70 Musique - octobre 2013 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 31 octobre 2013

Overprinting est le 108ème album paru chez GRRR

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Overprinting devait être composé de deux "faces", chaque groupe de musiciens enregistrant le playback de l'autre, à Paris Un Drame Musical Instantané, à Tel Aviv un orchestre réuni par Vyacheslav Ganelin. Ce projet fut initié en 2004 par Meidad Zaharia, le producteur de MIO Records qui avait réédité Défense de de Birgé Gorgé Shiroc en CD+DVD la même année. MIO a cessé ses activités, Wah-Wah vient de rééditer Défense de en vinyle et j'ai retrouvé cette fois les maquettes de cet album inédit dans mes archives informatiques.
En fait nous étions en désaccord avec l'approche de Ganelin. Le Drame avait envoyé 4 pièces pour que les musiciens israéliens enregistrent par dessus, mais leur re-recording ne correspondait pas au projet sur lequel nous nous étions entendus. Idem avec leur contribution qui aurait dû s'appeler Pépé le Moko ?. Ce sont probablement les derniers enregistrements, toujours aussi superbes, de Bernard Vitet à la trompette, miné par des problèmes dentaires. À la réécoute je regrette que nous n'ayons pu mener à bien cette collaboration, mais la distance et les intermédiaires nous ont probablement été fatals. L'expérience a le mérite de poser des questions intéressantes.
Bernard (trompette, bugle, trompette à anche) et moi-même (synthétiseurs, harmoniseur) avions invité Didier Petit pour le côté français, et pas seulement parce que le violoncelliste portait un "béret français" comme Brunius dans le film des frères Prévert, L'affaire est dans le sac ! On l'entend dans Short Cut et Dans le sac ? où il double son instrument avec sa voix. Du côté israélien nous n'avons jamais réussi à savoir exactement qui étaient les musiciens dans le mix réalisé par Zaharia, à part le pianiste Vyacheslav Ganelin et Gershon Wayserfirer au oud. Zaharia tient-il les percussions et Ganelin double-t-il au trombone ?
Overprinting est le 49ème album inédit offert en écoute et téléchargement gratuits sur drame.org et le 108ème chez GRRR.

