inventé la musique contemporaine. C'est un modèle, un modèle dramatique et visionnaire. Pour quiconque, quel que soit son art, espère être de son temps, passer à côté de Varèse est de l'ordre du renoncement.

jeudi 18 octobre 2007

Chaud froid


Nous ne sommes pas grand chose. Il suffit d'un claquement de doigt pour que tout bascule. En bien comme en mal. C'est ce qui nous tient, cette alternance imperturbable de bonnes et de mauvaises nouvelles. Une amie tombe gravement malade. Deux petites sœurs perdues de vue depuis trente ans refont surface. L'amie est courageuse. Elle pense à nous. Je me suis écroulé. Jean s'est relevé pour écrire Assez. Toujours marcher. Je suis allé embrasser Alfie au Divan du Monde. Robert était en forme, les cheveux et la barbe taillés. Impossible de rester : je présentais FluxTune au Cube dans le cadre de Dorkbot, mais je n'avais pas trop le cœur à l'ouvrage. Le son n'y était pas. Le public semblait pourtant content. Le lendemain, c'était hier, je suis resté en peignoir toute la journée, mais j'ai enregistré 24 morceaux. Le soir, je suis allé écouter Fat Kid Wednesdays au Zèbre pour me changer les idées.


La danse de Saint-Gui de Michael Lewis lui permet de contrôler dynamiquement le volume de son saxophone. Le pied droit en dedans, le dos courbé vers le sol, il ne cesse d'avancer, reculer, comme il souffle, éructe, tantôt mat tantôt brillant, phrases délicates, langage transposé mélodiquement. Les sales gosses jouent les anciens avec la fougue juvénile que le free exige. C'est mercredi, y a pas école ! Je vois pourtant défiler Ayler et Ornette sortis droit du tombeau. Tombeau, c'est le nom d'un hommage en musique classique. Tombeau d'Albert Ayler. Tombeau d'Ornette Coleman. Mais qu'est-ce je raconte ? Si on a repêché Albert dans l'East River, Ornette vit toujours à New York. Pour une fois que le jazz me prend ! Même le solo de batterie de JT Bates sonne comme une chanson. Courbé, bossu, le batteur effleure à peine les peaux ou saute sur son siège comme un diable jaillit de sa boîte, Jack out of the Box ! Je n'avais pas non plus entendu de basse aussi ronde depuis Mingus, une nuit Fête de l'Huma : Adam Linz garde son flegme de bout en bout pendant que les deux autres garnements se trémoussent d'impatience contenue. C'est simple. Fat Kid Wednesdays laissent espérer des lendemains qui chantent.

dimanche 14 octobre 2007

Résurrection de Scott Walker


Scott Walker est-il en phase avec son époque ou appartient-il à cette catégorie d'artistes qu'on dit en avance sur son temps parce que le monde autour traîne paresseusement les pieds ? La vitesse et le temps dépendent toujours du système de repères choisi. On les dits relatifs, depuis qu'un violoniste a posé que l'énergie est égale au produit de la masse par la vitesse au carré. La masse s'abat sur la caisse en bois de plus d'un mètre d'arête comme les poings frappent le quartier de viande de toute leur énergie sans oublier le temps qui file. Chaque son, millimétré, frappe le corps et l'imagination parce qu'ils répondent au propos d'un artiste qui a refusé de vendre son âme au diable. Les violons partagent leurs âmes avec les sons électroniques et les effets électroacoustiques du laboratoire. Leur concepteur est un être hypersensible et critique qui n'a pas voulu joué le rôle de pop-star qu'on lui offrait du temps des Walker Brothers. The Sun Ain't Gonna Shine Anymore. Aucun d'eux ne s'appelait Walker, aucun n'était frère. L'argent n'éatit pas son moteur. Comme Zappa rêvait de composer pour orchestre symphonique et gagnait sa vie avec des chansons pour teen-agers en rebellion, Noel Scott Engel (son vrai nom) passa des succès sucrés de boys band des années 60 aux adaptations amères de Jacques Brel pour aboutir aux diamants noirs Tilt et The Drift que j'évoquais il y a quelques jours.
30th Century Man, le film de Stephen Kijak retrace la vie étonannte de cet intellectuel américain, amateur d'Ingmar Bergman dont il chanta Le septième sceau, qui émigra dans le Swinging London pour fuir la guerre du Vietnam et parce qu'il était fan des comédiens Margaret Rutherford et Terry-Thomas. Il resta un passionné de cinéma dont on retrouve maintes citations dans son œuvre de Dreyer à Godard en passant par Bresson, Jancso, Pasolini, Visconti, Fassbinder, mais aussi de littérature, Kafka, Camus, Beckett, comme de politique. Ce ne sont pas des alibis. Les chansons de Scott Walker sont traversées d'images et d'émotions fortes, de réflexions sur le monde, de poésie sombre et binaire. Ne cherchez pas le groove ni le swing, nous dit-il. C'est un compositeur européen, inspiré par les classiques et les modernes, par leurs orchestrations inventives et majestueuses. Si sa voix est unique, ses timbres orchestraux le sont aussi. Regardez-le enregistrer The Drift, couché à plat ventre sous le cube géant.

