Il fait nuit. Les lampadaires éclairent le parvis d'une lumière orange. Partis assister à un spectacle dont je suis censé avoir composé la musique nous traversons l'immense parking qui longe le bâtiment moderne qui abrite la scène nationale. Ma fille et moi grimpons les escaliers roulants qui rappellent ceux de l'Opéra de Saint-Étienne. La salle est pleine à craquer. Je rejoins donc la cabine du projectionniste où notre client est dans tous ses états. Il m'explique que la musique du spectacle que Sacha a enregistrée en mon absence est parfaite, mais qu'il y a un problème avec celle qui accompagne le livre, c'est un CD glissé sous un revers de la couverture. Je n'ai pu réellement travailler au projet, accaparé par la fin de celui pour Orange. Je descends dans la salle discuter avec Sacha qui a raisonnablement fait sa part. Notre client tente de m'expliquer ce qu'il veut, une musique printanière, légère, charmante. Je comprends qu'il cherche tout simplement quelque chose du genre des Quatre Saisons de Vivaldi, c'est une tarte à la crème mille fois utilisée. En prononçant ces mots j'entends soudain dans ma tête une musique inouïe qui s'en inspire. Tout y est, la structure et l'instrumentation, les mélodies et l'harmonie renversante qui leur sied. Rien n'a jamais été aussi précis au commencement d'un travail. Je me réveille et je me souviens de tout, même de la musique dans ses moindres détails. Seul bémol, mon client est virtuel et je ne vois aucune raison de l'enregistrer sans une commande réelle ! Tout est si présent que j'ai du mal à me persuader que je rêve. Tout se dissipe d'habitude au réveil. C'était il y a trois jours, mais je continue d'entendre cette musique dont le processus compositionnel ressemble fort à une partition que j'ai écrite il y a quelques années pour un théâtre de marionnettes conçu par Raymond pour La Cité des Sciences. Faut-il considérer ce rêve comme un signe et m'y coller ? Ou renvoyer ces élucubrations dans les limbes, en attendant une opportunité, maintenant que la méthode est validée par les fantômes de la nuit.
Au fur et à mesure que je décris cette aventure se dévoilent des éléments de la veille. Cette fois le sens caché m'importe peu. Du moins dans un premier temps. La méthode de composition évoquée me poursuit et je sens que je vais devoir m'y plonger pour m'en débarrasser ! D'autant que, depuis, je commence à entendre des voix...
Là-dessus Étienne m'annonce qu'il finalise les Petits Fantômes, Tiemo émerge des profondeurs d'un métro qui n'existe pas encore, Olivier et Gila convoquent l'Arlésienne et Claire m'entraîne dans un nouveau donjon... La même journée ! On dit que la nuit porte conseil. Alors, je me rendors.