Coïncidence. Tandis que je suis plongé dans le nouveau livre de Guy Darol sur Frank Zappa, Fred Goaty me commande un article "personnel" sur Lumpy Money, le nouveau triple CD produit par la famille Zappa, pour le prochain numéro de Muziq où œuvre également Darol avec autrement plus de z'ailes que moi m'aime. Dès que j'en aurais terminé la lecture, je me replongerai dans la musique qui saurait trop me distraire si je tentais de faire les deux en même temps. L'écriture d'un des meilleurs journalistes musicaux actuels, alliant la rigueur littéraire et un travail d'enquête hors pair, réclame toute l'attention du lecteur tant les mots choisis sortent de l'ordinaire. Cette recherche frise parfois le baroque alambiqué à l'image de son héros, inventeur iconoclaste tous azimuts, dynamiteur de formes et "zappeur" fou ! Si cette dernière expression n'avait pas son origine (1929, dit le Robert Historique) dans l'onomatopée suggérant le bruit d'une arme à feu et, par extension, marquant un évènement brutal, j'aurais sans peine imaginé qu'elle fut inventée par le compositeur américain.
Ce Frank Zappa édité par Le Castor Astral me touche plus que je ne m'y attendais, pour les points de concordance qu'il révèle entre mon parcours et celui de Darol, encore d'heureuses coïncidences. Ce livre me semble d'ailleurs plus destiné aux fans de Frank Zappa qu'il n'est ouvrage de vulgarisation. L'auteur s'y livrant lui-même plus qu'il n'en est coutume dans une biographie classique, je retrouve mon désir de mêler dans mes billets l'intime et l'universel. C'est aussi l'histoire d'une rencontre et d'une passion qui commence avec We're Only For The Money alors que les Beatles étaient jusqu'ici notre référence, l'anglais appris en Grande-Bretagne vers Salisbury, le métier de compositeur qu'il nous fait choisir à notre tour, le partage de notre passion impossible à garder pour soi seul... Bien que j'ai commencé mon voyage quatre ans plus tôt aux USA, à Amougies et durant les années qui suivirent où je côtoyai mon idole, nous avons arpenté ensemble tant de lieux sans ne jamais nous rencontrer...
Et Darol de survoler l'immense territoire de "l'homme-Wazoo" comme il l'appelle dans la première version du bouquin publiée en 1996 avant qu'il ne la revoit et ne l'augmente aujourd'hui (technique éprouvée du remix par son génial modèle) : les influences multiples qui montrent l'étendue de la culture de Zappa, son engagement politique, tant d'évocations qui raviront ceux qui ne connaissent que sa musique, mais ignorent tout du bonhomme. Sans oublier l'auto-portrait émouvant qui fait de cet hommage l'un des plus beaux livres de son auteur.
Pour ne pas être en reste avec les exégètes, Guy Darol offre en prime, ce qui occupe tout de même la moitié du bouquin, chronologie un poil "romancée", discographie sommaire (les albums sous le nom du barbichu ou celui de son groupe, les Mothers of Invention), précieuses filmographie et bibliographie, plus les incontournables liens Internet qui n'existaient pas encore en 1996 lors de la première édition.