70 Voyage - mai 2016 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 31 mai 2016

Journal napolitain : 2/Herculanum


Le Circumvesuviana est une sorte de RER qui s'arrête toutes les deux minutes jusqu'à Sorrento le long de la côte amalfitaine, mais nous faisons halte à Ercolano Scavi pour visiter les ruines d'Herculanum. Françoise et moi ne connaissons que Pompéi, mais Yann-Yvon avait raison de nous indiquer cette petite cité ensevelie sous quinze mètres de lave et dégagée au fur et à mesure depuis le XVIIe siècle. Les fouilles n'ont permis de n'en dégager qu'un quart, car le reste est enfoui sous les immeubles modernes.


Le mot "moderne" sonne bizarrement à la vue des cages à poules où vit une population très pauvre. La pauvreté de la région contraste avec les villas excentrées des riches. Je connais mal les implications de la comorra dans la société napolitaine, sa présence restant discrète pour un touriste. Dans une rue qui longe les fouilles, une plaque rappelle "la mort accidentelle d'un jeune innocent victime du crime organisé".


Bien que nous n'ayons souscrit aucun abonnement local le plan de mon iPhone affiche notre position, ce qui est bien pratique dans le dédale napolitain. Vous connaissez la chanson, le linge sèche aux fenêtres, de petits kakous qui n'ont pas quatorze ans font des courses de scooters dans les rues étroites... Le concert de klaxons est définitivement moins touffu et moins musical qu'au siècle dernier ! Le Vésuve semble assagi. Nous nous régalons de sfogliatelle qui sortent du four, spécialité de la Campanie composée de ricotta parfumée à la vanille ou à la canelle avec des petites morceaux de fruits confits, le tout enveloppé dans une pâte feuilletée. Comme un fait exprès l'Antico Forno delle Sflogliatelle Calde Fratelli Attanasio est à deux pas de notre hôtel !


Chaque fois que je pense à la ricotta je pense au sketch sublime de Pier Paolo Pasolini dans le film collectif Ro.Go.Pa.G. où Orson Welles tient le rôle du réalisateur. Cette dénonciation de la pauvreté face à l'opulence de l'Église valut à Pasolini une condamnation à quatre mois de prison qu'il évita en payant une amende. C'est avec Uccellacci e uccelini et Che cose sono le nuvole ? mon préféré de ses films.


En marchant via dei Tribunali je trouve un amusant sistre articulé où sont cloués de petits crotales. Mais c'est au magnétophone que j'attrape la véritable musique de Napoli, incessant brouhaha, les cris des fêtards succédant au vacarme de la circulation, le montage du marché s'effaçant derrière la harangue des camelots.

lundi 30 mai 2016

Journal napolitain : 1/Napoli


Exténués par des heures de marche à pied jusqu'au quartier Chiaia en passant par les hauteurs, nous faisons une petite sieste, écourtée par l'excitant vacarme napolitain. Les cris des marchands à la sauvette africains se mêlent aux klaxons et aux ghetto-blasters. Les réacteurs d'un avion de ligne décollant de l'aéroport de Capodichino font passer la circulation au second plan, plus rassurante que la centaine de "pétards" enregistrée hier soir vers minuit. Pourtant la folie de la ville n'a plus rien à voir avec le chaos traversé lors de mes précédents voyages dans les années 60 et 70. Quant à Françoise, elle retrouve l'ambiance du Marseille de son enfance. La fantaisie se serait-elle affadie sous les coups de butoir de politiques plus catastrophiques les unes que les autres, de la démocratie chrétienne à Berlusconi, en passant par un compromis historique dont nous subissons à notre tour les ravages ?


Le voyage avait commencé à Charles de Gaulle où des robots sont chargés de délivrer cartes d'embarquement et étiquettes bagages. Évidemment ça marche comme ça peut, et les bugs justifient qu'Air France n'ait pas licencié tout son personnel au sol. La détérioration du service s'est amplifiée petit à petit depuis la mise en Bourse de la compagnie. Les usagers et les salariés passent après l'appétit des actionnaires. Trop de chemises blanches ont encore leurs boutons !
À l'arrivée à Naples le chauffeur du taxi nous met illico dans l'ambiance à grand renfort de rengaines locales, d'un compte-rendu de la misère et d'une jovialité propre au sud de l'Italie.


