70 Perso - juin 2007 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 18 juin 2007

La Seine


Une petite pause ne fait pas de mal. Seulement, ce n'était pas hier, mais le dimanche d'avant, il y a huit jours. Premier tour de passe-passe. Le Vexin, à 50 km de Paris. La Seine a creusé son lit dans le calcaire. Le mot troglodytes m'évoque une chasse au trésor, un château de sable, grimper aux arbres, les champignonnières, une famille de pirates. Lorsque je me déguisais, mon père hurlait à la chienlit. C'était avant que le Général De Gaulle n'utilise le terme pour parler des émeutiers de 68. J'avais l'habitude de détourner mes jouets. Pour me déguiser, je prenais ce que je trouvais, inventant le personnage en fonction du costume. Plus tard, je suis passé par la cravate obligatoire, le manteau de fourrure en Crylor, le long imitation daim façon Il était une fois dans l'Ouest, les pantalons bariolés, les tuniques et les colliers. Boots ou sabots ? Je n'ai remis des chaussures à lacets que très tard. J'ai eu ma période noire, mon époque saharienne, j'ai refait éclaté les couleurs. La maison sur l'autre rive est à l'image de La Roche-Guyon, elle "classe" le site, bagnoles de sport et décapotables, beaucoup d'argent et autant de conventions. L'étouffement. Deuxième tour. Le troisième se jouera dans la rue. Je taille les arbres au soleil. Il se met à pleuvoir. Pas de surprise. Ça repose.

mercredi 13 juin 2007

En vrille


Il n'avait pas suffi que je me casse le dos jeudi dernier, hier soir j'ai tordu mon petit orteil en préparant le barbecue pour les sardines. Deux fois de suite, je pars en vrille. Un vice de fond ? Le point d'interrogation que je scotche avec du sparadrap m'arrive en pleine poire. Une vis déforme. Ma colonne vertébrale est en baïonnette et mon petit doigt ressemble aux petits gris que Françoise cueille dans le jardin pour les déguster à la suçarelle. On avait assez qu'ils saccagent nos plantations, on est passé à la contre-attaque. D'habitude, je heurte mon petit orteil quand vient l'été, mais cette fois j'étais en tongues et j'ai seulement effectué une rotation du pied gauche pour ramasser le bois mort dont j'avais besoin pour allumer le feu. C'est déprimant de recommencer chaque année le même tour. Prendre son mal en patience. Heureusement, j'étais déjà sous anti-inflammatoires à cause de mon sacrum. J'ai pris une dose d'arnica, j'essaye de faire comme si de rien. Tu parles ! Ça pique, ça brûle, je marche en crabe et me voilà épinglé à la maison sans pouvoir enfiler une chaussure. Je n'ai plus qu'à me concentrer sur les derniers fichiers de mon conejo et composer avec Bernard le carnaval brésilien accompagnant la danse des trente-deux jeunes filles. Danser, ce n'est pas demain la veille...

lundi 4 juin 2007

Enfin un dimanche...


Après deux jours d'enregistrement non-stop de la voix espagnole du lapin Nabaztag avec Maÿlis et Christina, j'ai besoin de m'échapper de notre joyeux, mais exténuant clapier. Il est difficile de se concentrer dans les deux langues alors que je n'en parle qu'une. J'enchaîne avec mes réponses aux dernières questions de la revue Jazzosphère et joins une demi-douzaine de photos. Enfermé depuis des jours, je m'asphyxie à jouer le chroniqueur tendre de disques frais et le maître de cérémonie en peignoir de bain. J'aurais préféré l'aiguilleur du ciel de lit ou le fils de l'air à fredonner, mais le planning n'est pas élastique. Dimanche après-midi, la coutume familiale excluant la fête des mères instituée par le Maréchal Pétain, je saisis l'invitation de ma fille Elsa de passer la voir rue de Tolbiac. Elle a fabriqué des mobiles de plumes, de gélatines découpées, de pendeloques en faux cristal et un rideau de voile en patchwork de toutes les couleurs. Elle a collé de la mosaïque en pâte de verre, posé du canisse au plafond, repeint les murs, enroulé des chapelets de fleurs en plastique autour de la chasse d'eau. Le petit deux pièces est décoré comme un cirque à la Calder, une roulotte de romanichels. Elsa recrée chez elle les strass de la piste et le vertige des cintres.


À l'heure du thé, Yann-Yvon m'épate avec son premier tiramisu, c'est à se damner. Le soir chez Quán Cây O't (c'est un nom qui ne s'invente pas, même s'il est sous-titré Le piment d'or), Elsa et moi dînons d'une salade de papaye au bœuf séché, d'une onctueuse anguille au lait de coco avec citronnelle, vermicelles et cacahouètes et de brochettes de porc accompagnées de diverses herbes et feuilles qui enchantent notre palais. C'est une découverte. En revenant à pieds dans la nuit, nous nous arrêtons pour acheter de l'huile de massage à l'arnica et du bain défatiguant au marron d'Inde. Voilà des mois que j'y pense. C'est comme le scanner de mâchoire que je repousse de semaine en semaine, n'importe quoi ! En bas de son immeuble, Elsa me pose des questions d'éthique auxquelles je ne sais pas répondre.