Lundi, dr0p publiait un petit article agrémenté de trois vidéos sur une équipe barcelonaise de luthiers numériques, dirigée par le professeur Sergi Jordà, présentant la Reactable, un instrument de musique électro-acoustique équipé d'une interface tangible qui ressemble à une table translucide sur laquelle on pose des objets. Plusieurs interprètes peuvent jouer simultanément de l'instrument en disposant et bougeant différents objets qui contrôlent un synthétiseur modulaire. La forme des objets varie selon qu'ils représentent un oscillateur, un modulateur, un échantillonneur, un filtre, un séquenceur, etc. Aucun apprentissage n'est nécessaire, l'instrument est empirique et parle de lui-même. Une caméra vidéo cachée sous la table analyse la nature, la position et l'orientation des objets. Un vidéo-projecteur dessine des animations sur la table écran de façon à rendre compréhensible toute interaction et résultat sonore. Dans la page Related, Martin Kaltenbrunner répertorie près d'une cinquantaine d'autres instruments aussi épatants que la Reactable et qui méritent la visite.
Comme d'habitude avec toute nouvelle lutherie, il y a un écueil entre l'invention et son exploitation. Les luthiers sont hélas souvent tentés de conserver l'apanage de la démonstration, étouffant leur bébé sous trop d'attention. Il est capital de confier ces instruments à des compositeurs sachant en tirer des résultats inédits et imprévisibles, fondamentalement variés. Car, s'il est réussi, ce n'est pas l'outil qui fait la musique, mais les auteurs qui se l'approprient pour poursuivre leur œuvre. Toute la différence est là. Complémentaires. Les instruments qui résistent au temps sont ceux qui permettent la déviation et l'appropriation. Mais si chacun peut avoir aujourd'hui l'illusion de devenir artiste, il existe un fossé entre s'amuser sans arrière-pensée et avoir conscience que toute œuvre est une morale.

Photo © Bram de Jong