70 Pratique - mai 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 27 mai 2008

Pensées circonflexes


Hier matin, il faisait encore assez beau pour monter sur le toit et tuber le conduit de la cheminée. Il paraît que cela devrait réduire notre consommation de fuel dont le prix vient d'ailleurs de dépasser 1 euro le litre. Ça grimpe, ça grimpe. Voilà des années qu'on nous le dit, mais personne ne croyait vraiment à la pénurie, et personne ne croit non plus à ce qui se prépare comme à la réalité cynique, honteuse et mensongère qui a poussé les Américains à envahir l'Afghanistan et l'Irak, à faire ami ami avec l'Arabie Saoudite et maintenant à lorgner sur l'Iran ou le Vénézuela, sans compter les tentatives de déstabilisation de la Chine via le Tibet new age fantasmé par les Occidentaux en mal de gourou. Ne pas croire que les Russes ou les Français soient en reste sur le sujet... À y regarder de près, on risque de prendre le globe pour une toupie. Le pétrole grimpe et nous avec. Aux rideaux, citoyens ! Faites en des drapeaux de toutes les couleurs pour escalader les barricades... J'adore la vue du toit. Il n'y a rien de mieux que de changer d'angle, avec ses yeux ou à l'intérieur du crâne. La lecture de Žižek (Bienvenue dans le désert du réel) me porterait-elle sur le ciboulot ? Il a une façon formidable de retourner les évidences comme une chaussette. La philosophie et la psychanalyse seraient-elles la poésie mise à l'épreuve de la pratique ?
Comme on faisait des pointes sur les tuiles, on en a profité pour dégager le lierre mort qui avait colonisé la gouttière, mais, surtout, j'ai ramassé la vieille antenne télé en râteau dont la rouille avait sectionné le mât. Pas étonnant que la réception hertzienne se soit détériorée ! Crâne, antenne en râteau, mât, faut-il que les mots soient en haut pour porter des chapeaux circonflexes ? Je suis aussi descendu dans l'abîme recevoir la suie dans la figure lorsqu'apparut le tuyau en aluminium au-dessus de la chaudière. C'est justement pour l'éviter qu'on tube. Françoise passe et repasse le disque de Bernard. Du toit, on voit la cheminée de la voisine d'en bas qui n'a pas de chapeau, elle chauffe la pluie qui dégringole dedans, parce que depuis, ça tombe dru.
Le soir, nous avons démonté la porte arrière du garage. J'avais imaginé rentrer des voitures dans ce qu'est devenu le jardin. J'ai préféré les arbres aux automobiles. Certaines n'apprécient pas les platanes, d'autres si. Un érable est en train de prendre. Derrière la porte jaune, il y a de grandes fleurs de pavot orange et des fuchsias qui grimpent le long du mur du voisin. Tout grimpe, sauf les salaires. L'idée de Françoise est de remplacer cette porte pivotante (qu'elle a mise en vente sur eBay) par un mur et une porte vitrée qu'Hélène avait aperçue abandonnée sur un trottoir près de la Place des Fêtes. Du côté extérieur de la future cloison on pourra mettre le bois de chauffage à l'abri et à l'intérieur on construira des étagères pour accumuler encore plus de cochonneries. Les trier une fois de temps en temps, c'est aussi de la poésie. C'est dommage qu'elles encombrent le reste du temps. On ne fait de la place que pour pouvoir l'occuper. Ça me scie. J'aime les grands espaces. J'imagine le ciel à l'envers comme un océan de moutons noirs. Cette menace a du bon !

mardi 20 mai 2008

Est-ce Velib' en billevesée ?


Nous n'avions pas imaginé que le nouveau système de transport parisien allait nous faire tant marcher... Mais commençons par le commencement. Après avoir testé l'engin avec la carte bleue, nous avons décidé qu'il serait plus simple de prendre un abonnement à l'année. Il suffit donc de glisser sa carte Velib' ou son Pass Navigo sur la borne et le tour est joué ! Pour 29 euros, nous pouvons ainsi emprunter une bicyclette et la rendre moins de trente minutes plus tard sans que cela nous coûte un centime de plus. Si nous risquons de dépasser la demie heure, nous cliquons le vélo sur une borne et nous le reprenons illico, passé quelques secondes. Même si nous voyageons le plus souvent avec nos propres engins, il est pratique de faire des sauts de puces à Vélib' aussitôt que nous nous promenons à pieds. Il n'y a pas trop d'hésitation à avoir, surtout qu'un ticket de métro à l'unité revient à plus d'un euro, une somme franchement prohibitive. Le seul problème est la disponibilité des deux roues aussitôt que l'on habite sur les hauteurs.
Ce jour-là, Françoise avait décidé de descendre en empruntant un Vélib' à la Porte de Ménilmontant. Il en restait, mais l'un avait le pneu arrière à plat et l'autre avait une roue qui ressemblait à un anneau de Möbius. Malgré ses chaussures à petits talons, elle prit son courage à deux mains comme on se saisit d'un guidon de montagne et décida de filer jusqu'à la station suivante qui n'était pas mieux garnie. Les cyclistes les prennent en haut la matin, mais les laissent le plus souvent en bas. Les services d'entretien ne regarnissent pas suffisamment ces stations désertées et particulièrement celles qui sont bien excentrées. Par contre, dans le Centre il devient difficile de trouver une place libre pour parquer son engin. À la sixième station où elle fait chou blanc, Françoise décide de prendre l'autobus, mais elle a déjà marché de la Porte des Lilas jusqu'au Père Lachaise ! C'est une bonne idée, d'autant qu'il se met à tomber illico des hallebardes. Arrivée au terminus du 61, elle glisse enfin sa carte sur une borne où les véhicules sont alignés comme des petits soldats, mais l'indicateur persiste à rester rouge. Elle appelle donc sur son portable le service responsable qui lui apprend qu'elle a bien rendu son Vélib' de la veille, mais qu'elle ne l'a pas cliqué convenablement !? La nuance peut sembler absurde. Il est rendu ou il ne l'est pas. Précisons que le préposé lui demande le numéro de la borne du vélo en plus de l'adresse de la station, ainsi que le numéro de son abonnement qui n'a pas été reporté sur sa carte Navigo. Elle devra attendre 24 heures avant le droit de réutiliser le système ! Le reste du parcours se fera donc encore à pieds. On lui promet que, comme c'est la première fois, elle ne sera pas sanctionnée financièrement.
Moralité : abonnez-vous, c'est beaucoup plus simple, gardez votre numéro d'abonné avec vous, déménagez dans le fond de la vallée ou levez-vous très tôt le matin, ayez de bonnes chaussures de marche, vérifiez l'état d'un vélo avant de l'emprunter, attendez bien que le voyant repasse au vert lorsque vous le rendez, j'en oublie certainement que mes lecteurs sauront compléter. Pendant ce temps, le mien s'excite à tourner tout seul sur place. J'avais bien annoncé en titrant que ce n'était qu'une histoire de sornette de vélo !