La musique électronique de Franck Vigroux représentait déjà une extension de son jeu de guitare. Par son écriture pour orchestre il agrandit le cercle en saturant l'espace de zébrures électriques. Les termes collent à la fission de l'atome, la densité des cercles concentriques est brisée avec rage. Vigroux a eu l'intelligence d'engager deux électrons libres parmi les interprètes, Marc Ducret et Matthew Bourne prennent de temps en temps la tangente, à la guitare ou au piano Fender. Philippe Nahon dirige de main de maître ce petit ensemble amplifié également composé de clarinette, trompette, piano, violon, alto, violoncelle et percussion. L'Ensemble instrumental Ars Nova s'est adjoint la soprano Géraldine Keller. Seul point faible de Broken Circles, le texte pseudo poétique de Philippe Malone souligne les tentations contemporaines du compositeur par un pompiérisme auquel on préfèrera les sirènes industrielles. On aurait rêvé de la même audace que pour la musique. Elle défrise, irrite, gratte où ça vous démange. Les trames noir et blanc projetées sur l'orchestre par Philippe Fontes insistent sur les cassures en assurant la cohésion. Le son poussé de Carlos Duarte emporte sans agresser les oreilles. En première partie de cette soirée présentée à La Dynamo de Banlieues Bleues par le festival Extension organisé par La Muse en Circuit, Vigroux triture seul ses machines, jouant de l'infra-basse, des distorsions et du bruit blanc, structurant son discours du concassage et de la fusion des timbres en une ode métallurgique qui laisse entrevoir un timide magma sourdre sous les apparences de l'énergie mâle. Souhaitons que les ensembles de musique contemporaine passent plus souvent commande à des compositeurs (et des compositrices !) qui n'en sont pas issus, c'est rafraîchissant, même aux heures les plus brûlantes.