Nous avons arpenté le centre antique jusqu'à la Galerie Umberto 1er, haute et magnifique verrière surplombant des immeubles qui partagent leur crème avec le Grand Café Gambrinus. Sur le chemin j'ai trouvé de toutes petites guimbardes, impossible de me souvenir de leur nom italien scacciapensieri, que j'avais cherchées sans succès à Pigalle. Ce ne sont pourtant pas des siciliennes, mais des autrichiennes, comme les strudels évoqués plus haut. Chez Pestieri, via Toledo, j'ai dégotté des chemises à fleurs pétant de couleurs pour une bouchée de spaghetti con vongole. Si les restaurants sont chers, les vêtements sont extrêmement bon marché. Le soir nous allons dîner à La Masardona réputée pour servir la meilleure pizza frite de Naples, ce qui ne semble pas usurpé ! La farce est cuite entre deux très fins disques de pâte frite que l'on accompagne avec une bière artisanale locale.
Nous nous endormons repus dans une chambre plus agréable que le trou à rats de la première nuit, infestée de moustiques, peut-être due à la proximité des machines à air conditionné.

vendredi 27 mai 2016

Prélude à nos aventures italiennes


Les cartes postales ont la fâcheuse habitude d'arriver le plus souvent après notre retour. Il en sera donc ainsi du petit journal de voyage que j'ai tenu sur un cahier dont la couverture est une reproduction de People in the Sun peint par Edward Hopper en 1960. Je retrouve le plaisir des ratures que l'écriture numérique efface systématiquement. Je prévois également d'illustrer mes articles en prenant des photos des paysages traversés, plus quelques selfies montrant que ce ne sont pas seulement des cartes postales, mais des clichés sans aucun doute. J'ignore si j'aurai beaucoup l'occasion de les admirer, mais le soir nous sommes heureux de passer rapidement en revue les évènements de la journée que nous avons l'habitude de commencer et terminer plus tôt qu'il est coutume sur ces rivages méditerranéens. Nous profitons ainsi de la lumière du jour à la manière des peintres d'antan, même si nos dernières nuits seront merveilleusement éclairées par une pleine lune aussi souriante que resplendissante dans des teintes orangées que le soleil lui renvoie diamétralement opposé sur notre horizon. En relisant mes notes j'ai encore le loisir d'y rajouter quelques détails qui m'avaient échappé et d'en soigner le style touristique auquel il semble ici impossible d'échapper, même en période extrascolaire. J'enregistre également quelques sons qui me serviront dans des œuvres futures, à commencer par le vol qui nous emmène à Naples, début de notre périple...

vendredi 6 mai 2016

Vers de nouvelles aventures


Tant d'années se sont écoulées depuis nos dernières vacances à l'étranger. Besoin de se changer les idées. Entendre une langue que je ne comprends pas ou un peu. Vivre au rythme du pays. S'adapter à ses codes. Changer d'angle en somme. Se reposer. Escalader des volcans. Remonter le temps. Rester béat devant l'horizon. Loin de la terre. Profiter de la nuit.
Ces derniers mois mes activités professionnelles ont été parisiennes. Le Louvre, la Cité des Sciences et de l'Industrie, le Grand Palais, bientôt le Panthéon et le Palais de Tokyo. "Vous me décorez !" clame Jules Berry sur Le chemin de Rio. Sa voix résonne à la fin de Trop d'adrénaline nuit, premier album du Drame. Ces monuments investis sont autant de médailles épinglées sur le poitrail d'un dignitaire de Pyongyang. S'enchaînent Le regard explorateur, Darwin l'original, Carambolages, les Monuments aux morts et Rester vivant. Je compose, sonorise, participe. Première personne, du singulier. Expérimente, enregistre, découpe, mixe et remixe.
Besoin de se perdre dans la foule. Respirer d'autres saveurs. J'emporte appareil-photo, magnéto et stylo, mais le blog marque une pause. Trois semaines sans tuyaux, sans perfusion. Ça sent déjà le soufre. Thermal. Incroyable. Le retour sera félin.