lundi 28 octobre 2013

Une musique pour chaque heure de la journée


À chaque moment de la journée correspond une musique adéquate et ce, différente pour chacun et chacune. Au réveil j'ai toujours préféré des musiques tonifiantes comme Dario Moreno ou du rock explosif, ces jours-ci ce sont deux albums de la collection Funk, psychedelia and pop from the Iranian pre-revolution generation, Khana Khana ! & Goush Bedey, que distribue Orkhêstra. À cheval entre la musique arabe et Bollywood ces chansons kitsch du temps où l'espoir était florissant donnent à la pop des années 70 une tonalité orientale des plus réjouissantes. Lorsque je suis encore le seul levé j'écoute plutôt des voix parlées pour ne pas réveiller ceux qui dorment. Avant le déjeuner j'essaie des choses plus expérimentales, mais comment évoquer Ondes primitives (Kadima Collective), les improvisations de contrebasse de Fred Marty qui, si elles sont riches et passionnantes, risquent de hérisser le poil de celles ou ceux qui ne sont pas encore rasés ou, plutôt, qui le sont de trop près ?
Pendant les repas je coupe toujours le son parce que la musique en mangeant est un truc qui devrait être interdit. Impossible de se concentrer sur les saveurs qui titillent nos narines et nos palais, ni sur les conversations des convives. J'attaque le café avec un disque du label Bruce's Fingers que m'a prêté Gary, Clay Angels de Su Lyn, chanteuse anglaise qui mériterait d'être largement plus connue, cousine lointaine de Laurie Anderson, Beth Gibbons ou Anna Bird chez White Noise. Produite par le contrebassiste et claviériste Simon H.Fell, elle distille une pop minimaliste envoûtante, s'appuyant sur des improvisations portées par la batterie de Stuart Braybrooke et les rythmes de Roger Chatterton. Le disque a déjà dix ans et personne ne semble très au courant par ici.
Si je ne suis pas moi-même en studio l'après-midi j'écoute plutôt des choses très électriques comme cette semaine les groupes technoïdes que m'a indiqués Jean-Michel, Queen of The Wave des Finlandais Pepe Deluxé qui utilise le Great Stalacpipe Organ, plus grand instrument de musique du monde restauré pour l'occasion (livret psychédélique de 60 pages chez Catskills), Dead Cities de Future Sound Of London (FSOL) en collaboration avec le compositeur Max Richter et enfin l'insaisissable et prolifique Sufjan Stevens, kitsch multi-instrumentiste à cheval entre le folk, l'électro et le symphonique !
Avant le dîner je reviens à des musiques du monde ou à ceux qu'elles ont inspirés. Liquid Spirit (Blue Note) du crooner Gregory Porter peut faire l'affaire, mais je préfère Nights in Tunisia (Infingo) de Jean-Christophe Cholet avec l'Ensemble Diagonal auquel participe le violoniste Jasser Haj Youssef, rencontre de jazzmen avec une douzaine de chanteurs et musiciens arabes qui n'est pas sans rappeler une autre réussite, celle de l'ONJ de Caravan(e).
Intemporelle, '68 est la phénoménale exhumation de fonds de tiroir de pièces de Robert Wyatt. Si Slow Walkin' Talk, son duo avec Jimi Hendrix qui lui permit d'enregistrer tous ces incunables, figurait déjà dans quelques compilations (mais la photo est ici dans le livret !) et si Chelsa est sympa, deux longues pièces rendent ces archives indispensables. Rivmic Melodies débute avec British Alphabet et dérive en yaourt espagnol mais surtout il est fantastique d'écouter la version initiale de Moon in June, sur ces deux pièces le chanteur enregistrant lui-même piste après piste la batterie, la basse, le piano et l'orgue ! Le Lowrey de Mike Ratledge et la basse de Hugh Hopper le rejoignent tardivement pour que naisse ce qui deviendra la mythique face 3 du Third de Soft Machine. Le livret contient une exceptionnelle interview de Wyatt réalisée en décembre 2012 par Aymeric Leroy avec les commentaires de Hugh Hopper (Cuneiform, dist.Orkhêstra).
Mais aujourd'hui, quelle que soit l'heure, on entendra Lou Reed chanter dans les chaumières, une voix unique, reconnaissable dès la première syllabe, chaude et rocailleuse. Depuis les débuts du Velvet, depuis Walk on the Wild Side, le meilleur était ce timbre, parlé-chanté vénéneux. Les innombrables réactions sur la Toile à l'annonce de sa mort indiquent que le rock 'n roll vient de tourner la page de toute une époque. Accueillant hier soir cet animal mythologique, le corbeau de Poe répétait inlassablement "jamais plus" !

vendredi 25 octobre 2013

La Source


Énorme succès à La Java mercredi soir pour mes premiers pas sous appellation techno. Plutôt que de répondre à chaque camarade qui m'interroge sur la soirée, écrire peut m'éviter de rabâcher la même histoire à l'infini. C'est que des copains j'en ai pas mal, même si aucun ne s'est déplacé pour assister à cette incroyable soirée ! Manque de curiosité, a priori sur le genre musical, coïncidences, planning chargé, oubli, enfants en bas âge, mieux à faire, information reçue trop tard ? Dommage pour eux, car nous nous sommes bien amusés devant le public enthousiaste. Le set expérimental de DJ Ron Morelli acheva de me décomplexer de ne pas savoir faire danser. Jorge Velez enchaîna avec un solo live plus rythmique auquel j'emboîtai le pas également en solo sans temps mort. J'ai l'impression d'avoir réalisé une sorte de plunderphonics live, techno maximaliste à base de sons électroniques et de rythmiques diaboliques, de voix, radiophonies et trompettes à anche. Le duo avec Velez (© Photo 1 Françoise Romand) était plus magmatique, pâte sonore d'une rare intensité où l'improvisation prolongea nos conversations à bâtons-rompus. Plus classique, Tuff Sherm aka Dro Carey eut le mérite de swinguer avec une efficacité redoutable. Nous en sommes tous sortis tardivement avec une pêche d'enfer, remerciant Xavier Ehretsmann pour son excellente et stimulante initiative de nous avoir réunis. Marier le beat électronique avec un jeu live sur des instruments éventuellement acoustiques était inéluctable. La techno et la musique électroacoustique retrouvent leurs intentions originelles qu'une actualisation nécessaire régénère pour contrer le formatage et le peu d'ambition des majors en matière artistique. Comme dans les milieux jazz et musiques improvisées les jeunes retrouvent leur désir d'étonnement et de découverte, recherchant dans le passé les épisodes qu'ils ont ratés. C'est tout bon pour les dinosaures de mon espèce !


