Vendredi soir, nous avons accueilli une rencontre-appartement avec le maire communiste de notre ville, ses adjoints et quelques riverains qui, à défaut d'appartenir à son parti, avaient quelque sympathie pour les valeurs qu'il défend encore, face aux attaques opportunistes d'une coalition bourgeoise qui a le goût de la droite, le parfum de la droite, le regard de la droite, l'écoute de la droite, mais qui porte encore un nom de gauche.
Libertaire, avec de temps en temps des sympathies pour la quatrième internationale façon LCR, je n'ai jamais appartenu à aucune organisation politique. M'étant toujours imaginé gauchiste, mon indépendance m'a permis de traverser quelques décennies sans être obligé de renier les idées que j'avais défendues depuis mes plus jeunes années. Ainsi, au grand dam de ma famille et de la plupart de mes amis, j'ai refusé de faire la fête le 10 mai 1981, la victoire de la social-démocratie ne pouvant remporter mon adhésion. Mon mépris buñuélien pour la bourgeoisie n'a d'égal que la méfiance que génère l'accession au pouvoir de quelque faction que ce soit. Le programme commun m'était apparu dès sa fondation comme une tentative, qui s'avèrera réussie, du Parti Socialiste pour se débarrasser définitivement du PC qui abandonna l'idéologie au profit d'une stratégie électoraliste qui lui sera fatale. Mon attachement prudent au PC est lié à ma pratique professionnelle. Lorsque j'ai commencé à travailler dans le cinéma, nombreux techniciens et intellectuels y appartenaient et les villes qui accueillaient les projets musicaux créatifs étaient presque toujours entre leurs mains. Un des rares politiciens que j'ai rencontré qui m'ait inspiré du respect fut Jack Ralite avec qui je dînai un soir chez Joe Allen ! Encore aujourd'hui, ses positions sur la culture m'épatent par leur clarté et leur bon sens. Je fus donc un sincère compagnon de route lorsque je faisais de la musique pour Unicité, la société de production audiovisuelle qui dépendait du Parti Communiste, alors que le soir avec mes camarades nous continuions à les appeler "les révisos". La Révolution d'octobre n'avait, à mes yeux, durer que quelques semaines, la suite n'étant plus qu'une très longue série de dérives et de déconvenues qui mèneraient au stalinisme et aux illusions à perdre des générations successives de révoltés contre l'exploitation de l'homme par l'homme.
En France, la sensibilité des communistes au phénomène culturel a montré leur sincérité et leur efficacité. C'est en ces termes et sur ce sujet que j'acceptai de rencontrer nos élus. Au delà des critiques qui ont été exprimées et débattues sur la politique municipale, nous avons essentiellement retenu l'intervention d'un jeune de 24 ans présent à la réunion. Il ne veut pas qu'on l'occupe, il veut faire. Il souhaite que la municipalité donne des moyens à toute cette jeune bande de musiciens, de graphistes, de cinéastes, d'ingénieurs du son, d'informaticiens qui ne demandent qu'à apprendre et agir. Ils sont nombreux et généreux, affirmant qu'il faut que ça bouge pour que tous les autres les rejoignent. Ils ont besoin d'un lieu, de l'équiper, et pas dans quatre ans, mais tout de suite ! La jeunesse des quartiers qui s'ennuie ne peut que faire des bêtises. C'est d'ailleurs le lot de tout un chacun. L'inactivité pousse toujours à se comporter de façon inepte. Lorsqu'il n'y a rien en bas des immeubles, on fait avec les moyens du bord. Lorsqu'il n'y a plus rien à bord, on se saborde. Rencontrer des jeunes gens qui fuient l'apathie cynique du monde en continuant à rêver avec fougue et détermination donne du baume au cœur. C'est avant tout vers eux que les politiques doivent se tourner et déployer tous les moyens dont ils disposent pour les désenclaver et leur donner de quoi construire. Ils sont l'avenir. Pas seulement le leur, mais aussi le nôtre.