70 Voyage - juin 2009 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 17 juin 2009

Un nouveau mystère au Louvre


En réalité, aussi invraisemblable soit-elle, la chose ne s'est pas produite au Louvre, mais dans une aile du Palais bâti par Philippe Auguste, la plus proche des Tuileries rue de Rivoli, celle qui héberge le Musée des Arts Décoratifs. La journée avait commencé d'une drôle de manière. Tandis que je réclamai un badge du jour à l'agent de sécurité qui gardait la galerie des jouets, celui-ci me répondit avec un ton de conspirateur : "Ce n'est pas très agréable ici, nous sommes surveillés." Je lui fis aussitôt remarquer que c'était justement sa fonction, mais il insista : "Je suis agent d'accueil, accessoirement de sécurité... Et je ne surveille pas les gens, mais seulement les objets !". Je l'aidai à trouver mon nom sur la liste, mais comme je le quittais il me demanda tout de même comment je m'appelais après s'être présenté par son prénom et insista pour me serrer la main en regardant tout autour par-dessus mon épaule.
L'endroit était désert, toute l'équipe étant partie déjeuner. Je me concentrai sur l'installation du système d'amplification de nos lapins sages comme des images, ce qui ne me rassurait qu'à moitié, lorsque je fus rejoint par Leslie qui me donna heureusement un coup de main, façon de parler puisqu'elle rampa sous la vitrine pour passer les câbles et les enceintes. La chose n'était pas aisée, d'autant que, toute spécialiste des socles qu'elle est, elle s'était abîmée le petit orteil gauche en nettoyant mes traces de pas car, probablement troublé par l'atmosphère qui régnait déjà dans l'obscurité, j'avais oublié d'ôter mes chaussures avant de grimper parmi le clapier. Mes lecteurs assidus saisiront la coïncidence car la jeune fille ne s'esquinte jamais que le petit orteil gauche et ce n'est pas la première fois !
En se faufilant sous les filins tendus au sol, Leslie aperçut un objet glissé à un endroit où nul n'aurait jamais été censé l'apercevoir. La plaque de cuivre d'une douzaine de centimètres de diamètre était gravée d'étranges inscriptions cabalistiques recto verso et recouverte d'un vernis bon marché. Aucun des membres de l'équipe fut capable de déchiffrer le message, mais je m'empressai de photographier l'objet, des fois qu'il disparaisse pendant la nuit. Sommes-nous sur les traces de Belphégor ou est-ce un signe de piste des fondus du Da Vinci Code ? Le disque a-t-il été déposé par les ouvriers italiens lors de la construction du monstrueux aquarium ou était-ce un détracteur du sulfureux Blanquet qui y avait exposé des poupées nues pour Toy Comix, comment le savoir ? Si l'un ou l'une de mes lecteurs peut nous mettre sur quelque piste, nous lui en serons grandement gré. En attendant, personne ne sait quoi faire de cet objet ésotérique que nous n'avons su que dissimuler à notre tour aux yeux des visiteurs de passage...

samedi 13 juin 2009

Variable


Le micro-climat qui épargne l'île lorsqu'il pleut à Quimper serait dû aux deux bras de rivières qui se jettent dans l'océan, d'un côté l'Odet, de l'autre la rivière de Pont-L'Abbé. Il ne fait pas toujours beau. Euphémisme. Mais le temps gris sied à la Bretagne. Le crachin triste à Paris possède ici quelque chose d'exotique. On sort les bottes en caoutchouc et les cirés. On lit au lit. On regarde les goélands planer dans le vent. On attend le retour du soleil. On regarde les nuages. Et puis on s'en va.