Cette biographie de deux heures (DVD Verve) est produite par David Bowie qui s'est toujours réclamé de Scott Walker. Y témoignent également Radiohead, Jarvis Cocker (Pulp), Brian Eno, Damon Albarn (Blur, Gorillaz), Neil Hannon (The Divine Comedy), Marc Almond, Alison Goldfrapp, Sting, Dot Allison, Simon Raymonde (Cocteau Twins), Richard Hawley, Rob Ellis, Johnny Marr (The Smiths/Modest Mouse), Gavin Friday, Lulu, Peter Olliff, Angela Morley, Ute Lemper, Ed Bicknell, Evan Parker, Hector Zazou, Mo Foster, Phil Sheppard, Pete Walsh... Les extraits sont magnifiques, l'aventure étonnante, la musique envoûtante. Les séances d'enregistrement de la musique de Pola X de Leos Carax convoquent je ne sais combien de guitaristes et de batteurs dans un immense entrepôt. Électrique. Comment, crooner baryton de variétés adolescent, devient-on cet artiste réfléchi de 63 ans construisant un monde inouï qu'il faudra encore au moins dix ans au public pour apprécier ? Ses propos rappellent ceux d'un autre outsider écœuré par les réactions du public, le pianiste Glenn Gould. Quelles souffrances dut-il endurer ? Quel silence l'habita longtemps ? Quel avenir nous prépare-t-il ? Vous le saurez peut-être lors d'un prochain épisode...

mardi 9 octobre 2007

Scott Walker : Orphée ou Cerbère ?


Il y a quelques temps, Benoît Hické relatait, sur le blog de Poptronics, la sortie du dernier cd de Scott Walker et d'un dvd qui lui est consacré. J'avais évoqué ici-même deux albums absolument sublimes de cet ex-Walker Brothers (The Sun Ain't Gonna Shine Anymore) passé par l'adaptation de Brel en anglais pour arriver aux aussi brillants que lugubres Tilt (1995) et surtout The Drift (2006), recueils de chansons innommables tant par sa manière de chanter et la gravité de ses textes que par l'invention instrumentale.
Le fourreau sombre, à peine lisible, granuleuse surface lunaire de pierre volcanique, donne le ton. L'intérieur du digipack en papier recyclé fait renaître le toucher de façon presque maladive, comme caresser de la laine de verre. And Who Shall Go To The Ball ? And What Shall Go To The Ball ? est une pièce purement instrumentale composée pour un étrange ballet (la Candoco Dance Company comprend des danseurs handicapés) de Rafael Bonachela qui, lors de ses précédentes créations, a travaillé avec Kylie Minogue. Quelques sons électroacoustiques, le London Sinfonietta, des plaques de métal : la partition oscille entre un minimalisme ardent et une marche bancale qui n'avance que par à-coups. L'œuvre ne dure pas plus de 25 minutes, mais l'énergie qu'elle requiert suffit à vous donner envie de le remettre encore une fois sur la platine. Avec ce gros point d'interrogation, Scott Walker affirme sa démarche de compositeur résolument contemporain déjà présente sous sa voix de baryton atonal dans son chef d'œuvre précédent. The Drift (site à visiter) n'est pourtant pas à mettre en toutes les mains, car il risque de faire flipper pas mal de monde, comme jadis Captain Beefheart avec Trout Mask Replica. C'est trop lugubre, trop visionnaire, trop personnel pour que cela plaise aujourd'hui. On préférera généralement oublier la brutalité de l'époque dans une insipidité festive et une ivresse de surface. Il faudra probablement attendre pas mal d'années pour que son travail soit apprécié à sa juste valeur. Le trouble qu'il procure me rappelle aussi Pier Paolo Pasolini ou Joel Peter Witkin.
J'attends d'un jour à l'autre le dvd 30th Century Man commandé sur amazon.co.uk

