70 Pratique - janvier 2010 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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dimanche 17 janvier 2010

Escroquerie à l'achat


Deux couples de mes amis l'ont échappé belle. Les uns et les autres avaient un urgent besoin de vendre leur maison. Petites annonces, visites, attente, inquiétude, et puis enfin, grand soulagement, un acquéreur se présente, dans les deux cas un couple dans la soixantaine. Les choses se présentent bien, l'acheteur est emballé et il a les moyens de payer comptant. Comme l'affaire est sur le point d'être conclue, il demande à profiter de la maison avant la signature. Il y a en général un délai de deux mois avant de passer chez le notaire. Dans le premier cas, le couple d'acquéreurs demande les clefs pour réaliser quelques métrés en vue des prochains travaux ; dans le second, il souhaite louer la maison d'ici là pour s'installer au plus vite. Mes amis se méfient. Les premiers refusent. Les futurs propriétaires s'évanouissent dans la nature. Quelle arnaque se cachait derrière l'opération ? Le champ est ouvert aux spéculations. Squat, utilisation d'une maison "neutre" pour un coup d'envergure n'ayant aucun rapport avec la vente, nous ne le saurons jamais. Le notaire des seconds les met en garde lorsque le couple d'acquéreurs, de vagues amis, demande à louer la grande maison pour une somme symbolique en attendant la conclusion. Les petits malins ont déjà commis l'entourloupe, un bail est signé pour 500 euros mensuels, mais jamais la vente ne sera effective. Ils ont pu ainsi rester vingt ans pour un loyer dérisoire et comptaient réitérer l'opération sur le dos de mes amis. Lorsque ceux-ci, comprenant que ces locataires seront ensuite indélogeables, refusent poliment une entrée dans les lieux avant signature définitive, le couple d'escrocs se fâche, invoque l'amitié trahie et claque la porte de la maison de leurs rêves ! Si les vendeurs de la première histoire se retrouvent désemparés face à l'énigme de la disparition absolue de leurs acheteurs, les seconds qui avaient tout autant vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué se sentent soulagés d'avoir évité le pire. La similitude des deux arnaques laissent suspecter une escroquerie dans l'air du temps, à moins que ce ne soit un vieux truc dont je n'ai pris connaissance que récemment.
Nous avons tous été un jour ou l'autre victimes d'un escroc. Lorsque l'on est jeune, on apprend à ses dépens à être méfiant et à ne pas mélanger la sympathie qu'inspire certains individus avec le sérieux qu'exige une transaction. J'avais 25 ans lorsque j'ai acheté un piano qui n'existait pas. Ayant passé une petite annonce dans le journal Libération pour trouver un piano pas cher, je suis réveillé un matin par le coup de fil d'un convoyeur de pianos pour le Moyen-Orient qui m'explique qu'au retour il lui reste un piano droit neuf au cas où il y aurait de la casse pendant le voyage. La somme est importante pour moi, mais le prix global est dérisoire en regard d'un piano neuf. Je dois agir très vite pour lui remettre mille francs afin qu'il puisse dédouaner l'instrument. Nous prenons rendez-vous le matin même et je l'accompagne en voiture jusqu'à la Gare de Lyon où je le vois entrer aux Douanes, mais n'en ressortira évidemment jamais. Je l'attendrai trois heures en vain sur le quai en plein vent, ne rentrant chez moi qu'avec une grippe carabinée et une bonne leçon. La naïveté est si touchante !

mercredi 6 janvier 2010

Ronronnement


Passons du bourdonnement au ronronnement. Suite à mon billet de lundi, j'ai reçu plusieurs témoignages d'amis des chats, surtout lorsque "leurs" félins ont des comportements proches de ceux de Scotch. Pourtant, aucun minet n'est pareil, même s'ils ont de nombreux points communs. D'ailleurs, pourquoi serait-ce différent pour toutes les espèces qui peuplent la planète ? Abeilles, moutons, perroquets ou poissons rouges, il suffit de s'en approcher, de les fréquenter suffisamment longtemps pour commencer à entrevoir leurs différences et leurs similitudes. Les questions affluent alors et les énigmes s'accumulent, souvent moins banales que celles de leurs lointains cousins dont nous faisons partie. Chez les chats, le ronronnement n'a rien à voir avec leur caractère et Daniel Bricard me signale un passionnant article d'Effervesciences sur le sujet, surtout, précise-t-il, si l'on est musicien ! À l'issue de l'édifiante lecture, j'ai trouvé croquignolet la mise en vente d'un CD de "Rouky musicien" par l'auteur-vétérinaire, censé vous permettre de vous relaxer et de vous aider à vous endormir. Il est recommandé de le diffuser doucement, plutôt avec des écouteurs ! Je me vois mal passer ma nuit avec un casque sur la tête, mais les fils qui pendent amuseront peut-être le chat qui se chargera de m'en débarrasser...
En reproduisant la carte postale offerte récemment à l'une de mes nièces pour une invitation chez Koba, le restaurant de sushis le plus généreux de Paris, à s'en faire claquer la sous-ventrière, je dois résister à l'envie de vous lire les quatre pages D'une histoire féline que Jean Cocteau relate dans son Journal d'un inconnu. Le mystère des chats n'a jamais été aussi bien exprimé que par le poète. J'ai souvent cité son exergue qui donna le titre à une œuvre pour grand orchestre du Drame de 1982, Ne pas être admiré. Être cru. Les premières lignes, très orsonwellesiennes, expliquent pourquoi ici je ne puis : " L'histoire féline racontée par Keats n'a jamais été transcrite que je sache. Elle voyage de bouche en bouche, et se déforme en route. Il en existe plusieurs versions, mais son atmosphère reste une. Atmosphère si subtile que je me demande si ce n'est pas la raison pour laquelle cette histoire s'accommode mieux de la parole et de ses pauses, que de la plume qui se hâte. "