jeudi 11 juin 2009

Au Pays Bigouden


Depuis que j'ai acheté cette carte postale il y a une vingtaine d'années, aucune n'est probablement plus de ce monde. Les jours de marché à Pont-Labbé, on rencontrait souvent des Bigoudennes. En voiture, elles étaient obligées de laisser sortir leur coiffe par le toit ouvrant de la 2CV ou bien elles penchaient la tête à s'en ficher le torticolis. Déjà que certaines marchaient toutes tordues, handicapées par une maladie de la hanche congénitale que l'on ne rencontre que dans la région... Les autres bretonnes disaient qu'une coiffe aussi haute ne pouvait être qu'un signe d'orgueil. En en voyant une passer, "C'en est pas aucune, toujours à faire du ton qu'elle est !" aurait dit une des vieilles dames sur le banc, à côté de la maison de Michèle. L'île Tudy est en fait une enclave Penn Sardin en Pays Bigouden.
Nous nous consolons en dévorant à marée basse des huîtres plates sauvages à même les rochers. Elsa m'a conseillé astucieusement de me munir d'un tournevis et d'un marteau. Pendant ce temps-là, Françoise croque des chapeaux chinois ou patèles qu'elle appelle arapèdes. Après ces délicieux hors-d'œuvre nous passons deux heures à déguster chacun une araignée de mer. Une salade de roquette et un Traou Mad plus tard, nous ne rêvons plus que de sieste ! Six heures plus tard, marée haute, l'eau est à 15°. Nous plongeons devant quelques papys emmitouflés. Gâteaux. On ne peut pas dire que nous faisons dans la dentelle.

mercredi 10 juin 2009

Palette bretonne


Hier après-midi, les vagues éclaboussaient les fenêtres. Le soir, j'ai photographié un arc-en-ciel qui touchait l'horizon des deux bords. Au réveil, tout était doré comme un petit-déjeuner. Les couleurs du ciel, et par conséquent l'océan, changent à la vitesse du vent. Ça souffle !
À Saint Guénolé nous sautons de rocher en rocher. À La Torche, nous admirons les étoiles de mer. À Tronoën, nous revenons six siècles en arrière. Le jeu de l'oie se termine devant des galettes de sarrasin et un détour par le Super U où les Mouettes d'Arvor adoptent une panoplie d'épices à rapporter dans nos bagages.
Pendant que nous nous la coulons douce au bord de l'eau, Antoine empaquète les lapins pour les Arts Décos après avoir réparé le bug, tout seul comme un grand qu'il est, un problème de lease-time du DHCP ! De temps en temps, une des bestioles se bloque néanmoins sur ses leds orange, il n'y a rien à faire, c'est une revendication de RTT et nous ne pouvons que le rebooter pour le convaincre d'exercer toute sa solidarité avec le reste du clapier. Le lendemain tout rentre dans l'ordre, jusqu'à ce qu'un autre des cent lapins prenne la pause et nous en pose un des siens ! Une histoire de fous. Oui.

lundi 8 juin 2009

Il était temps


Juste l'horizon en ligne de mire.
S'il était temps, ici l'on s'en moque.
Car tous s'y prêtent.

samedi 6 juin 2009

Strasbourg toujours trop court


Je resterais bien chaque fois un peu plus longtemps à Strasbourg. Ville universitaire, sa densité de jeunes gens lui donne un air de fête et de concentration studieuse. La ville est très belle, vivante, rafraîchissante, stimulante. C'est un mélange de tradition alsacienne et de cosmopolitisme. L'afflux de touristes fait résonner toutes les langues de la planète dans les rues piétonnes qui quadrille le centre érigé de demeures anciennes et encerclé d'eau. Des saules pleureurs alternent avec des glycines séculaires. À l'heure du repas je ne sais plus où donner de la tête tant les cuisines du monde se concurrencent pour m'allécher. Hier midi, je déjeunai d'un authentique menu coréen qui contrebalançait mes expériences locales de la veille. Le tramway, la bicyclette et la marche à pieds sont les moyens de locomotion les plus sûrs.
En quelques pas je suis dépaysé, me sentant presque en vacances alors que je dois reprendre le cours de ma conférence auprès des élèves en didactique visuelle de l'École des Arts Décoratifs. J'y transmets ma marotte, le son complément des images dans l'audiovisuel et les médias interactifs. Le jour précédent je réalisai quelques suivis de projets auprès d'étudiants de cinquième année passant leur diplôme la semaine prochaine. Pas question évidemment de les fragiliser à quelques jours de la sortie, mais répondre à leurs questions, déceler leurs faiblesses pour leur donner des armes pour se défendre face au jury si besoin est. Nombreux me réclament des références pour étayer leur discours et donner une légitimité historique à leur démarche. Les projets sont intéressants et prometteurs. Je n'ai pas besoin d'inventer des arguments, il suffit comme d'habitude d'analyser leur travail pour y déceler leurs motivations inconscientes.
Avant de quitter ma chambre d'hôtel, je porte mon appareil à bout de bras pour prendre en aveugle les toits de la ville alsacienne.