Bernard trouve que le nouveau site du Drame n'est pas assez accrocheur, persuadé que personne n'y restera plus d'un quart d'heure. Il est allé y jeter un coup d'œil chez un copain. Ne possédant pas Internet, il s'est isolé socialement. Plus personne, si ce n'est le Mini s'terre et quelques musées, n'envoie d'invitations sur carton. On ne téléphone même plus, on envoie un courriel, personnel ou en nombre. Cela ne change rien à l'affaire. Je n'ai jamais essayé d'être "commercial". J'ai parfois cherché à faire plaisir, parfois pas. Je préfère être "musical", suivre mon inspiration, sachant que certaines œuvres sont plus difficiles d'approche que d'autres. La base de données pharaonique qui croît de jour en jour sur drame.org fut donc créée pour plusieurs raisons.
La première est paranoïaque, similaire à celle qui me fit créer les disques GRRR en 1975, à 22 ans. J'avais très tôt compris que le chemin serait long et qu'il était donc indispensable de laisser des preuves validant ma démarche. La seconde, plus prosaïque, consiste à empêcher notre travail de disparaître, faute de matériel de diffusion adéquat et de destruction chimique des supports d'enregistrement. La troisième est dynamique, car laisser le passé derrière soi permet d'envisager l'avenir. Contrairement à la boutade de Pierre Oscar sur Mediapart, faire table rase n'évite pas la répétition, surtout lorsque l'on se souvient que la première fois est une comédie et la seconde une tragédie. Je joue Marx contre Mao !
De toute manière on ne sait jamais d'où le succès peut surgir, ni pourquoi le "public" s'entiche de ce que nous lui livrons. En écoutant Radio Drame un auditeur non averti tombant sur un des 39 Poisons de 1977 (24 heures, c'est l'album inédit le plus long !) risque évidemment de zapper dans la minute tandis qu'une chanson ou une musique de film le séduira plus facilement. Le site est avant tout un témoignage de notre débordante activité et permet d'écouter ou télécharger gratuitement déjà 60 heures de musique, quelques 400 morceaux dont nombreux durent plus de 30 minutes. Il y en a aussi de quelques secondes et d'autres d'une durée plus normale, entendre formatée. Ce n'est pas seulement une pirouette pour me débarrasser de la question que je réponds que j'ai toujours composé de la musique "barjo". Tout ce que j'imagine et réalise, que ce soit sonore ou visuel, littéraire ou culinaire, s'est toujours adressé aux curieux. "Objet difficile à ramasser", disait Cocteau. Je cherche chaque fois quelque chose de nouveau, l'absence d'étiquette ne favorise pas le repérage, mais les copains s'exclament "c'est bien toi !". Je ne sais jamais comment le prendre. Bien ou mal ? Probablement un peu des deux. La fragilité est motrice.
Et mon camarade de continuer à me chercher des poux dans la tête ! Nous n'avons jamais cessé de nous chamailler tendrement. Bernard a l'art de retourner les évidences. Ses critiques m'ont souvent fait avancer. Au pire j'ai déjà essuyé le feu des remarques que j'entendrai plus tard, me permettant de fourbir mes armes en ayant déjà envisagé les attaques dont nous serions l'objet.