La surprise vient évidemment du public club, la plupart jeunes trentenaires à la recherche de nouveauté. Filles et garçons me demandent depuis combien de temps je joue cette musique ? Force est de constater que voilà plus de quarante ans que je joue ainsi et que j'en vis, infiltrant le rock, le jazz ou la musique contemporaine, sans ne rien changer à ma manière de voir et de rêver. Une fille s'étonne que je n'ai d'autre travail que celui de compositeur, comme si l'underground rimait obligatoirement avec galère et pauvreté. Je m'éclate en improvisant en direct des rythmes tranchants au Tenori-on. Les leds s'éclairent sous les notes, devant des bouches ouvertes à s'en décrocher la mâchoire. Mes pieds dansent sur les pédales des claviers. Pendant mon solo aucun répit n'est possible, je jongle avec les potentiomètres, je fonds, je brise, j'accumule, je réduis. Le duo permet plus facilement de respirer.
Après le dernier set je suis étonné de partager les mêmes idéaux avec Morelli, Svengalisghost Lives et Velez (© Photo 2). Nous avons des méthodes différentes pour arriver à nos fins, mais nos démarches se ressemblent. À jouer d'instruments bizarres ou simplement électroniques je ne ressens ni l'incompréhension ni la ségrégation qu'ont perpétuées jusque récemment la plupart des jazzmen et libres-improvisateurs. Je rêve d'une mixité qui rassemble toutes ces énergies inventives sans préjugé ni pré carré. Tous les signes le montrent : c'est pour bientôt !

mercredi 23 octobre 2013

JJB invité techno ce soir à La Java


Ce n'est pas tous les jours que je joue de la techno. Ou peut-être que si ? Jorge Velez aka Professor Genius, avec qui je joue ce soir, m'expliquait qu'au début du mouvement à Detroit il s'agissait de fabriquer une musique que personne n'avait jamais entendue. La techno expérimentale renoue ainsi avec ses origines, après avoir été considérablement dévoyée. Toutes les musiques finissent un jour ou l'autre par être récupérées par le business, par bribes ou intégralement.
Je suis impatient d'entendre (et de voir !) ce qui se passera lors de cette soirée organisée par Xavier Ehretsmann du label La Source. Je n'en ai absolument pas l'habitude, ignore ses codes, mais suis curieux de découvrir d'autres méthodes de jeu et même de communication. Par exemple, c'est 6 euros l'entrée jusqu'à 22h, ensuite le tarif monte à 8 ! J'ai eu du mal à trouver du papier bleu pour photographier le flyer comme Xavier nous l'avait demandé. J'ai découpé une chemise en carton qui s'est un peu coincée dans l'imprimante, laissant des traces au centre de l'image... Preuve d'authenticité qui le comblera ! En fond j'ai pris les deux claviers que j'utiliserai ce soir, mais j'emporterai quelques instruments acoustiques pour jouer en duo avec le New Yorkais du New Jersey d'origine colombienne Jorge Velez (Versatile, Italians Do It Better, Echovolt, Rush Hour, L.I.E.S., Skudge). L'Américain DJ Ron Morelli (L.I.E.S, Hospital Productions, Echovolt Records) parraine la soirée en ouvrant le bal à 21h et l'Australien DJ Tuff Sherm aka Dro Carey (The Trilogy Tapes, Opal Tapes, Ramp, Hum + Buzz) fermera le ban de minuit à 2h du matin. Entre temps Jorge aura joué en solo, puis ce sera mon tour. C'est le moment épineux parce que je ne sais pas si l'on attend de moi un style particulier. On m'assure que non. Tant mieux. Alors j'improviserai à ma sauce en y mettant peut-être un plus de rythme que d'habitude, mais de là à faire danser cela m'étonnerait, ma techno est maximaliste, trop complexe ! J'ai tout de même choisi deux machines que je n'utilise plus trop. Raison de plus. J'en profite. Le moment le plus excitant est notre duo. J'ai eu l'immense plaisir de passer une journée à discuter avec Jorge de musique, de toutes sortes de musiques, de cinéma (il est monteur vidéo à la télé américaine), de littérature et nous avons énormément de références communes. L'improvisation musicale figurera la suite de notre conversation...

