Quitte à succomber aux incontournables coutumes familiales le coffret DVD de cinq disques de Pierre Étaix m'apparaît comme le cadeau idéal pour Noël. Si déjà vous avez signé la pétition de soutien à l'époque où un producteur indélicat bloquait tous les films du réalisateur depuis des années, probablement en attendant qu'il meurt, vous ne pouvez vous dédire sans acquérir le magnifique objet accompagné d'un épais livret, maintenant que le procès est gagné, qu'Étaix a retrouvé ses droits et que l'on peut enfin profiter de ses merveilleux films.
Dans tous les cas vous découvrirez l'œuvre d'un grand cinéaste, fils spirituel de Jacques Tati dont il fut gagman et assistant sur Mon oncle et héritier français de tous les grands du muet. Je spécifie français parce qu'à travers tous ses films Étaix dresse un portrait critique de notre peuple. Son cinquième long métrage, Pays de cocagne (1969), fut d'ailleurs si mal pris qu'il freinera terriblement le cinéaste dans sa carrière. Sa causticité est pourtant tendre et forcément (et non pas d'entrée férocement !) drôle, les personnages de ce documentaire de création étant filmés avec le même acuité que ceux de ses fictions.
Je me souviens du soir où mes parents étaient rentrés enchantés du cinéma où ils avaient vu Le soupirant (1962), un distrait maladroit en quête de femme, qui voudrait rassurer ses parents. Comme lorsque j'eus douze ans, les enfants préféreront Yoyo (1964), un conte de fées moderne où l'on retrouve l'univers du cirque cher à Étaix. C'est d'ailleurs sa compagne, Annie Fratellini, qui joue dans Le Grand Amour (1969). Tant qu'on a la santé (1965), constitué de quatre parties indépendantes, ne dépare pas à la collection où le comique d'observation est à son comble et où la fantaisie sait se jouer des gestes les plus banals. Événement rare, le son est toujours traité à l'égal de l'image. L'humour et l'élégance rivalisent d'ingéniosité.
Le coffret présente une ribambelle de courts métrages, un passionnant documentaire sur Étaix et, chose surprenante, le fantastique court de Furtado, L'île aux fleurs, dont le choix politique oriente notre lecture de tous les films de Pierre Étaix qui se moque allègrement de nos habitudes bourgeoises, de la société de consommation, du populisme, du machisme, de l'ennui des nantis, en gardant un flegme décalé, inhabituel pour l'époque et la région.
Le titre d'Intégrale est malgré tout usurpé, mais j'avais heureusement enregistré L'âge de Monsieur est avancé (1987) à la télé en VHS. Je le croyais à tort adapté de Guitry... Le plus merveilleux, c'est que j'ai ri à tous les films, seul ou accompagné, et qu'ils m'ont nourri comme toutes les meilleures comédies.