J'empiète sur l'excellent blog d'Étienne Mineur essentiellement dédié au graphisme, en constatant comment une affiche de cinéma peut franchement ne pas donner envie de voir un film. Il en fut ainsi de l'excellent Three Kings (Les rois du désert) de David O. Russell (1999), avec George Clooney, Mark Wahlberg, Spike Jonze et Ice Cube, passé inaperçu à sa sortie. Mélange de polar, de film de guerre, de pamphlet anti-Bush (le père, le fils ou le saint-esprit ?), c'est un film d'aventures très rock 'n roll, plein d'humour qui traite sérieusement de la première Guerre du Golfe en 1991, avec une bonne dose critique envers les médias, sorte de Mash revu à la sauce d'aujourd'hui. Les acteurs sont formidables, on sent leur camaraderie au-delà du scénario (Jonze est l'auteur de Being John Malkovitch, Ice Cube un rappeur engagé politiquement, on connaît les prises de position de Clooney...). Vous trouverez le DVD pour quelques euros. Pourtant, l'affiche rendait une nauséabonde impression de film macho nazebrok. C'est d'ailleurs Étienne qui, en son temps, me conseilla de l'acquérir les yeux fermés !
L'affiche de C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée, avec Michel Côté et Marc-André Grondin, ne vaut guère mieux. On dirait celle d'une pochade de campus comme les Américains en produisent des tas sans qu'heureusement ils traversent tous l'Atlantique. Ce ne sont pas les films de potache de Wes Anderson qui vont relever le niveau (Rushmore, The Royal Tenenbaums, The Life Aquatic with Steve Zissou). Le film n'a pourtant rien de tout cela, et son titre idiot n'arrange rien. C'est une belle histoire, hyper bien jouée, à croire que les Québecois sont devenus les maîtres pour diriger des comédiens francophones. Il y a plus qu'un lien de famille avec les œuvres de Robert Lepage (exceptionnels Le confessionnal et De l'autre côté de la lune) et Denys Arcand (Le déclin de l'Empire amériacin et Les invasions barbares). Le scénario et le découpage sont originaux, le film sensible et généreux. Comme chez Lepage, la dimension freudienne est intelligemment abordée. Le rêve ou le fantasme y ont une place privilégiée, sans les gros sabots qu'un film étatsunien ou français ne manquerait pas de chausser. Pour être juste ou plus clair, soulignons tout de même que je m'inscris là dans une critique du cinéma populaire. Il est bien entendu de nombreux films européens qui offrent subtilité et invention, mais les Québecois savent le faire en restant accessibles à tous les publics. Ce n'est pas mon habitude de raconter un film, alors je resterai évasif. C'est l'histoire d'un jeune homme qui se cherche, confronté aux attentes de sa famille... Allez-y, c'est chouette !
En seconde partie... Nous avons fait le coup de la double séance entrecoupée d'une salade d'écrevisses et avocat au Bal Perdu... J'avais un peu honte de précipiter la serveuse de cette manière, mais on avait juste dix minutes entre les deux films projetés au Cin'Hoche, la salle d'art et essai municipale de Bagnolet. Les films y passent en v.o. et le public est résolument populaire. Ça fait vraiment plaisir de vivre à côté d'une salle de quartier avec une aussi bonne programmation de films actuels. Nous avons donc enchaîné avec Inside Man, un polar très bien mené par Spike Lee. De la belle mécanique...