70 Voyage - août 2016 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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samedi 20 août 2016

Brume


Aujourd'hui nous avons fait des provisions pour tenir une semaine là-haut. Il est probable que nous ne redescenderons pas dans la vallée avant la semaine prochaine. Pas moyen de se connecter là-haut. Le téléphone passe de temps en temps, c'est tout. On peut rappeler en grimpant sur la colline... J'ai l'impression d'être un figurant dans un film de Werner Herzog...

mercredi 10 août 2016

De tout en haut


Un chemin cahoteux mène aux granges de Lespone. Les quelques flaques profondes s’évaporent rapidement au soleil. Les vaches rechignent à se pousser devant l’automobile. Les rousses sont moins agressives que les blanches. En face, le cirque de Crabioules surplombe la vallée du Lys où se brise la Cascade d’Enfer. Les Pics de Boum, Maupas, Crabioules, Lézat, Quayrat font tous plus de 3000 mètres. Au delà, l’Espagne. À droite, plein ouest, le col de la Coume de Bourg et le Céciré. Je gare la voiture sur du plat pour ne pas trop patiner lorsque l’herbe est trempée. Il y a quelques années j’ai failli sauter en marche lorsqu’elle s’est mise à glisser inexorablement sur la pente. Grande frousse ! Heureusement j’avais réussi à redresser les roues in extremis. Si c’est vraiment impraticable, je la parque au bord du chemin. Au pire, nous la laissons à deux kilomètres et demi, près de la départementale qui monte à Superbagnères, et nous sortons la Lada du garage pour faire la navette.
En hiver, il faut parfois marcher jusque là, la neige empêchant d’atteindre la maison. L’été, la montagne joue à cache-cache les jours de brume. Si le brouillard persiste et que nous sommes obligés de vivre cloîtrés dans le nuage pendant des jours et des jours, je deviens claustrophobe. Cette année le ciel est souvent bleu sans aucune trace blanche, mais la température chute la nuit.
Mes genoux qui me font souffrir depuis l’escalade du Stromboli au mois de mai m’empêchent de faire des balades sur les flancs de la montagne. Allongé sur la terrasse j’avale un livre par jour et le soir j’enchaîne les épisodes de la série The Americans sous la couette. Nous descendons à Luchon le mercredi et le samedi matin, jours de marché, et de temps en temps nous passons le Col du Portillon pour faire des emplettes à Bossost ou nous taper délicatement la cloche au restaurant Er Occitan.
Mais le plus étonnant est ma transformation d’hyperactif en contemplatif. Le jour je regarde les nuages, les jeux de lumière, les vautours, les aigles, les insectes, les bêtes qui paissent, et la nuit je reste bouche bée devant la voûte étoilée, un spectacle à couper le souffle. Il y a plus de trous d’épingles que de noir. Les étoiles filantes déchirent cette passoire où les vols de nuit se suivent à la queue leu-leu et les satellites se travestissent en astres rayonnants. Nous installons des transats et nous admirons l’éternité sous de chaudes couvertures.

samedi 6 août 2016

Retour du soleil


Après la purée de pois et la pluie d'hier qui nous ont fait fuir et traverser les montagnes jusqu'au Val d'Aran en Espagne, nous profitons du retour du soleil. Pendant que Françoise termine les courses à Luchon, je relève les mails et vide les boîtes à spams à l'Office du Tourisme. Là-haut seuls passent, difficilement, les SMS et Messenger...

lundi 1 août 2016

Un platane, des platines


Après deux nuits dans la chambre à me faire dévorer et peinturlurer à pois rouges, j'ai passé les suivantes dehors sous la moustiquaire. L'an passé Jean-Claude et Anny avaient installé un cadre en bois sur lequel accrocher le voilage parallélépipédique au-dessus du divan de la terrasse. Après l'avoir accroché on hisse le tout avec une corde grâce à une simili poulie suspendue à une poutre du toit. Les premiers jours nous avions l'impression de vivre dans le grill-pain tant les rayons du soleil étaient secs et cuisants. La nuit arrangeait à peine les choses. Vers deux heures du matin le petit vent frais me fait agréablement frissonner. Dommage que le matelas ressemble à une carte en relief comme on en trouve dans les salles de géographie. J'ai le dos en compote. C'est tout de même mieux que de se faire piquer non-stop. Les démangeaisons ne durent qu'un quart d'heure, mais il y en a tant qu'elles se tuilent au point de me transformer en insomniaque.
Insomnie sera le second morceau que nous jouerons ce soir à Arles avec la platiniste Amandine Casadamont à l'occasion de La Nuit de l'Année organisée par Phonurgia Nova. Le duo Harpon, au sein duquel nous renouvelons chaque fois notre inspiration, improvisera trois autres pièces intitulées Hypnotik, Rewind et une dernière dont je ne sais rien à l'heure qu'il est. Pour ses trente ans, le festival s'est baptisé Rewind Phonurgia. Tout s'explique, mais c'est aux spectateurs de se faire leur propre cinéma.
À l'aube j'admire les feuilles du platane à travers la résille. Je me laisse aller à la rêverie. Un platane, trois platines.