vendredi 11 octobre 2013

Analyse au fil d'1/2


Francis Gorgé a retrouvé un dessin qu'il avait fait de notre trio avec Bernard Vitet. Nous étions au début des années 80. Un fil magique reliait Un Drame Musical Instantané. Si le cordon ombilical alimentait la guitare de Francis en sauteur façon Pete Townsend il passait par une oreille de Bernard et ressortait par l'autre tandis que j'y faisais le funambule. Mon corps abritait mille et un mots, la carapace de Bernard le laissait allumer une énième Bastos. La forêt de sapins rappelait la FranSuisse, le scarabée l'animal adoré, le téléphone une fâcheuse manie, et le public rêvé à la mode Hetzel d'applaudir nos facéties improvisées !
Nous avions tôt compris qu'il fallait accompagner nos inventions musicales de tout un matériel graphique qui, au moins, attire l'attention. Les journalistes qui ne comprenaient pas grand chose à notre travail nous faisaient toujours des compliments sur nos pochettes de disques. Dans les années 70 seule la pop avait saisi l'importance de l'adéquation entre la musique et le visuel qui l'habillait. La Fnac, avant de devenir le fossoyeur de la culture, nous offrait ses vitrines intérieures de 122x78cm lorsque nous proposions une création plastique réalisée par les décorateurs avec qui nous travaillions, comme Raymond Sarti ou Marc Boisseau. Kind Lieder, Sous les mers ou L'homme à la caméra sont restés affichés jusqu'à un an, une chose incroyable aujourd'hui. Sur scène c'était la même chose. Bernard disait que nous proposions toujours une image et qu'il fallait donc la contrôler. Son look était impeccable, la cigarette coincée entre l'annulaire et l'auriculaire pendant qu'il appuyait sur ses pistons, lunettes noires ou monocle, bottes cirées.
En octobre 1977 Francis avait réalisé pour Libération une petite bande dessinée qui annonçait notre résidence de trois semaines à La Vieille Grille. Il nous avait campé en Pieds Nickelés à qui nous ressemblions étonnamment. Bernard était évidemment Ribouldingue, Francis Croquignol et moi Filochard. Je vais fouiller dans les archives pour la retrouver. J'y ai mis le nez après qu'une étudiante de Toulouse ait émis le désir de remonter L'homme à la caméra avec la partition que nous avions composée pour grand orchestre. Nous jouions à Paris tous les jours enchaînant le Riverbop, le Théâtre Mouffetard, la Maison de la Radio, le Musée d'Art Moderne, etc. Il y avait évidemment dix fois moins de musiciens et dix fois plus de lieux où jouer ! Tout était plus facile, il y avait une vraie curiosité pour des expériences originales. Le formatage est venue ensuite, lorsque les décideurs, avec l'âge, sont devenus cyniques ou qu'ils ont été remplacés par des personnes formées dans des écoles de commerce. On voit bien le résultat dans les majors ou à la télévision. Heureusement une époque effervescente semble renaître, mais les conditions économiques sont nettement moins favorables.

jeudi 10 octobre 2013

"Défense de" réédité en vinyle


Avant de briser la cellophane qui recouvre la réimpression vinyle de Défense de on peut lire sur le sticker :
Birgé/Gorgé/Shiroc 'Défense de' LP + bonus DVD ! Première réédition en vinyle de cet album culte de 1975. Défense de était le premier album de Jean-Jacques Birgé et Francis Gorgé, avant la fondation d'Un Drame Musical Instantané avec Bernard Vitet en 1976. Défense de est devenu un LP culte qui se vend une petite fortune, particulièrement depuis que son caractère de musique française avant-garde/expérimentale/synthé précoce fut signalé sur la fameuse liste de Nurse With Wound. Fauni Gena fait revivre en vinyle cette œuvre légendaire de l'histoire musicale grâce à une édition top class comprenant les annotations de Jean-Jacques Birgé lui-même, plus un DVD bonus incluant près de 6 heures de pièces rares et le film de Jean-Jacques Birgé et Bernard Mollerat La nuit du phoque.
Les Barcelonais de Wah-Wah Records publient ainsi sous la référence Fauni Gena 030 mon premier disque qui inaugura le label GRRR que je venais de créer. Le label israélien MIO l'avait réédité en 2003 en CD avec le même DVD, mais c'est la première fois qu'il revient sous sa forme initiale, ici avec un livret 4 pages de 30x30cm où figurent de nombreuses photos de Thierry Dehesdin et les notes de pochette que j'avais écrites pour MIO il y a dix ans. Lorsque j'évoque l'avenir je me rends compte que j'aurais pu les mettre à jour, mais ce genre de publication joue de la perspective du temps autant qu'il affiche sa permanence. Car, à mon humble écoute, Défense de n'a pas pris une ride. Je suis étonné de préférer aujourd'hui la face B, en particulier le réveil où, en duo avec Francis Gorgé, nous mêlons les possibilités du multipistes à la fraîcheur de l'improvisation.
L'accroche publicitaire rappelle que Francis et moi avions commencé à jouer ensemble au lycée en 1970. L'album avait commencé par être enregistré chez le père du producteur de free jazz Sébastien Bernard qui possédait un orgue à tuyaux, un piano électrique, un xylophone et un violoncelle, puis sa défection et la rencontre quelques mois plus tard du percussionniste Shiroc nous avait amenés à remplacer deux des quatre morceaux par de nouvelles pièces en trio ou en quartet avec le pianiste Jean-Louis Bucchi. Notre ami le saxophoniste Antoine Duvernet faisait également des apparitions sur les deux pièces initiales. À la fin des six heures d'inédits du trio présents sur le DVD et intitulées June Sessions nous formâmes un quartet avec un second percussionniste, Gilles Rollet. Enfin le DVD inclut le film expérimental (sous-titré en français, anglais, hébreu et japonais) que je réalisai avec Bernard Mollerat en 1974 et qu'encensèrent plus tard nombreux critiques américains.
Nous avions 22 ans et une terrible envie de mordre. Les titres du disque et des quatre pièces formaient une seule phrase : Défense de / crever / la bulle opprimante, / Le réveil / pourrait être brutal. Avec la réputation dont jouit l'album (surtout à l'étranger !) il est probable que cette édition limitée sera aussi vite épuisée que le furent le vinyle original et sa réédition en CD.

