Onze ans de blog quotidien. Je crains de ressasser, de m'égocentrer, de reproduire une pâle copie du réel dans le monde virtuel. Tourner en rond. Alors je chronique. La musique, les films, des expos, des spectacles, mes lectures... Mais se faisant, l'intimité réservée du journal extime se dilue dans une actualité à laquelle j'avais espéré échapper. Où est la sortie ? Lorsque j'évoque mes proches, ma famille, mes amis, les gens avec qui je travaille, je dois faire attention de ne rien dévoiler qui m'ait été confié, le cercle se referme comme un droit à l'image, croche-pattes encourageant la fiction au détriment du document. L'audience s'étant élargie, je suis moins libre de mes confidences, une seconde peau a poussé sur la première sans que je puisse l'empêcher. C'est devenu solide. La fragilité s'est dissoute dans les reflets du miroir où se réfléchissent les évènements extérieurs. Je ne me regarde plus. L'acupunctrice chinoise me le reproche. La peau est moins élastique. Les rides me font moins peur que le gras. On n'y voit pas seulement l'avenir, le passé refait surface. Mon père. Mon grand-père que je n'ai pas connu. Des fantômes encore plus anciens. J'avais décidé de mettre chaque jour des éléments personnels dans l'universel et réciproquement, mais je ne m'y suis pas toujours tenu. Me serais-je oublié ? Rires. C'est pourtant mon impression. J'évoque celles et ceux que les professionnels de la profession négligent. Travail d'investigation chronophage, mais tellement enrichissant. J'ai récemment décidé de m'atteler à un travail que j'avais laissé de côté, un truc perso qui rayonne, manière de joindre les deux bouts. La dialectique m'est vitale. Bouger. J'irai voir ailleurs si j'y suis. Période charnière. Il faut bien se perdre pour se retrouver. Trois mille deux cents articles. En onze ans le Net a tellement changé. L'encyclopédie est devenue une pieuvre étouffante qui a réponse à tout. Nécessité de s'extérioriser ! À moins que cette dérive journalistique me soit imposée par le secret de ce qui est en cours et que je ne puis dévoiler avant terme ? J'ai toujours prétendu que les articles parlent avant tout de leurs auteurs, plutôt que ce dont ils traitent. Aurais-je donc peur de me perdre ? Ou bien vous savez lire entre les lignes et je me fais juste peur parce que le doute est le meilleur des carburants ? J'ai beau varier les angles, je tourne en rond. Faut-il tout détruire pour pouvoir reconstruire ?