70 Pratique - octobre 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 17 octobre 2011

Le saucisson


J'en ai repris trois tranches, mais les mots ne sont pas venus. Comment exprimer l'émotion gustative ressentie en savourant le saucisson acheté sur le marché de Florac cet été ? S'il en reste assez pour la photo aujourd'hui c'est bien que je le mange avec la plus grande parcimonie, comme la relique d'un temps révolu que l'on voudrait durer toujours.
Trois tranches, ce n'est pas raisonnable lorsque l'on souhaite maigrir. Trois tranches, c'est trop ou pas assez lorsque l'on cherche les mots. La première éblouit le petit déjeuner, comme un flash irradiant, émotion inattendue. Pour accompagner le pain de campagne aux effluves de foin et aux couleurs d'automne. La seconde est expérimentale. Pour convoquer les adjectifs, mais quels termes utiliseraient les grands cuisiniers ? Je reste aussi sec que le saucisson. Avec juste ce qu'il faut de gras pour mixer la salive à la viande en une savante émulsion dont le parfum remonte au cerveau via les chémorécepteurs. Comme chaque carré de chocolat en appelle un autre, la troisième tranche est inévitable. Toutes mes espérances résident dans cette ultime tentative. Hélas j'ignore tout de cette langue que je ne parle pas et qui ne sait s'exprimer seule. Longtemps après je lui laisse faire le tour du palais dont les parois sont recouvertes de l'humus adoré. À force de salive ma chair reprend le dessus sur celle du porc. Une odeur de fumée. Un sucre animal. Le sel de la vie...
Quelles épices secrètes le petit producteur a-t-il ajoutées ? La femme qui fabrique artisanalement sa charcuterie tient stand sur la place carrée, dans l'allée qui monte à gauche lorsque l'on tourne le dos à la rue où sont situés un magasin de spécialités gastronomiques pour touristes et un bio qui sert de dépôt au grand livre de Mika. Ses tréteaux sont recouverts d'exquises terrines qui nous tiendront de pique-nique sur la route du retour des vacances. Je n'ai pas mangé d'aussi succulents saucissons depuis la fuet catalane dont je rapportais des chapelets en fraude.
Devant mon incapacité à décrire, à partager mon émoi, les questions me donnent le vertige. Par quel miracle manger produit-il tant de plaisir, cet envahissement total de la conscience qui submerge toute autre pensée ? L'orgasme gustatif est-il la manifestation d'une autre régression ? Lorsque nous étions enfants et que mes parents rentraient du spectacle mon père venait nous embrasser en nous demandant ce que nous voulions; j'avais l'habitude de marmonner en dormant "un grand verre de lait avec une rondelle de saucisson !" ; ou bien il faisait passer la chose au-dessus de mes narines que je faisais frémir comme si l'odeur m'avait réveillé. Quel alliage magique fait la différence entre l'exquis et le commun ? Quelle culture s'y rattache ? Sera-t-on un jour capable de diffuser fidèlement les odeurs et les goûts comme on a su le faire avec les images et les sons ? J'ai encore sur les lèvres le goût sauvage de la dernière tranche. Elle en devient obsessionnelle. Invasive. Au point de devoir mettre un terme à ma quête. Ne plus ajouter un mot à cette description impossible. Sens unique.

vendredi 14 octobre 2011

iOS5 tape sur le système


J'avais autre chose à faire qu'à passer la journée à mettre à jour mon iPhone. J'aurais pu faire semblant que je n'allais rien faire, me prélasser sur le divan, lire, siroter mon thé avant qu'il refroidisse, répondre aimablement aux sollicitations domestiques, je me raconte souvent ce genre de billevesée sans qu'Apple ne s'en mêle, mais là, que nenni ! J'aurais pu simplement travailler à l'un de mes nombreux projets, le concert de Strasbourg où Linda, Birgitte et moi allons convoquer les esprits lors d'une séance musicale de spiritisme devant trois mille étudiants au Musée d'Art Moderne, le design sonore des nouveaux objets Internet de Readiymate, le duo électoral avec Jacques Rebotier, une séance de trompette, mon second roman, mon prochain disque, ah oui, j'ai retrouvé mon entrain légendaire ! Mais, pauvre de moi, j'ai commencé la matinée si tôt, les yeux encore à moitié fermés, en mettant à jour le nouveau système iOS5. Mama mia (qui n'y entend rien et même se met en colère si on lui parle nouvelles technologies), j'aurais mieux fait de rester couché encore un quart d'heure, ç'aurait été déjà cela de gagné !

Il a fallu mettre à jour iTunes, faire une sauvegarde du smartphone, lancer la mise à jour proprement dite qui prend des plombes, mais cela ne s'est pas arrêté là, c'eut été trop beau. Pourtant tous les experts le savent, dès que l'on met le doigt là-dedans c'est tout le bras et le ciboulot qui y passent. Les dossiers dans lesquels sont rangées les applications étaient tout mélangés, il faut décliquer et recliquer certaines pour qu'elles acceptent de réapparaître sur l'iPhone, faire des tas de réglages dans les préférences, etc. Mon téléphone quittait dès que je voulais m'en servir, j'ai dû aller dans Réglages, puis Général, puis dans le menu Réinitialiser sélectionner "Réinitialiser les réglages réseau". Et resynchroniser je ne sais combien de fois après avoir résolu les contrariétés une par une. Franchement, à part le temps passé, cela valait le coup, je préfère le croire.

Le centre de notifications permet de paramétrer toutes sortes d'annonces y compris en mode verrouillé, iMessage d'envoyer gratuitement SMS, photos, vidéos, lieux et contacts à tout autre utilisateur du même système et recevoir des accusés de réception, le Kiosque de s'abonner automatiquement à journaux et magazines, Rappels à votre bon souvenir, Twitter intégré, prendre des photos avec le bouton de volume au lieu de mettre le doigt sur l'écran qui, lui, servira à mettre au point et choisir l'exposition, retoucher, on peut même synchroniser son truc en wi-fi et sans posséder d'ordinateur, plus de meilleures affichages de Mail et iCal, etc. Ce serait trop sympa si les bugs étaient absents de la nouvelle version, mais ce sera corrigé dès que les fous gueux auront essuyé les plâtres.

La nuit tombait déjà, il ne me restait plus qu'à aller faire couler mon bain et espérer passer une soirée de farniente. Mais ça c'est une autre histoire...