Frémeaux continue son travail patrimonial en publiant des CD de chansons, musiques et textes rares ou oubliés. Ainsi sont sortis des albums de Serge Gainsbourg, Boris Vian, Claude Nougaro et leurs interprètes. Possédant déjà l'inusable et fabuleux coffret de 6 disques de Boris Vian paru chez Polygram en 1991 j'évite les doublons malgré quelques chansons figurant sur les 3 CD qui excitent ma curiosité. Idem pour Gainsbourg bien que Frémeaux se soit attelé à une intégrale depuis 1957 avec déjà deux triples volumes. La surprise vient donc des débuts de Claude Nougaro, par lui-même avant qu'il se mette à rouler les r et surtout des interprètes qui l'ont chanté lorsqu'il n'était encore qu'auteur. Très influencé par Boris Vian, sur les pas rock 'n roll d'Henry Cording alias Salvador, le jeune Nougaro va rapidement s'enticher du jazz et ne plus arrêter de swinguer. Charles Trenet avait montré la voie dès les années 30. Le feutre taupé de Roche et Aznavour date de 1948... Comme je l'interrogeais en 1998, Nougaro répondit : "C'est dans ce miroir noir que j'ai reconnu une partie de mon âme. À ce sujet-là, mon front n'est pas une frontière..."
L'intérêt du double album réside dans les interprétations de Philippe Clay, Jean Constantin, Lucienne Delyle, Richard Antony, Marcel Amont, Pierrette Bruno et d'inconnus telle Simone Alma dont le cri dans Vise la poupée est inoubliable. La gouaille de Clay très présent, la version de Bobino des Pantoufles à papa par Constantin, la mélodie de Serge et Nathalie par Colette Renard sont enthousiasmants. Comme pour tous les artistes cités plus haut les paroles sont de petites dramaturgies qui leur confèrent un statut de court métrage. La pop anglo-saxonne a laminé le texte au profit de la musique et des arrangements. Comment écouter les chansons de Prévert et Kosma en faisant la vaisselle ? Même légères et frivoles les paroles réclament de l'attention pour en savourer tout le suc. Ça se comprend. (à suivre)