À partir d'un échange de commentaires sur le billet sur Varèse.
Jonathan, défendant l'importance de John Cage, me rappelle que j'ai écrit "Toute organisation de sons pouvait être considérée comme de la musique !" C'est ce sens qui m'a fait pensé à Cage, surtout 4'33", dit-il.

Touché ! Au début d'Un Drame Musical Instantané, nous nous posions toutes ces questions, surpris par l'immensité du champ des possibles. En 1979, j'avais téléphoné à John Cage et l'avais rencontré à l'Ircam alors qu'il préparait Roaratorio, une des plus grandes émotions de ma vie de spectateur. Nous étions au centre du dispositif multiphonique. Cage lisait Finnegan's Wake, il y avait un sonneur de cornemuse et un joueur de bodran parmi les haut-parleurs qui nous entouraient. Cage avait enregistré les sons des lieux évoqués par Joyce. On baignait dans le son... Un après-midi, je lui avais apporté notre premier album Trop d'adrénaline nuit pour discuter des transformations récentes des modes de composition grâce à l'apport de l'improvisation, nous l'appelions alors composition instantanée, l'opposant à composition préalable... J'étais également préoccupé par la qualité des concerts lorsque Cage y participait ou non. C'était le jour et la nuit. Nous avions parlé des difficultés de transmission par le biais exclusif de la partition, de la nécessité de participer à l'élaboration des représentations... Plus tard, le Drame avait joué une pièce sur des indications de Cage. C'était pour l'émission d'une télé privée, Antène 1, réalisée par Emmanuelle K. Je me souviens que nous réfutions l'entière paternité de l'œuvre à Cage ! Nous nous insurgions contre les partitions littéraires de Stockhausen qui signait les improvisations (vraiment peu) dirigées, que des musiciens de jazz ou assimilés interprétaient, ou plutôt créaient sur un prétexte très vague. Fais voile vers le soleil... Cela me rappelle les relevés que faisait Heiner Goebbels des improvisations d'Yves Robert ou de René Lussier ; ensuite il réécrivait tout ça et leur demandait de rejouer ce qu'ils avaient improvisé, sauf que cette fois c'était figé et c'était lui qui signait. Arnaque et torture ! Pourtant j'aime beaucoup les compositions de Goebbels.

Cage est, avec Mingus, le seul compositeur que nous ayons abordé avec le Drame... Je regrette que ce ne soit pas édité, surtout le Let my children hear music de Charlie Mingus, la dernière création que nous avons faite avant le départ de Francis du groupe en 1992, très inspirés... Nous avions choisi d'adapter un disque de Mingus en grand orchestre et de jouer les morceaux en trio, une sacrée gageure ! Il existe un enregistrement assez décent des répétitions. Quant à l'émission d'Antène 1 de 1982, enregistrée à deux caméras dans ma cave rue de l'Espérance, il est possible qu'elle réapparaisse un de ces jours en bonus d'un dvd... Une des deux caméras était une paluche, un prototype fabriqué par Jean-Pierre Beauviala d'Aäton, qu'on tenait au bout des doigts comme un micro, l'ancêtre de bien des petites cams. J'ai réalisé Remember my forgotten man avec celle que Jean-André Fieschi m'avait prêtée, possible que ça ressorte également un jour.
Sur la première photo où Bernard joue du cor de poste, on aperçoit à droite la paluche tenue par Gonzalo. Sur la deuxième, il filme Francis...