Otto Preminger n'est pourtant pas un rigolo. Ses origines juives, ukrainiennes à l'époque de l'Empire austro-hongrois, ne lui ont pas donné un humour à la Lubitsch ou Billy Wilder. Ancien élève de Max Reinhardt, après avoir émigré aux États-Unis il acquerra la célébrité avec le mythique Laura et continuera avec Carmen Jones, L'homme au bras d'or, Sainte Jeanne, Bonjour Tristesse, Porgy and Bess, Autopsie d'un meurtre, Exodus, Tempête sur Washington, Le cardinal... des films de virtuose avec des sujets comme le viol, l'homosexualité ou la drogue qui lui valent souvent des ennuis avec la censure. En 1968, le trip de LSD qu'Otto Preminger s'avale à 64 ans en présence de Timothy Leary lui donne l'idée de Skidoo, une comédie complètement déjantée anticipant les élucubrations de John Waters. Le film ne ressemble en fait à rien de connu, ovni absolu qui fera un flop total tant auprès des "adultes" qui ne connaissent rien à la drogue que des "hippies" gentiment caricaturés. Deux mondes se rencontrent sans se comprendre. L'humour et la vision très personnelle de Preminger sont le fruit de son indépendance. Avec ses outrances burlesques et ses provocations tous azimuts, le film réfléchit pourtant remarquablement l'époque. C'est même probablement la meilleure représentation d'un trip d'acide qu'il m'ait été donné de consommer, aussi loin que ma mémoire puisse remonter. On raconte que Groucho Marx goûta également un buvard pour savoir comment jouer son rôle, le dernier de sa carrière, Dieu, patron de la mafia ! Mickey Rooney et Jackie Gleason sont parfaits, Carol Channing rappelle Mae West ou Delphine Seyrig dans Mister Freedom réalisé par William Klein l'année suivante. Les effets vidéo anticipent de trois ans 200 Motels, le chef d'œuvre de Frank Zappa. La question fondamentale à se poser avec Skidoo est celle de la nécessité ou pas de se mettre au diapason du film avec quelque expédient pour en apprécier au mieux son comique d'absurde.

P.S. : j'ai remplacé la scène du trip au LSD effacée depuis sur YouTube par l'étonnante bande-annonce prtésentée par Timothy Leary, Sammy Davis Jr, Groucho Marx... avec tout le générique chanté, et non des moindres ;-)