70 Perso - août 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mardi 30 août 2011

Avant, dans une autre vie


"Tout" garder finit par porter ses fruits. Comme j'avais besoin de retrouver les diapositives de mon voyage aux USA en 1968 pour mon prochain roman j'ai gravi l'échelle jusqu'au grenier et commencé à trier les boîtes poussiéreuses dont certaines n'avaient pas été ouvertes depuis les années 60 ! La récolte s'est avérée fructueuse même si mes qualités de photographe étaient d'un niveau si déplorable que la plupart sont d'une superficialité confondante et d'un ennui profond. On souhaiterait des frimousses quand se succèdent des bâtiments, des paysages... Les plans d'ensemble étouffent les gros plans. Je me souviens que je sonorisais mes montages et les faisais subir à la famille comme il se doit. Lorsque l'on me propose aujourd'hui ce genre d'exercice le spectre de devoir m'y confronter me glace d'effroi. En fouillant je suis tout de même tombé sur des pépites comme mon premier concert au Lycée Claude Bernard, un autre avec Dagon à la Fac Dauphine, des portraits de mes camarades de classe pris en cachette du prof de français et une flopée de souvenirs totalement oubliés de 1965 à 1970. S'il m'apparaît de plus en plus clair que nous réinventons le passé à force de ressasser les mêmes histoires, qu'en est-il des souvenirs qui se révèlent sans que l'on n'ait le moindre soupçon de leur existence ? Tirer sur les fils où ils sont accrochés permet-il qu'ils se déroulent et livrent leurs secrets ? Mes autoportraits d'alors, aux poses contrôlées, en disent long sur mes projets et mon caractère. Je découvre aussi ma famille dans des situations cocasses et les disparus rajeunissent d'un coup de baguette magique. Je commence à scanner les diapos les plus significatives, mais c'est effroyablement long.

jeudi 25 août 2011

Les grands retours


À suivre...

mercredi 24 août 2011

Conjugaison


Au gré de nos pérégrinations je cherche du réseau pour pouvoir continuer à émettre. Ces derniers jours, le satellite m'a permis de le faire pendant les rares minutes fournies par l'énergie solaire.
À la rentrée je ne pourrai peut-être pas continuer à publier chaque matin un article comme je le fais depuis cinq ans. Depuis le début de l'année, j'ai déjà fait sauter les week-ends. C'est très prenant et je me suis trop longtemps astreint à des formes courtes qui n'autorisent ni les ratures ni la maturation. J'hésite à écrire des chansons ou à repartir sur une longue histoire. Ces semaines de vacances dans le sud de la France devraient laisser l'évidence s'imposer d'elle-même.
Ayant commencé à rédiger mon premier roman à partir de photographies que j'avais déjà prises j'hésite à m'en servir pour le blog ou à les garder sous le coude pour mon prochain opus. Mais à quoi ressemblera-t-il ? Nouveau récit de fiction ou narration de mon voyage initiatique aux USA en 1968 ? Conjuguer les deux est séduisant, mais j'ai l'impression que la fictionnalisation de l'aventure vécue la rendrait incroyable (j'ai toujours à l'esprit l'exergue de Cocteau pour son histoire féline extraite du Journal d'un inconnu : "ne pas être admiré, être cru", dont le Drame fit d'ailleurs une pièce pour orchestre publiée sur le vinyle Les bons contes font les bons amis en 1983). Pour attester de son authenticité la narration devrait obligatoirement être rédigée à la première personne (du singulier ou du pluriel ?), me rapprochant trop du style du blog. Encore faudrait-il que je retrouve les diapositives du voyage avec ma petite sœur qui sont disséminées quelque part au grenier dans les archives. Agnès avait de son côté tenu un journal qui raconte une expérience fort différente de la mienne ; j'aurais besoin qu'elle m'en fasse copie. À quinze et treize ans nous avions parcouru les États Unis pendant près de trois mois, totalement indépendants, à une époque clef du XXème siècle. Nos rencontres ayant été à la hauteur de la réputation de l'époque notre périple avait tourné à l'odyssée.
Après tout, la forme du blog pourrait se prêter à ses étapes successives, comme les chapitres d'un livre, les épisodes d'une nouvelle série…

