Hier soir, juste avant de monter en scène, je découvre l'article que Marie-Noël Rio a écrit sur notre dernier CD dans Le Monde Diplomatique d'octobre, sans avoir le temps de prendre connaissance du cahier central de sept pages consacré à la Révolution d'Octobre 1917, sujet de la soirée au Cirque Électrique. Marie-Noël est présente dans la salle. Elle n'a pas changé depuis notre dernière rencontre il y a quarante ans, toujours le même enthousiasme, la même espièglerie, une éternelle jeunesse qui tient très probablement à la passion pour tout ce qu'elle fait. Il n'y a pas de secret ! À l'époque elle venait de terminer le livret de l'opéra Histoire de loups d'après Sigmund Freud pour Georges Aperghis et j'assistais Jean-André Fieschi pour la première époque des Nouveaux Mystères de New York. L'article me fait d'autant plus plaisir que je ne m'y attendais pas du tout...

Long Time No Sea
d’El Strøm
GRRR, distribution Orkhêstra,
79 minutes, 2017, 15,50 euros.
La chanteuse Birgitte Lyregaard, l’électronicien et percussionniste Sacha Gattino et l’amoureux du son des objets (entre autres) Jean-Jacques Birgé composent un trio de musiciens hors pair qui s'est baptisé « Le Courant » en danois. Neuf titres ici, dont six avec des textes en français, en anglais, en danois. Tout leur est matière sonore, les instruments (la gamme jouée à deux musiciens est saisissante), la voix, d’une ampleur étonnante, les mots, les machines musicales, les synthétiseurs et les objets... C’est une musique de couleurs, de timbres avant toute chose, qui procède par grands plans rêveurs, qui prend son temps et que des interruptions inattendues, des explosions chamboulent brusquement. Toujours joueuse, à l’instar de « Radio Sandwich », flirtant à l’occasion d’un morceau avec l’ésotérisme, elle se nourrit d’elle-même et meurt de sa propre consomption, créant un monde en soi, enfantin et savant, ou passent des échos de chansons, de musiques de film, de jazz, avec comme un air parfois de Lewis Carroll. Le dernier mot de la dernière chanson donne le mode d’emploi : « That will speak if only one listens » (« Ça parlera si seulement on veut bien écouter »).