Pour aller où que ce soit, même en parlant arabe, il faut redemander sa route à chaque coin de rue en sachant que la réponse sera probablement fausse. Si c'est épique en ville, imaginez le labyrinthe de la Medina ! Nous avons donc exécuté une spirale pour arriver à destination, arrivant juste à temps pour assister au 80ème anniversaire de La Rachidia, première institution musicale créée en Tunisie en 1934 pour sauvegarder le patrimoine musical tunisien dont le malouf et ses variantes. D'entrée, son président, Hedi Mouhli, nous avertit que la définition du malouf sur Wikipédia mérite de sérieuses corrections et que leur site Internet nécessite d'être complété ! Le projet est de remettre aux jeunes le soin de développer cette musique arabo-andalouse dont les racines sont d'ailleurs aussi juives qu'arabes. Dans sa grande majorité la jeunesse tunisienne ignore ses racines culturelles qu'elle pourrait développer au lieu de sombrer dans un désespoir autodestructeur qui l'entraîne vers l'Occident Coca Cola ou vers Daesh. La véritable révolution est un processus long engageant toutes les énergies. Ainsi les vieux professeurs de La Rachidia souhaitent que les jeunes s'emparent du malouf, qu'ils interprètent cette musique classique, la remixent et se l'approprient chacun à sa manière. Jusqu'au 31 mai le programme des concerts offre un éventail incroyable dont un karaoké où les enfants pourront chanter accompagnés par un orchestre en direct. Mais ce soir ce sont deux violonistes, Anis Kelibi et Abdelkarim Shabou, qui se succèdent pour interpréter des chants que nombreux convives murmurent discrètement tandis que les musiciens improvisent comme en jazz, brodant autour du thème. Je suis aux anges.


Le surlendemain, Raya Ben Guiza Verniers, attachée de presse de l'événement, nous arrange une visite inédite de la Medina avec le blogueur Jamal Ben Saidane dit Wild Tunis, justement responsable de la mise à jour du site de La Rachidia et auteur de quantité de photographies sur Instagram. Passionné par ce musée à ciel ouvert où il est né, Jamal occupe ses temps de loisirs à découvrir sans cesse des coins et recoins qu'il ne connaît pas encore, et à les faire partager à ses amis...


Tandis que nous faisons le tour des artisans qui continuent à travailler intra-muros, nous admirons le travail de la navette sur les métiers à tisser où chaîne et trame me font penser aux ruelles incroyables que nous empruntons, sauf qu'ici la soie interdit les impasses.


Dans sa boutique de conte de fée Fathi Blaich explique à Fadia comment se fabrique une chéchia et les différents modèles, de Tunis ou Oran. Après avoir été bouilli et avant d'être formé le cylindre tissé est brossé pour qu'aune trace du tissage ne subsiste. Le tissu doit être souple et doux au touché. Tout est en nuances de rouge. En Lybie on la porte noire, comme celle des Juifs qui dans le passé n'avaient pas le droit d'en avoir de rouges. Aujourd'hui seule l'exportation vers le Mali, le Niger, etc. permet au vieux monsieur de tenir, mais partout le savoir disparaît comme ce ferronnier mort il y a deux ans sans avoir transmis son savoir...


Avant de quitter Tunis nous admirons de loin la mosquée où nous ne pouvons entrer. Le samedi la population tunisienne fait ses courses rue du Général de Gaulle plutôt que dans la Médina plus axée sur le tourisme. Comme partout les contrefaçons chinoises pullulent. J'achète quelques épices qui sentent bon la Tunisie pour une somme dérisoire, et pour quelques dinars de plus de jolies babouches aux couleurs vives...