70 Perso - novembre 2010 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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dimanche 21 novembre 2010

Bagnolet avec vue sur la mer


Depuis que nous avions coupé le conifère qui avait rendu l'âme, je ne savais plus quoi faire au fond du jardin. La prolifération du reste de la végétation et l'absence de soleil à cet endroit empêchent les plantes d'y pousser. Anny avait suggéré de poser un grand miroir à plat sur la terre comme une mare qui réfléchirait le ciel ou encore de commander un trompe-l'œil à un peintre. J'ai toujours adoré les illusions d'optique et les murs peints au kitsch ensorceleur. Grâce à Raymond dont le carnet d'adresses ressemble au générique d'une super-production, Francis Gimgembre est entré en scène pour créer un bout de plage derrière le mur écroulé que j'avais imaginé. C'est si réussi que l'on croirait le mur en crépis de chaque côté du trou réalisé également par ses soins. Assisté par Sylvie, Francis a donné du relief aux briques, fait pousser un palmier, préparé l'embarcation qui nous emportera vers d'autres rivages en nous offrant de nouvelles perspectives. Désormais à Bagnolet nous avons vue sur la mer.

mercredi 17 novembre 2010

Optimisation de l'axe au détriment du champ


Expérience ophtalmologique, mardi 17h, rentrer chez soi avec de nouvelles lunettes, les premières à verres progressifs. Aucune chute dans les escaliers du métro, pas d'accident en traversant la rue. Remarques positives : meilleur point de loin, vue rapprochée sans changer de monture, nouveau look. Effets secondaires : champ de vision atrophiée de près, de loin, intermédiaire, il n'y a qu'en fermant les yeux que je reconnais un bout de mon univers. Détail inhérent à la presbytie : pas de détail, impossible de lire plus de quatre mots sans devoir tourner la tête, même un livre de poche doit se parcourir en trois sections verticales, tout est morcelé et doit être recomposé, impraticable, quant à l'écran de l'ordinateur mieux vaut repasser à la plume d'oie ou au stylo bille, c'est le test le moins concluant, sur petit et grand écran. En ce qui concerne l'hypermétropie le champ passe de 160° à 80° d'ouverture, les bords sont largement flous. Astigmatie ? Quand je tourne la tête j'ai l'impression d'avoir un fish-eye vissé sur le nez, les bords se déforment et tanguent sauvagement. Avantage : appétit coupé, cure d'amaigrissement en perspective. Première conclusion : conduite facilitée à condition de ne pas faire de marche arrière pour se garer et cela permet de suivre un plan en même temps que l'on conduit, mais l'attention se relâche tout de même en cas de coup de téléphone simultané. Deuxième conclusion : impossible de travailler si l'on a besoin d'embrasser une grande surface du regard. Composer de la musique (graphes, partitions, ordinateur, etc.), écrire un texte (lecture diagonale, corrections, vision poétique, etc.), choisir une image parmi plusieurs, taper sur un clavier quand on regarde ses doigts ou exécuter quelque travail nécessitant un certain recul sont à proscrire. Les verres progressifs améliorent l'axe au détriment du champ. Dès que la latéralité entre en jeu c'est l'horreur. Le panoramique permanent devient obligatoire. Peut-être est-ce bénéfique à l'arthrose cervicale ? La déception est à la hauteur de la douloureuse. Il paraît qu'il faut une semaine pour s'habituer. Rendez-vous dans huit jours.

