Sur son nouvel album, Cellule, le groupe Polymorphie se cogne la tête contre les murs de toutes les geôles. La musique est directe et brutale. Elle est répétitive d'une cellule à l'autre, quel que soit son pensionnaire, Oscar Wilde, Jean Zay, Albertine Sarrazin, Paul Verlaine ou un gars dont personne ne se souvient plus. Il y a 75 000 détenus en France. Martine Pellegrini leur prête sa voix pour qu'ils puissent hurler leur rage. Romain Dugelay a composé les riffs qui encerclent les textes anglais de La ballade de la geôle de Reading et français pour les autres, Souvenirs et solitudes, Poèmes, Un grand sommeil noir. Mais les titres du CD ne portent plus que des initiales ou des prénoms derrière les neuf numéros qui s'enchaînent. Deux sax altos (Dugelay et Clément Edouard), deux claviers (Lucas Garnier et Pelligrini), la guitare baryton (Damien Cluzel) et la batterie (Léo Dumont) sont solidaires devant l'enfermement que représente leur engagement personnel, loin des sentiers battus où les fleurs flânent plus vite que derrière les barreaux. La voix se fait intelligible malgré le chaos organisé de la révolte. La mécanique du rock croise le fer avec la liberté du jazz sans qu'aucun ne cède un pouce de terrain. Les musiciens improvisent dans les limites que les cellules autorisent.


Je n'ai passé qu'une nuit en prison, et je l'avais exigé. Je n'y ai passé qu'un jour parce que Nicolas Frize m'y avait invité. Mais j'ai vécu le siège de Sarajevo et je me suis laissé enfermé par mes propres démons. J'ai connu des matons et des taulards. Il y a toutes sortes de geôles. Pendant la guerre mon père avait connu la différence. Des images se sont imposées à moi : en 1950 Genet tournait muet Un chant d'amour, dix ans plus tard Franju filmait La tête contre les murs dans un hôpital psychiatrique et Jacques Becker s'attaquait au Trou. Rien n'a changé. Ça tourne, ça tourne. Impossible de s'évader avant la fin du disque.

Polymorphie, Cellule, Grolektief, dist. L'autre distribution (sortie le 16 octobre)