Il y a peu j'avais écrit un article sur le film de Richard Linklater inspiré d'un roman de Philip K. Dick, A Scanner Darkly. Ce n'est pas toujours simple de relater mes découvertes lorsqu'elles ne se cantonnent pas à un objet unique. Les plus complexes à chroniquer sont les intégrales, les coffrets, les séries qu'il est nécessaire d'avoir entièrement regardés avant d'en rendre compte. Ainsi il me faudra encore du temps avant d'aborder les 25 films du coffret Kaurismäki ou les seize DVD envoyés par Bach Films, j'ai honte !
À la lecture du verso du boîtier de Waking Life, nous nous attendions à une comédie, pensant qu'il s'agissait pour Linklater d'une première tentative d'animation rotoscopique à partir d'images réelles. Le traitement graphique de Waking Life (bonus du DVD très étayés, 20 Century Fox, Zone 1, sous-titres français) nous a encore plus emballé que celui de A Scanner Darkly (Warner, Z1, s-t français, les deux films existent aussi en Zone 2 anglais...), l'absence d'acteurs vedettes permettant peut-être une plus grande latitude avec la réalité que la présence de Keanu Reeves ou Wynona Ryder empêchait dans l'autre ?


L'interrogation sur la réalité justifie pleinement la transposition dans l'univers de l'animation : "sommes-nous des somnambules ou les personnages réels de nos rêves ?" Le film, bien qu'il soit très bavard, avec des traits franchement comiques, est fascinant par le sérieux intellectuel qu'il aborde, références francophiles plus que nombreuses, de Bazin à Debord. C'est une réflexion politique et philosophique qui enchantera toutes celles et ceux qui aiment se poser des questions métaphysiques et que les apparences dérangent. Film rare, plastiquement admirable, il plongera le spectateur dans un abîme de perplexité tout à fait salutaire, dans ces temps où le doute à fort à faire avec les intoxications péremptoires déversées sur tous les écrans du pouvoir.