C'est le printemps. Les primevères ont envahi le jardin d'Antoine et Chloé. Samedi, il ne pleuvait plus. On était trop contents d'aller les voir. Et sur le chemin on ne pouvait pas faire autrement que de retourner à la ferme de Mauperthuis faire nos courses de produits frais. Tous les fromages sont à tomber par terre : c'est la région du Brie et du Coulommiers... Si nous habitions plus près, nous prendrions un abonnement, mais c'est tout de même à 50 km de Paris. Vrai poulet, vrai lapin, vrai jus de pomme... Comme s'il pouvait y avoir de faux fruits, de faux légumes, de fausses bêtes ! Il est de plus en plus difficile de trouver du lait cru. Ici ça sent l'étable. Tout y est. L'endroit est presque trop bien tenu, on se croirait en Suède tant le moindre détail est à sa place, visite de la ferme, échantillons dégustation, parking, possibilité de réceptions, etc. C'est évidemment plus cher qu'à l'hyper du coin, comme le dimanche au marché des Lilas. On a l'impression de vivre dans deux mondes, un pied dans l'industrie normative, l'autre dans une flaque de bouse qui sent bon la nature. Le sous-vide a quelque chose de faussement hygiénique, c'est une poudre aux yeux, la lyophilisation du vivant, une usine de mort, celle du goût certainement et, par extension, celle de tous les sens.
Françoise tente depuis deux ans de s'inscrire au panier de l'AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), mais il faut s'y prendre des mois à l'avance, c'est un peu dissuasif lorsque l'on a envie d'essayer... Pourtant, cela semble vraiment sympa et intelligent. Chaque semaine, un agriculteur bio de votre région vous fournit un panier de légumes. Comme vous payez à l'avance en début de saison, l'agriculteur s'assure un revenu stable et, de votre côté, vous bénéficiez d'un beau panier de légumes de saison à un tarif plus intéressant qu'en grande distribution puisque l'achat se fait directement entre le producteur et le consommateur. C'est tentant. Il y en a dans toute la France, dans les grandes villes, dans les campagnes, tout un réseau s'organise pour lutter contre l'absurdité de la consommation en général. Comme pour le reste, on revient au particulier, à la proximité, pour pouvoir ensuite s'étendre à nouveau. Il faut se grouper, se rencontrer, multiplier les fronts de résistance... Ici pour le ventre, ailleurs pour l'esprit !