P.S. pro : je ne sais pas à quels journalistes envoyer cet ovni. Qui parmi eux s'intéresse aujourd'hui aux rééditions en vinyle de disques des années 70 ?

mardi 8 octobre 2013

Le silence gratte où ça vous démange


Minuit l'heure du crime. Je profite du calme du soir pour poser Sounds of Silence sur le tourne-disques. L'objet est conceptuel. Un sticker jaune barre la pochette de Simon & Garfunkel comme une voie sans issue sur l'autoroute musicale. Vingt-neuf plages de silence se succèdent sur les deux faces du 33 tours 30 cm réalisé par Patrice Caillet (auteur du livre Discographisme récréatif), Adam David et Matthieu Saladin. C'est plutôt le Périphérique une nuit où les services d'entretien ont fermé toutes les issues. Ça tourne en rond, mais ça avance tout de même et ça travaille. Non, vous n'entendrez pas 4'33" de John Cage conçu pour la scène. L'anthologie rassemble exclusivement des enregistrements dont les auteurs sont Andy Warhol, John Lennon, Maurice Lemaître, Sly & the Family Stone, Robert Wyatt, John Denver, Whitehouse, Orbital, Crass, Ciccone Youth, Afrika Bambaataa, Yves Klein, etc. Aux imperfections des supports originaux le vinyle ajoute les siennes. Il révèle une variété inouïe, c'est le cas de le dire, de manières de concevoir le silence : performative, mémorielle, politique, critique, abstraite, poétique, cynique, farceuse, technique, promotionnelle, absurde, indéterminée. À la première écoute je me laisse aller sans savoir qui se tait. C'est reposant. À la seconde je suis les notes de pochette. Les circonstances dessinent une histoire de la production discographique à travers ses silences. C'est dense et prenant. Ça piquotte. Ça craquotte (coprod. alga marghen - Sound-Houses/FRAC Franche Comté - Incertain sens).

