On voit le bout. Il reste quelques retouches et pas mal de rangement, mais c'est terminé. Sacha a fait une photo de la cuisine pour montrer à sa femme. J'étais dans le chant, la bouche ouverte, glissant chaussettes en clef de sol comme si c'était la mer qu'on voit danser. Couleurs chaudes éclairées plein sud. Au fur et à mesure nous prenons de la distance. Je m'efface devant l'espace retrouvé...


La nouvelle cuisine est affaire d'invention, de rencontres inattendues, mais il nous restait encore à rentrer les meubles, accrocher les tableaux, découvrir de nouveaux gestes parce que rien n'est à sa place d'avant. Il faudra du temps pour s'approcher d'après. Maintenant est composé de va-et-vient, d'escalier monté et descendu, remonté, redescendu, de charges lourdes, fragiles ou encombrantes, de poussière aspirée et des mains cent fois relavées. La peau s'est crevassée au coin des ongles et je me suis collé les doigts avec la super-glu faute d'avoir enfilé mes lunettes. Ma sensibilité aux touches noires et blanches est un souvenir. Après, nous nous assiérons sur les chaises du Bon Coin autour du guéridon de bistro en métal brossé trouvé chez Bravo et nous goûterons enfin la nouvelle cuisine. J'ai bourré les tiroirs d'épices rapportées de tous les coins du monde en prévision du moment où j'aurai retrouvé mes sens. Après, je ferai courir mes dix doigts sur le clavier et je me remettrai à penser.