Je me réveille systématiquement à la même heure. Pas une seule fois. Non, plusieurs dans la nuit. L'horloge projette ses chiffres rouges au plafond. J'ouvre un œil et je constate que ce sont toujours les mêmes. Nuit après nuit. Du moins je le crois. 3h13, 4h04 ou 4h06, 5h14, 6h23, 6h58, 7h30... Allez savoir avec les songes ! La nuit passée, j'ai rêvé du concert de ce soir. Tout était tordu. J'envoyais la musique avec un magnétophone à bande, mais tout tombait à plat sans les pédales d'effets que j'avais oubliées. Impossible. Inimaginable. Ce n'est pas mon genre. D'autant qu'il n'y aura ni magnétophone ni pédales analogiques puisque le flux vient de la petite radio rouge et que les effets programmés sur SuperCollider par Antoine sont contrôlés avec les mains devant la webcam comme avec un Theremin. J'ai appuyé sur le bouton stop comme si j'avais dépassé la durée promise, dépité, écœuré par mon amnésie. Il n'y a pas de bouton stop. Les rêves et les cauchemars qui ressemblent au réel sont difficiles à s'en débarrasser. Je dois me lever, aller pisser, faire quelques pas somnambuliques sur les trois petits tapis pointus pour stimuler la réflexologie de mes dessous de pieds et retourner me coucher. Je me rendors, un peu inquiet de retrouver le réel lorsque je préférerais m'échapper vers un sommeil plus cosmique. Debout, je devrai inverser le processus et créer des espaces impossibles. Si ma nuit ressemble au réel, je n'ai d'autre choix que d'empêcher le réel d'envahir mes journées.