jeudi 3 octobre 2013

Au quart de tour


Jouer ensemble sans concertation exige une gymnastique schizophrénique consistant à écouter en même temps que l'on s'exprime. L'improvisation libre, que j'ai toujours préféré appeler composition instantanée, devrait autoriser d'aborder tous les genres, styles, mélodies, rythmes, etc. Toute association de sons devrait être possible comme dans une conversation entre convives bienveillants, et encore... Car les conflits ne sont pas interdits dès lors que le résultat global en bénéficie. Il s'agit donc de réduire au plus court le temps entre la composition et l'interprétation, et ce, sauf solo, sous forme collective ! Comme dans la vie, des relations d'amitié se tissent, faisant fi des divergences d'opinion puisque seule la résultante des forces nous importe. Il est inévitable alors de rattraper des balles au vol même lorsque les coups sont tordus. Par goût, de mon côté comme dans tout ce que j'approche, je cherche toujours à être complémentaire plutôt que redonder en suivant le mouvement !
Si néanmoins à La Java je sous-jouais pour intégrer mes sons orchestraux au subtil jeu harmonique du pianiste Benoît Delbecq (à la trompette, clin d'œil à Bernard Vitet, sur la photo de Gérard Touren © 2013 !), quelques jours plus tard au Triton nous préférions composer de courtes pièces instantanées nous obligeant à entrer dans l'ambiance de chacune avec une promptitude vertigineuse. Il arrive que l'on commence tous ensemble, mais une ou deux secondes suffisent à changer son fusil d'épaule en entendant le premier son produit par un camarade. J'écris entendre car je ne suis pas certain que nous écoutions, préoccupés par ce que nous jouons nous-mêmes. Suivre plusieurs discours simultanément tandis que l'on joue soi-même exige une concentration à la fois excitante et épuisante. Le saxophoniste alto Antonin-Tri Hoang et le violoncelliste Vincent Segal réagissaient au doigt et à l'œil grâce à leurs oreilles dressées dans notre univers nocturne où j'enchaînai piano préparé, sons de la banquise, trompette à anche et transe rythmique. Sur cette quatrième et dernière pièce nous rejoignirent la chanteuse Élise Caron se servant de son extinction de voix comme en aïkido et le percussionniste Edward Perraud jonglant avec ses cymbales en saltimbanque, trait commun à nous tous.

mercredi 2 octobre 2013

Art Sonic renouvelle le quintette à vent


En musique classique, le quintette à vent est un ensemble de musique de chambre composé d'une flûte, d'un hautbois, d'une clarinette, d'un cor et d'un basson ou d'un autre instrument de chaque famille : piccolo, cor anglais, clarinette basse... Son répertoire s'est particulièrement développé au XXe siècle avec ce que l'on a coutume d'appeler la musique contemporaine. Mais que signifie ce terme ? La réponse est on ne peut plus simple : qui est de notre temps. Or il existe tant de temps concomitants que selon les milieux sociaux le terme pourrait aussi bien s'appliquer aux pires variétoches que déverse la télévision qu'aux recherches artistiques les plus pointues. Sous ma frappe il s'agit évidemment de souligner la chronicité la moins formatée, soit une démarche qu'il serait plus juste de qualifier d'anachronique ! Le serpent se mord la queue. Le serpent est l'ancêtre du tuba, mais il n'a rien à faire dans ce quintette. Alors ?
Alors Cinque Terre, le premier album de l'Ensemble Art Sonic, est un pur ravissement. D'abord parce qu'il ne suit pas la mode, ni celle des cénacles de la musique contemporaine officielle, ni la petite boîte étroite dans laquelle les marchands voudraient enfermer les jazzmen. Leur musique inventive ne craint ni un certain néoclacissisme impressionniste, ni la musique répétitive des minimalistes américains, ni les recherches de timbres héritées de leur travail sur le souffle assisté par ordinateur. En concert le flûtiste Jocelyn Mienniel et le clarinettiste Sylvain Rifflet poursuivent leurs recherches sur la spatialisation avec leur orchestre acoustique pour lequel ils composent ou pour lequel ils adaptent des pièces de leurs amis, ici Xiasme, le tube d'Edward Perraud, et Herbes luisantes d'Antonin-Tri Hoang qui a d'ailleurs joué le rôle de conseiller musical pour le CD (label drugstore malone). La virtuosité ne cède jamais le pas devant la sensibilité que développent les interprètes, unis dans le son comme les cinq doigts de la main. Jeu de mains, jeu de vilains. Ceux-là ont mis les doigts sur toutes les clefs pour qu'aucune serrure ne résiste à leur fougue. Si j'ai souvent évoqué avec enthousiasme le travail de Mienniel et Rifflet dans cette colonne voilà qui donne très envie de découvrir les autres facettes du hauboïste Cédric Chatelain, du corniste Baptiste Germser et de la bassoniste Sophie Bernado. Leur prestation en public m'avait enchanté. Leur disque n'a pas quitté la platine de la soirée, au point que j'ai attendu minuit passé pour poser sur le tourne-disques la réédition de Défense de qu'un transporteur avait livrée dans l'après-midi.
Wah Wah Records vient en effet de represser en vinyle mon premier 33 tours (1975) agrémenté de mon premier film, La nuit du phoque (1974), et de six heures de musique de Birgé Gorgé Shiroc sur un DVD offert en bonus ! Il est tard, on en reparle bientôt, comme des chansons de Michèle Buirette avec Max Robin, Moïra Montier-Dauriac et Lucien Alfonso que je continue d'enregistrer demain...