Je n'avais qu'un vague souvenir de Taking Off sorti en 1971 à une époque où je portais les cheveux longs, un pantalon pattes d'eph et un collier au-dessus de ma tunique indienne. En septembre de cette année-là j'entrai à l'Idhec en racontant au jury que mes films préférés étaient Easy Rider de Dennis Hopper et Solo de Jean-Pierre Mocky, Peace and Love d'un côté, mai 68 de l'autre ! Ma scolarité élargit heureusement mon champ de vision.
Le costard que Milos Forman taille aux parents coincés qui rêvent de ce dont sont capables leurs enfants fugueurs était évident. Mais ai-je alors perçu le regard tendre et acide que le réalisateur portait aux jeunes hippies ? Filmés frontalement lors d'une audition ravageuse et livrés aux contradictions rendues inévitables lors du passage à l'âge adulte, ils sont l'objet d'une critique sociale qui ne quittera jamais le cinéaste. Il abordera un sujet proche avec Hair, plus grinçant que la comédie musicale dont le film est tiré. Dans Taking Off la scène de leçon de fumette entre adultes est un morceau d'anthologie et le clin d'œil au Black Power montre que Forman était conscient du contexte politique, ayant été lui-même témoin, avec son co-scénariste Jean-Claude Carrière, tant des émeutes anti-guerre du Vietnam que des évènements de mai et du Printemps de Prague. Les trouvailles, souvent drôles, inspirées par la nouvelle vague ou propres au cinéma tchécoslovaque, comme son goût pour l'hystérie, ne disparaîtront jamais de sa filmographie, véritable vol au-dessus d'un nid de coucou.


Taking Off était son premier film sur le sol américain et une de ses meilleures comédies. Les suppléments du DVD avec Carrière et lui sont, comme toujours chez l'éditeur Carlotta, passionnants.