jeudi 4 octobre 2007

L'enclume


Je bosse, je bosse. Le pop'lab que je me suis engagé à écrire pour Poptronics, le site dirigé par Annick Rivoire, me donne du fil à retordre. Ma contribution en pdf, qui s'intitule provisoirement "L'étincelle" (hommage à Iskra ?), aborde l'instant fugitif où naît l'idée créatrice. Je me suis lancé dans une impro sans plan prélable en choisissant de compléter le texte, dans un second temps, par des extraits audio en mp3, des liens vers des sites, des images, ainsi qu'une playlist généraliste ; le tout sera mis en forme par Toffe. Lors de la soirée de lancement du site le 8 décembre prochain au Théâtre Paris-Villette, j'interviendrai en solo, musique et image, parmi d'autres convives qui ont souvent déjà publié leur pop'lab : Nicolas Frespech, David Guez, Pierre Giner et Doki Doki, Vincent Elka, peut-être Agnès de Cayeux... Rien d'officiel encore, mais je compte bien m'y amuser.
On croit toujours en avoir terminé, et puis un coup de fil suffit pour que l'on doive reprendre le mixage du clip Europa. Cette fois, la troisième, il faut supprimer le son de deux bouchons de Champagne, mais cela exige évidemment de tout remixer. L'automatisation et la sauvegarde des données sont, dans ce cas précis, fort appréciables. Je coupe, je mixe, j'exporte, je compresse, et le fichier son se retrouve sur mon site ftp pour que Bruxelles puisse le caler sur l'image avant de l'envoyer en fabrication.
La une, très claire, d'Efix fait respirer le n°20 du Journal des Allumés que je suis allé chercher à l'imprimerie "Rouge". Sa sortie sera fêtée en "fanfare" (façon de parler, c'est la deuxième soirée des Allumés du solo, et ils seront sept ce 18 octobre à Brest) lors du festival Penn Ar Jazz.
Le reste est un puzzle de petites choses qui prennent beaucoup de temps lorsqu'on les additionne, courrier (à lire et à poster), mails (je réponds à tous), téléphones (je laisse parfois sonner, mais celui de Jac Berrocal m'a fait très plaisir, cela faisait bien dix ans que nous ne nous étions pas parlé), travaux (la municipalité installe des barres pour parquer les deux roues devant chez nous), échanges en milieu le plus tempéré possible, etc. J'accompagne le tout avec les albums d'Hélène Labarrière (les temps changent qui vient de sortir chez Émouvance, en compagnie de Corneloup, Poulsen et Marguet), de Robert Wyatt (comicopera) qui a signé les notes de pochette d'Hélène, des premiers Brigitte Fontaine (chez Saravah) et d'un ancien album des Recedents (chez nato)... ainsi que d'un délicieux porcelet rôti qui vient du magasin portugais de Montreuil (première sortie à droite sur l'autoroute A3).

