Touch The Sound (2004) de Thomas Riedelsheimer suit la percussionniste sourde Evelyn Glennie de New York au Japon en passant par sa patrie, l'Écosse. Le guitariste et compositeur Fred Frith est le fil d'Ariane qui relie ce documentaire au célèbre film Step Across The Border (1990) de Nicolas Humbert et Werner Penzel dont il était lui-même le héros nomade. Il avait également composé la musique de Rivers and Tides de Riedelsheimer consacré à l'artiste de land art Andy Goldsworthy et il accompagne ici Glennie dans la scène principale où ils jouent dans une usine désaffectée.
Si les images en couleurs sont magnifiques et le travail des quatre designers sonores finement ciselé, les propos de la soliste et le choix des paysages urbains ou naturels véhiculent hélas quantité de poncifs qui finissent par tirer l'aventure vers un new age de surface. Il faudra revenir sur les limites du reportage sonore et la vanité de rêver mettre en boîte la symphonie de la nature. De son côté la musique reste ici parfaitement lisse malgré quelques superbes éclats comme la caisse claire dans Central Station ou un épatant Japonais jouant en virtuose d'une sorte de bilboquet. Focalisant sur la percussionniste, l'ensemble manque de la dialectique qui animait Step Across The Border sans donner les clefs du tour de force de la musicienne devenue sourde à douze ans. L'absence louable de commentaire explicatif n'est pas comblée par la réalisation, même s'il est suggéré qu'elle lit sur les lèvres et ressent la musique avec toutes les autres parties de son corps, du sommet de son crâne jusqu'à ses pieds nus. Entend-elle Frith et si oui comment puisque l'on ne constate aucun appareillage ? Le passionnant essai sur la surdité publié par Glennie sur son site perso répond mieux à ces questions. Dommage que sa communication marketing passe par le soutien aux montres Rolex, qu'elle rêve d'Eminem pour un concerto rap et que sa ligne de bijoux soit aussi ringarde !


Le film, qui mérite pourtant d'être vu et senti comme l'annonce le titre français (Il est possible de voir, sentir, et embrasser le son) du DVD publié par K-Films, laisse perplexe malgré sa sensibilité, car la musique est franchement banale et les improvisations plan-plans. Le handicap surmonté ne suffit pas à construire un monde, un nouveau monde, de ceux qui révèlent habituellement une fêlure, un mode de penser autrement, la poésie de l'indicible restant ici inaudible.