La pharmacienne m'aurait vendu le fond complet de sa boutique pour que je guérisse. Elle me posait plein de questions, affinait l'ordonnance, un médicament pouvant être miraculeusement associé à chacun de mes mots. Car de maux je n'en ai qu'un seul, mais très handicapant, la crève ! Voilà une semaine que j'éternue comme un beau diable, du genre qui jaillit de sa boîte sur un ressort, entre 150 et 200km/h expliquent les spécialistes. Ils disent aussi que les paupières se ferment alors automatiquement pour éviter que les yeux sortent de leurs orbites à cause de la pression. Comme j'ai le dos en marmelade, les muscles de ma cage thoracique semblent exploser sous la déflagration. J'ai l'impression que je vais finir chez l'équarrisseur. Le rhume s'accompagne d'un halo vasouillard qui m'empêche de travailler, tout au plus puis-je "bricoler". Le pire se produit quand tombe la nuit et que mes deux narines se bouchent m'empêchant de respirer. Je peste contre l'homéopathie qui cette fois ne tient pas ses promesses, mais Françoise me suggérant d'inhaler de la Balsofumine je peux me rendormir. Penché sur le récipient d'eau chaude, élégant modèle tchécoslovaque des années 50, j'ai du mal à me concentrer et j'en renverse régulièrement pour avoir voulu bouquiner en même temps. Si je n'arrive à stopper l'attaque suffisamment tôt, le mal de gorge se transforme en éternuements qui à son tour devient toux spasmodique et j'en prends pour trois semaines supplémentaires à m'arracher les côtes. Ne pas pouvoir respirer est un calvaire. La défenestration suicidaire de Gilles Deleuze m'est toujours apparue comme un dernier excès de vitesse (il l'adorait) avec l'espoir d'y attraper une bouffée d'air frais. J'espère que mon asthme ne reviendra jamais, du moins dans sa version critique, car j'aime l'air autant que les autres éléments.