Le 4 juillet dernier, j'avais écrit ici : Le film de Ari Folman est à rapprocher du Tombeau des lucioles, l'animation produisant une distance avec l'évocation troublée de la mémoire et de l'oubli. Le réalisateur aborde le massacre de Sabra et Chatila sous l'angle du refoulement. Les images d'ombre et de Lumière enrobent le cauchemar. Cet incontournable documentaire d'animation n'a hélas rien de la fiction ni du rêve. On prend cette enquête en pleine figure, parce qu'elle chatouille nos propres traumas. J'ai vu Beyrouth dévasté, les immeubles grêlés de millions d'impacts, j'ai vu la mer imperturbable, le soleil et la nuit. Valse avec Bachir me fait découvrir ce que je pouvais deviner, le contre-champ.
Depuis, le film a fait du chemin. Il a reçu 6 Ophirs du cinéma israélien, le Golden Globe et le César du meilleur film étranger et une quantité d'autres récompenses. Les Éditions Montparnasse le publient en DVD agrémenté de bonus qui en éclairent la réalisation. Il y est confirmé qu'il s'agit d'une histoire vécue par Ari Folman lorsqu'il avait 19 ans, qu'il commente en voix off tandis que ses camarades y témoignent pour la plupart sous leur vrai nom. Les quelques secondes de silence des images du Journal Télévisé d'Antenne 2 filmées à Sabra et Chatila le 18 septembre 1982 valident le choix du dessin animé. Dans un entretien, Joseph Bahout évoque la guerre du Liban, l'assassinat de Bachir Gemayel et le massacre de 4 à 5000 Palestiniens qui s'en suivit par la milice chrétienne libanaise avec l'approbation de l'armée israélienne dirigée par Ariel Sharon.
Depuis la sortie du film, le gouvernement israélien s'est rendu coupable d'un nouveau massacre dans la bande de Gaza, se mettant à dos la plus grande partie de l'opinion internationale. De nombreux Juifs condamnent enfin le colonialisme d'un état paranoïaque qui détruit des siècles de culture pacifiste et sonne le glas de l'intelligence. Aucune confusion ne doit pouvoir se faire entre la politique criminelle de l'état religieux et une grande partie de la diaspora en désaccord avec la folie qui s'enferme en Israël.
La consécration de Valse avec Bachir n'en a que plus de force. Le traitement freudien de la culpabilité des soldats israéliens traumatisés par ce qu'ils ont laissé faire, l'humour et les délires surréalistes que le cinéaste israélien s'autorise, son travail intime d'enquêteur en font une œuvre puissante et originale d'un genre nouveau aux côtés de Persepolis, comme l'avait été Maus pour la bande dessinée.