jeudi 18 août 2011

Good for nothing


Je connaissais évidemment la traduction de cette expression que mon père prononçait avec "a typical Oxonian accent", l'accent d'Oxford, mais pourquoi m'appelait-il ainsi ? Peut-être n'étais-je pas très com-plaisant (la césure est de lui) pour débarrasser après les repas ? Mes résultats scolaires plus que rassurants n'impliquaient pas nécessairement d'application pratique. Peut-être n'en fichais-je pas une rame à la maison ? Je rechignais à ses injonctions alors qu'il avait le cul vissé sur sa chaise et que ma mère faisait tout le boulot.
Ma sœur a toujours été plus serviable. Encore aujourd'hui elle s'occupe régulièrement de notre mère alors que je la vois uniquement pour les grandes occasions. Elles s'engueulent aussi copieusement et ma sœur la traite comme du poisson pourri, mais elle l'accompagne faire ses courses chaque semaine et je crois (ou crains) que la coup de fil à sa maman soit un de ses premiers gestes du matin. Mes conversations téléphoniques avec ma mère sont plus serins que les échanges in vivo. Je peux raccrocher facilement si je sens que cela tourne au vinaigre. Myco come mycoacétyque, le champignon du vinaigre, était son surnom lorsqu'elle était adolescente aux Petites Ailes. Il m'aura fallu atteindre cinquante ans pour comprendre que je n'étais misanthrope que pour lui plaire et que ce n'étais pas du tout mon caractère. La section du cordon est plus tardive que beaucoup ne le croient, cet instant décisif où l'on saisit que l'on est soi et pas ce que nos parents attendaient de nous. J'ai déjà évoqué ma mère et mon père, l'amour pour leurs deux enfants et notre attachement, mais il y a plusieurs manières de vieillir. Mon père n'a pas eu le temps d'être grand-père, ma mère n'a jamais joué son rôle de grand-mère. Son complexe d'infériorité a développé un narcissisme agressif qui a rendu avec l'âge les conversations difficiles dès qu'elles abordent des sujets ayant trait au passé ou à la politique en général. Il y a longtemps que ma mère ne m'entend plus. Ma fille en a souffert. J'ai essayé d'aborder l'histoire de notre famille, l'origine des névroses, mais ma mère pense que cela n'a aucun intérêt. Elle réécrit à sa façon la vie de mon père. Je le comprends. Nos souvenirs sont systématiquement arrangés au fur et à mesure que nous les sollicitons. J'essaie de me rappeler…
Good for nothing ! Le bon à rien est devenu un touche à tout. Ce que je n'ai pas su transmettre à mes parents, je tente de le donner à d'autres, à mes amis, en conférence… Être utile procure des satisfactions qui donnent sens à une vie. Je perpétue la B.A. des louveteaux, la "bonne action" apprise aux Éclaireurs de France, organisation scout laïque à laquelle j'appartins de 8 à 11 ans et qui me fit grandir vitesse V. C'est incroyable ce que j'en retirai et qui me sert quotidiennement. Pourquoi n'apprend-on pas à l'école des rudiments d'électricité, de plomberie, de couture, de bricolage, toutes les choses pratiques auxquelles nous serons plus tard confrontés. L'informatique est passée dans les mœurs, mais je suis surpris à quel point nous sommes handicapés lorsque nous tombons en panne d'automobile, de chauffe-eau, ou lorsqu'il s'agit de faire la cuisine. Du moins pour la plupart. Je regrette aussi les cours d'instruction civique qui donnent un sens à notre citoyenneté. On me raconte qu'il n'existe plus de "plein air", cette demi-journée d'exercice physique que je n'affectais d'ailleurs pas outre mesure, complémentaire des cours de gymnastique. Il y avait la musique et le dessin, mais en retirait-on les moyens d'avoir plus tard accès à la culture ? De toute ma scolarité je n'ai lu aucun livre, me cantonnant aux extraits publiés dans le Lagarde & Michard. Rédactions et dissertations m'auront tout de même appris à écrire, les maths m'auront donné un esprit synthétique et logique, Monsieur Marnay le goût des langues étrangères… J'ai pourtant l'impression de n'avoir pas appris grand chose à l'école. Ce que sont la discipline et la rébellion plus certainement. Mais au delà de cette critique facile mon éducation scolaire m'aura permis d'acquérir plus tard les connaissances que je désirai vraiment, un peu comme mes parents dessinèrent le cadre que je remplirai plus tard à mon gré. Face à des propositions fortes mais ouvertes notre indépendance peut se développer en connaissance de cause, et notre existence trouve son sens lorsque nous apprenons à nous détacher et des uns et des autres.
N'empêche qu'aujourd'hui, question récurrente, je ne sais pas ce que je vais devenir. Les vacances servent à y réfléchir. Continuerai-je sur la voie de l'écriture ? Un second roman (le premier paraîtra fin août chez publie.net) ? Des chansons (comme jadis avec Kind Lieder, Carton ou pour Elsa) ? Vais-je lever un peu le pied du blog pour avoir plus de temps pour m'y consacrer ? J'aimerais réécrire L'astre en feuilleton cinématographique pour le Web, enregistrer quelques albums de musique qui me tiennent à cœur mais dont les conditions de production et de diffusion me freinent encore, imaginer un spectacle qui fasse suite à Nabaz'mob (l'opéra de lapins qui repartira en tournée dès septembre), composer plus souvent pour le cinéma, remonter sur scène… Ou tout autre chose parce que j'ai un besoin viscéral de faire ce que je ne sais pas faire et qui ne se fait pas. Histoire de contredire mon père ?

