Quand Debord, Vaneigem et les situs écrivaient des chansons...

Il y a quelques jours, à l'avant-première de La fiancée du danger, film dont j'ai composé la musique, la réalisatrice Michèle Larue me présente Jacques Leglou. Distributeur de films français à l'étranger, il est aussi connu pour avoir réalisé un disque-culte avec ses copains situationnistes, Pour en finir avec le travail.
"Chansons du prolétariat révolutionnaire" écrites par Guy Debord, Alice Becker-Ho, Raoul Vaneigem, Étienne Roda-Gil, détournements de Leglou de chansons fameuses (Il est cinq heures d'après Dutronc-Lanzman, La bicyclette de Barouh-Lai devenue La mitraillette, Les bureaucrates se ramassent à la pelle d'après Prévert-Kosma, etc.), l'ensemble est évidemment jubilatoire, et magnifiquement réalisé selon les codes de la variété de l'époque avec des musiciens de l'Opéra. Seule chanson historique, L'bon dieu dans la merde, est célèbre pour avoir été chantée par Ravachol en montant sur la guillotine. Les voix sont celles de Jacques Marchais et Jacqueline Danno (sous le pseudonyme de Vanessa Hachloum, Hachloum comme HLM !). Le 33 tours, épuisé en quatre mois, a été réédité en 1998 par EPM.

Leglou m'en apprend de belles sur les droits d'auteur. En 1974, Brassens, Ferré et Moustaki avaient refusé que leurs chansons soient détournées par cette bande d'anarchistes. Aujourd'hui la législation a "évolué". On peut changer les paroles d'une chanson sans avoir besoin d'en demander l'autorisation ni aux ayants droit ni à la Sacem, mais ce sont les auteurs de l'original qui touchent les droits ! Les chansonniers ont de beaux jours devant eux.

Je termine ce billet en ne résistant pas à vous livrer les premiers vers de La java des bons enfants écrits par l'auteur de La société du spectacle, définitivement politiquement incorrect :

'' Dans la rue des Bons Enfants
On vend tout au plus offrant,
Y avait un commissariat
Et maintenant il n'est plus là.
Une explosion fantastique
N'en a pas laissé une brique,
On crut que c'était Fantômas
Mais c'était la lutte des classes...
Sache que ta meilleure amie
Prolétaire, c'est la chimie...''