Cinq nouveautés parmi tant d'autres. Un disque de chansons : Areski Belkacem, compagnon de toujours de Brigitte Fontaine, compositeur de presque toutes ses chansons, son soutien moral, sort de l'ombre avec Le triomphe de l'amour, sympa, oriental, mais nostalgique (Universal). Un truc trip hop rockisant : le dernier Tricky, Mixed Race, est très critiqué pour non renouvellement de son inspiration et parce qu'il est un peu court, pourtant il s'écoute agréablement même s'il n'est pas à la hauteur de ses premières fusées (Domino). Un double trad : le virtuose arménien du doudouk, Djivan Gasparyan, a l'honneur d'une compilation Network, avec des formations très variées, on entend même Nusrath Fateh Ali Khan, Sainkho Namtchylak, Michael Brook, dialoguer avec son hautbois, c'est triste à souhait, très utile en certaines occasions. Un triple minimal : trois versions de durées variables de Strumming Music de Charlemagne Palestine, la première, indispensable, par le compositeur au piano Imperial Bösendorfer (52'14), la seconde par la claveciniste Betsy Freeman (35'24), la troisième pour cordes avec des étudiants du Conservatoire de San Francisco réunis par John Adams (24'26), totalement hypnotique avec effet paroxystique sur la durée (Subrosa). Un hybride jazz-rock-hip-hop-soul : le troisième Ursus Minor lorgne vers la pop, entendre musique populaire, avec la voix du batteur Stockley Williams, très proche de celle de Stevie Wonder, les rappeurs Boots Riley et Desdamona, et, joie, celle caverneuse du claviériste plus ou moins leader, Tony Hymas, c'est donc rythmé, entraînant, américain et toujours aussi personnel avec la remarquable basse du saxophone baryton François Corneloup et le nouveau guitariste Mike Scott, ex-Prince !
Cinq albums, aussi divers que variés, mes goûts sont éminemment éclectiques, sur un support matériel qu'on dit passé de mode. Bon d'accord, ça prend de la place sur des étagères bourrées jusqu'à la gueule, et j'ai décidé de me débarrasser de ce que je ne réécouterai jamais plutôt qu'en construire de nouvelles. Je ne vends pas, je donne quand ça me chante à qui ça comble. Mais, surtout, les clusters harmoniques de Charlemagne Palestine ne sauraient se contenter de la compression mp3 comme les transitoires des attaques de Tricky ou Ursus Minor. On se fiche évidemment de la galette en plastoc argenté, mais les petits livrets sont agréables à tenir en main surtout lorsqu'ils bénéficient d'un livret de 36 pages illustrées, ici une bande dessinée originale d'Ivan Brun (l'histoire d'un petit Africain qui traverse la Méditerranée au péril de sa vie pour être reconduit dans son pays manu militari), comme tous les derniers albums produits par nato (1 et 2). I will not take ''but"" for an answer fait donc partie de ce que l'on avait coutume d'appeler livre-objet ou disque-objet. Par contre, l'album de Tricky, plein de photos, n'indique pas le nom des musiciens, honteux, voire dangereux si l'achat du boîtier cristal ne produit pas de valeur ajoutée. The Soul of Armeniaest plein d'informations et j'ai trouvé agréable les pauses que les 3 CD de Palestine imposent lorsqu'il est nécessaire de se lever de son siège pour aller mettre le suivant. Rien de pire en effet que le flux incessant des lecteurs mp3 qui vont jusqu'à fabriquer des fondus enchaînés entre les morceaux des fois qu'un silence arrive à se glisser entre deux plages. Tout devient vague. Il n'y a plus de place pour le soleil. Car si écouter de la musique du matin au soir peut se concevoir, il est idiot de croire que l'enchaînement est une libération. Il n'y a rien de meilleur au monde qu'un début et une fin. Il n'y a pas de rencontre sans rupture.