mercredi 3 octobre 2007

Comicopera de Robert Wyatt


Robert Wyatt sort Comicopera, recueil de chansons "pop" formant trilogie avec les deux précédents Shleep et Cuckooland. Frédéric Goaty et Anne Ramade m'ayant demandé d'interviewer Robert pour Muziq, je suis allé chercher un exemplaire presse chez P.I.A.S. qui le distribue afin d'en discuter avec lui.
Que ce soit lui ou moi qui appelle, je me laisse chaque fois impressionner par le timbre inimitable de sa voix. Il dit ne pas en être conscient. Il chantait des cantiques de Noël lorsqu'il était petit, mais rien ni personne ne lui laissait penser que son grain, sa couleur avaient quoi que ce soit de spécial. La voix de Robert Wyatt est comme la trompette de Miles Davis, il suffit d'une seconde pour l'identifier et vous faire chavirer. Craignant qu'il ne soit bientôt gavé par la tournée de promotion qui commence, je préfère le joindre rapidement. C'est lui qui décroche, la voix blanche et haut perchée avec léger zozotement, en pleine forme, heureux d'assumer enfin le rôle de producteur indépendant (chez Domino) et d'avoir négocié des contrats qui protègent correctement ses œuvres.
Pas question de déflorer ici la teneur de notre entretien qui sera publié un de ces jours dans Muziq, mais juste quelques mots pour annoncer le nouvel opus qui ravira ses fans, de plus en plus nombreux. Dans le dossier de presse, Robert explique que comicopera' se réfère à la comédie qui concerne les hommes en opposition à la tragédie qui se rapporte aux dieux. L'album se découpe en trois actes, le premier, lost in noise, est très tendre, le second, the here and the row, s'engage plus ardemment tandis que le troisième, away with the fairies, reprend des titres déjà enregistrés sur des petits labels étrangers que Robert souhaitait voir réintégrer le corpus mieux distribué internationalement et en proposer un remix : Del Mondo découvert sur un CD de Maurizio Camardi que l'on retrouve sur Hasta Siempre Comandante figurant à l'origine sur l'excellente compilation-hommage The Different You, le poème de Lorca Cancion de Julieta auquel tient tant Alfie, sa compagne, auteur de la majorité des textes et sans qui rien n'existerait ici, et remarquablement accompagné par Chucho Merchan au violon basse...
Les autres musiciens sont réunis dans un ensemble imaginaire, un orchestre idéal qui n'existe que dans la tête de l'auteur, puisqu'il n'a enregistré avec eux qu'un par un : Brian Eno (clavier), Annie Whitehead (trombone), Paul Weller (guitare), les israéliens Yaron Stavi (violon basse) et Gilad Atzmon (vents), ainsi que David Sinclair (piano), Phil Manzanera (guitare ; la majorité des prises ont été faites dans son studio), Del Bartle (guitare), Orphy Robinson (steel pan et vibraphone), Beverley Chadwick (sax baryton), Jamie Johnson (l'ingénieur du son joue de la basse) et, pour finir, Alfonso Santimone (claviers), Alessandro Fedrigo (basse), Paolo Vidaich (percussion), Gianni Bertoncini (batterie). Last but not least, le chanteur s'est entouré d'autres voix que les siennes, superbes, comment pouvait-il en être autrement ? Celle de la Hong-Kongaise Seaming To ressemble à un Theremin sur le premier morceau signé Anja Garbarek, Stay Tuned. Il forme un duo avec la Brésilienne Monica Vasconcelos pour le second, Just as You Are, et Fragment, et échantillonne tous ces gosiers pour en jouer avec son karenotron (Karen Mantler), son monicatron ou son enotron, lorsqu'il n'accumule pas les rôles, jouant de la trompette, des claviers, de la guitare, de la percussion évidemment, renversant le sens de lecture... Robert me raconte comment il compose, comment il enregistre, comment il improvise enfin. Il continue à rêver, malgré une époque brutale qui l'a poussé à aller encore manifester contre l'implication de la Grande-Bretagne en Irak. Il a besoin des chansons en italien ou en espagnol pour l'entraîner loin de l'hégémonie anglo-saxonne, l'Englandry abhorrée. Comme d'habitude, l'homme, la musique, la voix, tout est simple, limpide, et d'une incroyable richesse, parce qu'il laisse la place à l'émotion de chacun. Une légèreté qui ouvre l'appétit, celui de l'imagination.

Photo d'Alfreda Benge.

lundi 1 octobre 2007

Cubee me distrait de nos lapins


En voyant les Cubee que Rafi avait rapportés du Moma, j'ai craqué pour ces jouets japonais qui jouent de petits airs idiots lorsqu'ils sont seuls et accompagnent celui du haut lorsqu'ils sont plusieurs. C'est une combinatoire amusante. Il y a six animaux cubiques en tout, qui chantent en faisant claquer leurs petits clapets. Derrière la porte qui leur sert de visage se cachent deux petites bêtes gigognes, mais je n'ai pas encore saisi comment les utiliser ! Chacun a sa propre voix, le poussin piaille, le chat miaule, le chien aboie, etc. Dans les moments de spleen, quelques secondes chorales et mon sourire reprend sa place.
Si vous voulez les voir bouger et chanter, je vous laisse regarder les pubs japonaises que j'ai trouvées sur YouTube !

J'ai commandé les miens chez Any Toys en Grande Bretagne, mais il y a peut-être des magasins moins chers...