lundi 15 novembre 2010

Le gros mégalo


Certains collègues ont cru déceler de la mégalomanie au vu des portraits de ma tronche dans la section biographique de mon site. Ils se trompent. Je n'apparais qu'une seule fois sur la pochette d'un de mes disques et mes portraits ne sont qu'un échantillon de photos libres de droits que je suggère de télécharger à quiconque me demande une photo pour m'éviter d'avoir à la choisir et à leur envoyer.
Un très bon ami m'avoue, un peu ennuyé, que certaines de ses relations me prennent donc pour un mégalo. Ce ne sont évidemment aucun de mes proches, qui me connaissent et savent faire la part des choses entre le petit gars au quotidien et l'homme public.
Il est hélas vrai que j'ai toujours besoin de me justifier (sic), défaut inhérent à mes origines musicalement autodidactes et à la nature anticonformiste de mes créations, artistiques ou culinaires. La fâcheuse tendance à l'auto-promotion fut entamée il y a fort longtemps quand il fallut bien que quelqu'un fasse le boulot, même si c'est maladroit et risque de jouer de mauvais tours. La mégalomanie est une pathologie consistant en un désir excessif de gloire, de puissance ou l'illusion qu'on les possède. Le désir de plaire est banal chez un artiste. C'est d'autant plus louche lorsque l'on choisit de créer ses propres formes, s'éloignant sciemment d'un succès facile. Affirmations ou illusions, il ne reste plus qu'à apporter les preuves de ce que l'on avance. Lorsque l'on pète plus haut que son cul il suffit de monter sur un tabouret pour rattraper l'effluve ou bien perdre la face. Vers vingt ans j'ai su que j'aurais du mal à imposer mes vues et qu'il fallait donc laisser des traces qui prouvent faits et dates. J'ai ainsi fondé le label de disques GRRR en 1975 et archivé sons, images, textes, presse, etc. en prévision des critiques et doutes qui ne manqueraient pas d'apparaître chemin faisant. Et pas qu'émanant des autres !
Que mes détracteurs ou les dubitatifs s'intéressent plus sérieusement à mon travail dont une partie est déjà accessible pour peu que l'on s'y penche. Bientôt sera gratuitement mis en ligne un nombre considérable de pièces musicales enregistrées pendant les quarante dernières années. J'en ai déjà numérisé 220 qui n'attendent que le feu vert du webmestre Jacques, soit plus de 35 heures ! Il n'y a pas que des chefs d'œuvre bien évidemment, mais toutes témoignent d'une intense activité et la profusion de mes idées. Je comprends que l'on n'y soit pas sensible et n'y vois aucun inconvénient. Heureusement plus je vieillis plus mon potentiel de crédibilité augmente. La route est encore longue. Lorsque j'essayai de convaincre ma propre fille en étalant la presse dithyrambique et la liste des prix qui me furent décernés, elle me répondit gentiment que j'avais dû les droguer ! Y voir d'autre part l'expression d'une revanche est tout à fait correct. J'en ai bavé des ronds de chapeau, particulièrement à mes débuts. Je ne peux m'empêcher de penser aux individus qui m'ont conseillé d'exercer un autre métier alors qu'eux l'ont quitté il y a belles lurettes ni aux succès que j'ai remportés à ma néanmoins très grande surprise.
Pour donner du grain à moudre aux médisants ou aux jaloux je conseille le billet Orgueil que j'eus la faiblesse d'écrire un jour de colère. Avoir la grosse tête en la gardant froide me paraît plus dynamique et encourageant que de flipper dans son coin comme un rat mort :


J'ai choisi. Si j'avance quelque vantardise qui vous paraît exagérée, n'hésitez pas à me la signaler. Je promets de répondre à toute allégation sérieuse en apportant des preuves ou en me confondant en excuses pour rétablir la vérité, s'il en est une seule et unique, ce dont je doute évidemment. Tenir un journal quotidien sans faillir malgré des variations d'humeur et un emploi du temps souvent délirant, y raconter sa vie, produire une œuvre multiforme, publier des réflexions sur toutes sortes de choses exposent forcément à la critique. C'est bien fait pour moi, je l'ai cherchée. Elle m'a toujours fait progresser, mais certains billets, comme celui-ci, me dépriment de les avoir écrits.

dimanche 14 novembre 2010

La femme est le prolétaire de l'homme


En 1975, assistant de Charles Bitsch pour un disque 33 tours 30cm édité par le Parti Communiste Français commémorant l'année de la femme, je fus confirmé dans mes convictions lorsque le Comité Central nous refusa la phrase d'Engels, "la femme est le prolétaire de l'homme". On nous répondit que c'était trop dur. Ont-ils imaginé que les hommes ne sauraient voir la vérité en face ? Un peu comme La mémoire meurtrie, le film sur les camps de Brian Blake et Lord Sidney Bernstein dont Alfred Hitchcock avait été le conseiller technique et qui fut censuré jusqu'en 1985 de peur que l'Allemagne ne s'en relève pas ? On ne pouvait pourtant être plus clair.
Pour avoir toujours vécu avec des féministes, je note pourtant que le machisme est partout inscrit dans nos us et coutumes, et dans nos réflexes. Que nous échangions les rôles dans nos activités quotidiennes, certains gestes restent ceux des femmes ou des hommes. Pouvons-nous prétendre qu'il n'existe pas d'attribution dévolue culturellement aux unes ou aux autres ? Passez simplement en revue les tâches ménagères dans votre propre maison. La parité qui veut forcer les usages par la loi est aussi absurde que tous les quotas. Peut-être est-ce un passage, mais en l'état elle pousse les femmes à emprunter les pires attributs de la masculinité. Seule la ségrégation et la condescendance sont condamnables. La galanterie en est le comble.
Nous ne fonctionnons pas de manière identique. L'orgasme mâle n'est déjà pas celui de la femelle. Nos désirs ne peuvent se confondre. Homme ou femme responsables, notre prise de conscience avance le volontarisme contre la culpabilité, mais comment vivre une utopie dans un carcan ? Si l'on ne peut nier les différences entre les hommes, entre les hommes et les femmes non plus, il s'agira de les valoriser, les honorer et prendre en exemple le meilleur de chacun et chacune (individuellement) plutôt que de jouer la rivalité.
Quant aux Gentils coquelicots, mesdames, joliment collés par Adelaide dans sa salle de bain, qui m'inspirent ce billet trop sommaire, ils sont plus rouges que les paroles de la chanson idiote qui clame "que les hommes ne valent rien, et les garçons encore bien moins ! Des dames, il ne me dit rien, mais des d'moiselles beaucoup de bien". Le machisme se cache dans tout ce qui fait la différence sans en interroger le sens.

