60000 selon les syndicats, 18000 selon la police. Il y avait foule boulevard Beaumarchais à Paris pour le vernissage de la première exposition personnelle d'Antoine Schmitt, Objet petit a, à la Galerie Numeriscausa. Devant sa dernière œuvre présentée en vitrine, défilait dans le calme la manifestation des fonctionnaires contre le démantèlement du service public et les 22.900 suppressions de postes dans la fonction publique, magnifique contrechamp humain aux entités virtuelles et comportementales de l'artiste.
Dancing est la projection de deux pions sur un échiquier qui se meuvent de façon effrénée jusqu'à esquisser quelque pas de deux dont les codes complexes et rigoureux nous échappent. Quand et pourquoi un pion s'arrête-t-il sur une case blanche ? Comme toujours, les questions comptent plus que les réponses.


Ainsi, les phrases borgésiennes de Psychic, exposé en France pour la première fois ici, font preuve d'un humour que Kafka aurait savouré. La machine commente les entrées et sorties des visiteurs, leurs mouvements, avec autant de sobriété que de clinicité. Elle tape ses caractères, tac tac tac tac tac, sur le mur d'une pièce entièrement vide si ce n'est notre présence, sujet même de l'installation. Qui sommes-nous donc qui vaille que l'on nous regarde et quel est cet on impersonnel dont nous lisons les notes dans une expectative égale à notre désir d'agir ?


À côté des trois pièces de Still Living et d'une Vexation plus subtile qu'il n'y paraît au premier abord, le troisième point fort de cette petite rétrospective est l'historique Pixel blanc, ici merveilleusement à l'aise sur une surface grise qui lui confère le statut de tableau. Peut-on écrire "petite" lorsque toute cette énergie dépensée tient justement moins dans un minimalisme d'abord que d'un abîme d'après. Ou comment la quête de l'origine du mouvement trouve ses bases dans d'acides algorithmes de programmation jusqu'à provoquer le visiteur en lui laissant entrevoir, mais seulement entrevoir, ce qui, en fait, nous agit.

Objet petit a est présenté à la Galerie Numeriscausa jusqu'au 14 juin.