En reprenant son lit naturel, la rivière a provoqué un glissement de terrain, emportant tout sur son passage. Le torrent de boue a vrillé le passé tant qu’il ne reste qu’un château de cartes écroulé sur lui-même. Là c’est plat, avec des grumeaux qui suggèrent une souffrance. Ailleurs la crevasse a empêché les sauveteurs d’installer un pont, même provisoire. Je ne reconnais plus le paysage. Pendant quinze ans le beau temps s’est moqué de la météo, qu’il pleuve ou qu’il vente, qu’il grêle ou qu’il neige, que la canicule nous assaille ou que la chaudière tombe en panne. À l’annonce du tournant le ciel s’est voilé, la face a masqué, la pile a perdu son jus. J'étais heureux. Je sentais évidemment les problèmes que l'on assimilera plus tard aux signes avant-coureurs. On dit toujours cela après l'orage. Au bout de quelques mois de ce régime qui n'avait rien de mûr, la terre s'est soulevée. Nous avons été recouverts de merde à n'en plus respirer. Pendant trente jours j'ai suffoqué sans savoir que faire, attendant un signe qui n'est jamais venu. [En français, Ace in the Hole de Billy Wilder est traduit Le gouffre aux chimères. J'aurais préféré The Fountainhead de King Vidor, traduit Le rebelle. La passion à l'état pur.] Il y a un décalage entre la réalité et la fiction, entre la situation et les suppositions. Les analogies sont poétiques. Comme des plans sur la comète. Depuis que j'en ai fait mon deuil, l'horizon se dégage doucement. Pourtant si sombre qu'on y voit goutte. Goutte à goutte qui nourrit l'espoir du réveil. Dans l'immédiat on quadrille la feuille de route avec d'humbles petites lignes, fines, bien rangées, qui plongent tout de même dans l'encre de la nuit. Et l'on rêve d'un ailleurs... D'un jour... D'une autre fois...