vendredi 5 novembre 2010

58 ans


Si je tiens le coup, je lorgne donc sur la soixantaine, une hallucination ! Je ne serai pas là ce soir pour fêter mes 58 ans puisqu'Antoine et moi serons à Augsburg aujourd'hui et demain avec le clapier enfin libéré par les douanes allemandes après quinze jours de péripéties abracadabrantes depuis leur départ de Norvège. Pensez, plus de cent lapins farcis chacun d'un ordinateur dans trois malles de cinquante kilos chacune, il y a de quoi faire sauter tout l'aéroport, à la poêle s'entend, car les rythmes de notre opéra ne sont pas compatibles avec un dance floor ! À notre tour nous avons failli être bloqués, mais les pilotes et le personnel navigant ont eu gain de cause contre les mesures gouvernementales. Reste tout de même à croiser les oreilles pour arriver à temps. Que les grèves perdurent est une bonne nouvelle, moins marrante quand elles nous bloquent. C'est pourquoi j'ai suggéré que l'on imagine des modes de revendication qui fassent plier le patronat tout en entraînant une large adhésion populaire...
J'ai déjà évoqué le rituel familial de mes anniversaires et l'accumulation des ans comme une sorte de mille feuilles, aussi me pencherai-je seulement vers la caméra intégrée à mon appendice informatique. Encore deux mois avant de débrancher pour quatre semaines. C'est décidé. Les billets sont pris. Plus moyen de revenir en arrière. Nous nous envolerons pour la Thaïlande, cette fois au sud, et le Cambodge. J'ai l'impression que j'y croirai véritablement que lorsque j'aurai posé ma valise. Façon de parler. J'espère n'emporter que le strict minimum qui inclut tout de même un appareil-photo, un petit magnétophone, un carnet, un masque et un tuba. Mais d'ici là, la to-do list est longue.
Je ne sais pas très bien où j'en suis, car mes interlocuteurs font la sourde oreille. Ennuyeux pour traiter avec un musicien ! En attendant, je travaille à mon nouveau disque et j'écris beaucoup. Hier, en fouillant dans les archives, j'ai été pris d'angoisse devant la masse d'œuvres que j'ai oubliées et que j'ai décidé d'écouter en prévision de la station aléatoire Radio Drame sur mon site actualisé. À quoi sert d'avoir accumulé tout cela si je n'en fais rien ? Nombreux titres ne m'évoquent aucun souvenir. Si en cinq ans j'ai rédigé près de 2000 articles ici et ailleurs, si mon catalogue musical depuis mes débuts en compte environ la moitié, la partie immergée de l'iceberg a de quoi me glacer les sangs. Plutôt que de conserver tout ce travail à l'abri de la lumière, il est plus cohérent de le mettre en circulation. Partitions de films, créations en public, improvisations, musique de scène, commandes pour orchestres, émissions de radio, contributions discographiques à des compilations, sonorisation d'expositions, chansons, indicatifs, jeux d'écoute... Cette somme n'est pas sans rapport avec l'argument de mon prochain album !
Et puis, Nabaz'mob sera exposé à Lille la première quinzaine de décembre. 2025 ex machina sera lancé incessamment sous peu. Je dois bientôt faire une conférence sur le design sonore à Créapole. Les finitions du nouveau DVD de Françoise m'accaparent considérablement... Brigitte dirait que je révise. À 58 ans on a commencé à numéroter ses abattis depuis belles lurettes.