Nous ne sommes pas grand chose. Il suffit d'un claquement de doigt pour que tout bascule. En bien comme en mal. C'est ce qui nous tient, cette alternance imperturbable de bonnes et de mauvaises nouvelles. Une amie tombe gravement malade. Deux petites sœurs perdues de vue depuis trente ans refont surface. L'amie est courageuse. Elle pense à nous. Je me suis écroulé. Jean s'est relevé pour écrire Assez. Toujours marcher. Je suis allé embrasser Alfie au Divan du Monde. Robert était en forme, les cheveux et la barbe taillés. Impossible de rester : je présentais FluxTune au Cube dans le cadre de Dorkbot, mais je n'avais pas trop le cœur à l'ouvrage. Le son n'y était pas. Le public semblait pourtant content. Le lendemain, c'était hier, je suis resté en peignoir toute la journée, mais j'ai enregistré 24 morceaux. Le soir, je suis allé écouter Fat Kid Wednesdays au Zèbre pour me changer les idées.


La danse de Saint-Gui de Michael Lewis lui permet de contrôler dynamiquement le volume de son saxophone. Le pied droit en dedans, le dos courbé vers le sol, il ne cesse d'avancer, reculer, comme il souffle, éructe, tantôt mat tantôt brillant, phrases délicates, langage transposé mélodiquement. Les sales gosses jouent les anciens avec la fougue juvénile que le free exige. C'est mercredi, y a pas école ! Je vois pourtant défiler Ayler et Ornette sortis droit du tombeau. Tombeau, c'est le nom d'un hommage en musique classique. Tombeau d'Albert Ayler. Tombeau d'Ornette Coleman. Mais qu'est-ce je raconte ? Si on a repêché Albert dans l'East River, Ornette vit toujours à New York. Pour une fois que le jazz me prend ! Même le solo de batterie de JT Bates sonne comme une chanson. Courbé, bossu, le batteur effleure à peine les peaux ou saute sur son siège comme un diable jaillit de sa boîte, Jack out of the Box ! Je n'avais pas non plus entendu de basse aussi ronde depuis Mingus, une nuit Fête de l'Huma : Adam Linz garde son flegme de bout en bout pendant que les deux autres garnements se trémoussent d'impatience contenue. C'est simple. Fat Kid Wednesdays laissent espérer des lendemains qui chantent.