mardi 16 août 2011

D'un zodiaque à l'autre


Du dragon au scorpion il n'y a qu'un pas. Comme l'autoroute qui mène de Marseille à Nîmes. Ou du tape-cul nautique à la campagne languedocienne. Scotch avait su s'arranger des deux nouveaux chiens, des trois chevaux, des deux chattes dont l'une est la mère de Snow et l'autre la sœur de Scat, deux de mes ex-compagnons, mais Françoise ne trouva pas du tout à son goût le scorpion campant dans l'entrée à la nuit tombée. L'écrabouiller me crevait le cœur, comme un suicide collectif de ma propre espèce. La présence du bébé de Mathilde et des mammifères domestiques (canins) et domesticants (félins) me forçait à obtempérer. Le second euscorpius flavicaudis qui perchait au-dessus de notre lit dut subir le même sort à mon corps défendant. C'est la première fois que je vois cet animal quasi mythique (cf. ci-dessous la scène du bal masqué d'Arkadin d'Orson Welles) en France bien qu'il y en ait pas mal dans le sud.


Pendant des années j'ai conservé dans un tiroir le sérum emporté dans le désert marocain, périmé depuis belles lurettes. Comme un rempart à ma folie ou à mes mauvais penchants. But I can't help it: it's my character! On raconte tant de bêtises sur les tenants de ce signe que je me méfiais de moi-même, même si je me suis toujours bien entendu avec les natifs de novembre... Je possédais également un impressionnant spécimen inclus dans un cendrier de verre. Un jour à Marrakech un homme jouait avec l'un d'eux dans sa main. Il l'endormit dans sa paume, la rouvrit, le scorpion ne moufetait pas. Il souffla sur la bête qui se redressa d'un bond. Cette volte-face m'inspira plus d'une fois.