70 Voyage - janvier 2012 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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samedi 28 janvier 2012

Petite France


Ma mère me demande si je regarde le Président de la République demain soir à la télé. Comment lui faire comprendre que je m'en fiche complètement alors que je suis passionné de politique ? Pour la même raison que je ne regarde jamais la télé je n'écoute aucun candidat à la prochaine élection faire son show démagogique. La société du spectacle ne m'intéresse que lorsqu'elle produit de l'art ou de la culture. Autant dire que j'ai une vision ancienne, mais que c'est la seule qui m'offre un avenir. L'électoralisme est une plaie qui a supplanté tout discours idéologique. C'est ce qui a tué le PCF, programme commun aidant. L'extrême-gauche y a succombé à son tour. On peut toujours promettre monts et merveilles ou le grand soir lorsque l'on sait que l'on ne tiendra pas sa parole ou que l'on ne risque pas d'être en position de la tenir. Je préfère admirer la Terre depuis la lune, principe philosophique du recul dans l'espace-temps. Un mensuel comme le Diplo prend ses distances avec l'actualité, cela me convient mieux que de devoir réagir à la seconde, sans parfois même vérifier ses sources. Ou alors privilégier le journalisme d'investigation comme à Mediapart. Dans mon métier de compositeur de musique je préfère les programmations réalisées par des directeurs de festival curieux et inventifs plutôt que par de vieux cyniques qui cèdent aux pressions locales. Au lieu d'imaginer des solutions pour se sortir d'une crise qui fait les choux gras des banquiers et de leurs principaux actionnaires la France a le nez dans le guidon des élections. Comme si le vote allait changer quelque chose... Le système représentatif a fait long feu. Je me méfie des professionnels de la profession comme de la peste. Il faudrait que le candidat élu rende des comptes à l'issue de son mandat, que l'on vérifie si son programme a été respecté, qu'il soit sanctionné. On pourrait imaginer que les élus soient choisis comme les jurés d'un procès, parmi la population, au hasard contrôlé. Pas grand monde ne semble comprendre ce qui nous attend, ce que signifie la crise, la catastrophe annoncée... Elle revêt tant de formes, politiques, sociales, économiques, écologiques, démographiques, etc. que j'entends partout que c'est trop complexe. De qui se moque-t-on ? Ce serait sympa d'écrire un article intitulé "La crise pour les nuls", non ? À suivre.

Nous sommes rentrés crevés de Strasbourg. Cinq cents kilomètres en voiture mercredi avant de décharger le matériel au Musée d'Art Moderne et Contemporain ; le lendemain, installer, brancher, faire la balance et jouer sur trois scènes différentes devant quelques milliers d'étudiants excités ; vendredi remballer, autoroute dans l'autre sens et remettre le studio en état pour l'enregistrement de demain. Notre concert tenait du happening, on a changé notre fusil d'épaule, la finesse passait inaperçue, on a sorti l'artillerie lourde, du rythme, des instruments visuellement étonnants, on a monté le volume. Lorsque je jouais de la trompette à anche le flot des visiteurs s'écoulait inexorablement devant la scène. Dès que je me mettais à jouer du Theremin ça les freinait. En faisant tourner le rhombe devant la scène je dansais d'un pied sur l'autre en m'approchant des antennes si bien que les sons électroniques semblaient provenir de mon arc géant que je faisais tourner en évitant de décapiter quiconque. Les mimiques de la chanteuse Birgitte Lyregaard me faisaient rire intérieurement alors que je pensais interpréter un rôle sérieux de prince des ténèbres. Sa voix me portait aux nues tandis que le marimba et le vibraphone de Linda Edsjö me donnaient des ailes. On était là pour une séance de spiritisme et j'avais l'impression de naviguer sur un vaisseau fantôme. Un des moments que j'ai préférés fut la traversée de la foule compressée sous la nef. Je remuais mon tube à ressorts comme un fou en jouant de la trompette de l'autre main, Birgitte faisait sonner l'orage en écho et Linda fermait le ban comme une ouvreuse avec son panier de friandises à percussion. Il y avait trop de monde pour que j'aperçoive quoi que ce soit de la chorégraphie de Jean-François Duroure qui suivait. Une heure plus tard, un zozo aviné grimpé en haut de la verrière par les filins a servi de prétexte pour terminer la soirée plus tôt que prévu. Dommage ! Redescendu de ses vingt-cinq mètres et viré illico, le danger était passé. Organiser une soirée aussi allumée dans un musée est gonflé. On aimerait que d'autres s'en inspirent pour rompre avec les habitudes qui tuent beaucoup plus de gens que tous les risques pris intelligemment. Françoise Romand a tout filmé, c'est donc une affaire à suivre, elle aussi !

Le soir on était morts. On a regardé Millénium, les hommes qui n'aimaient pas les femmes (The Girl with the Dragon Tattoo). J'ai sorti un alibi en annonçant que l'art est un crayon et l'entertainment une gomme. On a besoin des deux. Trop de crayon finit par faire du gribouillis, trop de gomme par dessiner un désert. Hier soir, on avait besoin d'un coup de gomme pour pouvoir embrayer ce matin sur de nouvelles aventures.

mardi 3 janvier 2012

La gazza ladra


Pipie m'a pincé l'oreille en se perchant sur mon épaule. Est-ce une marque de tendresse ou le Mistral qui l'énerve ? Cela fait mal, mais je ne saigne pas, il lui arrive d'y aller plus fort. La jeune pie s'est posée cet été dans le jardin de La Ciotat et ne l'a plus quitté depuis. Elle s'est laissée apprivoiser, apprenant à siffler des airs, nous suivant comme un petit chien en sautillant sur les graviers. Diabolo, Jack Russell facétieux, est jaloux de notre attention. Il l'attrape parfois par la queue et la traîne par terre.


