La première fois où j'ai été séduit par la musique de Marc Ducret remonte à une douzaine d'années à l'Europa Jazz du Mans en tentet épatant. Je tenais la seconde caméra pour un film d'Agnès Desnos qui ne le réalisa jamais. Les rushes que j'avais tournés n'ont été vus par personne, mais je me souviens de plans dans les loges avec l'Art Ensemble of Chicago dont j'étais particulièrement fier. Le rôle de la seconde caméra peut offrir une grande liberté lorsque l'on sait que la première couvre l'événement. La seconde fois, c'était Le sens de la marche dont Donkey Monkey faisait la première partie au Lavoir Moderne Parisien et que j'ai acheté hier soir en cd. J'avais été emballé par l'écriture de Ducret comme par son rôle vocal dans Triste Lilas, pic discographique de Franck Vigroux et, sur scène, par son jeu de guitariste dans Lilas Triste. Il présentait hier soir au Triton, à deux pas de chez nous, son nouveau quintet composé du saxophoniste basse Fred Gastard au swing dansant, du trombone Matthias Mahler au son cuivré en diable, du cornettiste Kasper Tranberg aux multiples sourdines et du percussionniste Peter Bruun, tous trois du pays de la petite sirène où Ducret a émigré depuis quelques années. Sa musique très structurée laisse la place à d'impromptus moments de grâce et son jeu sur le manche ne cède à aucune facilité. Stéphane Ollivier me faisait remarquer que nous n'avions entendu aucun "plan", rien à voir avec ceux de cinéma, ce sont des poncifs qu'empruntent souvent les solistes dans leurs chorus qui se voudraient improvisés. Si la rigueur et l'électricité caractérisent les compositions plus rock que jazz, les deux rappels surent déployer une tendresse épanouie qui auguraient d'une nuit réparatrice, enfin j'espère.