Pipie est plus attachée à Serge qu'à quiconque. Il passe chaque jour lui apprendre de nouveaux tours. Si elle lui tend ses cigarettes, elle refuse pour l'instant de prononcer des mots intelligibles. Le matin je lui offre quelques lamelles de gruyère dont elle raffole, mais je ne la laisse pas entrer dans la maison pour qu'elle ne vole tout ce qui brille. Elle s'impatiente en donnant des coups de bec dans les carreaux. Lorsque nous avons le dos tourné elle se glisse tout de même jusqu'à la gamelle du chien et lui pique des croquettes. Après l'avoir grondé de m'avoir pincé l'oreille, je caresse ses plumes noires, bleues et vertes pour lui montrer que je ne lui en veux pas. Un jour prochain, Pipie s'envolera probablement avec des copines, mais cela fait tout de même plusieurs mois qu'elle nous a adoptés...

lundi 2 janvier 2012

Bonne année ?


Ce n'est pas le gui, mais que cela ne vous empêche pas de vous embrasser dessous, devant, derrière, autour ! Il ne s'agit pas de serrer les rangs et de vivre la crise entre amis, mais plutôt d'élargir le cercle et d'étendre la solidarité au plus grand nombre. C'est ce que nous sommes, n'est-ce pas ? Le plus grand nombre. Alors n'allons pas encore servir la soupe des quelques nantis qui manipulent ostensiblement les masses via les canaux médiatiques qu'ils contrôlent. Les budgets sont coupés en deux ou supprimés, les festivals sautent une année, les clients ajournent leurs projets, les théâtres accusent une fréquentation catastrophique, et dans tous les secteurs la gestion absurde du Capital a des répercutions alarmistes, surtout lorsque l'on sait que ce n'est que le début de la dépression.
Le parfum du mimosa m'écœure. Mais lorsque nous sommes arrivés je n'ai pu résister à la beauté de l'arbre en fleurs. En appuyant sur le bouton de mon smartphone j'ai propulsé La Ciotat sur quelque lande africaine, comme si allaient en surgir une girafe, un fauve ou un oiseau de proie. Ici nous sommes vernis. Nous mangeons à notre faim, nous dormons au chaud, nous profitons de ce que certains appellent le progrès. Mais ailleurs ? Quand les peuples opprimés, bafoués, exploités se réveilleront-ils ? Faut-il attendre une plus grande famine ? Et chez nous la misère sans conscience politique ne risque-t-elle pas d'accoucher d'une révolution en chemises brunes ? Le gouvernement américain prépare des centres de détention pour ses résistants qu'une loi prochaine nommera terroristes. Sur toute la planète les banques sont au pouvoir.
En France une loi de 1973, merci Pompidou-Giscard, interdit à l'État d'emprunter à la Banque Centrale pour éviter ce que l'on appelle la planche à billets. La Constitution Européenne en est l'infâme rejeton. Ne reste plus qu'à se tourner vers les banques privées. Et les États de s'endetter, et les intérêts de gonfler d'année en année, une solution paraissant de plus en plus improbable. C'est du moins ce que l'on essaye de nous faire croire. Car il suffirait de ne plus rembourser les usuriers pour que la cavalcade infernale s'enraye. "On ne paye plus !" N'oublions pas que chaque fois qu'un gouvernement vient au secours d'une banque il le fait avec les impôts que vous payez. Une remise à plat du système est la seule porte de sortie de cette crise que d'aucun préférerait régler à coups de bombardements, solution alléchante pour les marchands de canon, la France étant au troisième rang mondial. Évidemment je résume, je banalise, je réduis, n'étant ni économiste, ni politicien, mais un simple citoyen qui se demande comment vivront les enfants du monde.

Pour la nouvelle année je vous souhaite donc beaucoup de courage et de bonnes surprises !
Solidarité et persévérance, plus que jamais...

P.S. : Caroline m'envoie une information dont je demande à Pierre Oscar de commenter les termes que j'ignore. En voici un mix grossier :
La Fed (Réserve fédérale américaine) prête à mort à la Banque Centrale Européenne, 10 fois plus qu'un QE3. La BCE emprunterait même aux Chinois. Beaucoup d’analystes s’attendaient à ce que le patron de la Fed annonce le 13 décembre dernier un nouveau Quantitative Easing (QE), soit la mise en marche des rotatives à dollars, qui tournent à plein régime depuis la crise de 2008. Ce serait la troisième fois (d'où le 3), pour mettre des US$ (hors USA) en circulation et surtout sauver le système bancaire €uropéen (sinon les USA s'écroulent avec, car ils devraient débourser les CDS). Les couvertures de défaillance ou dérivés sur événement de crédit ou permutations de l'impayé, plus connus sous leur abréviation anglaise Credit Default Swaps (CDS), sont des contrats de protection financière entre acheteurs et vendeurs (c'est cela qui est vraiment de la merde).
Les bourricains veulent pousser la BCE à trouver les moyens "d'imprimer" du papier. La solution de la crise européenne est très simple à trouver, il suffit que les États arrêtent d'emprunter sur le marché, mais empruntent à la BCE, ce que les traités empêchent. Soit fédéraliser l'€urope financièrement, sinon la BCE ne pourra pas, à terme, rembourser. La BCE rachète les crédits pourris aux États et prête aux banques à des taux les plus bas, 1%. Alors que ces banques prêtent à la Grèce à 17% le même argent. On parle déjà d'un € à 1.10 US$...