Il fait une chaleur d'enfer alors que l'endroit rappelle plutôt le paradis. Depuis deux jours la pression n'était plus suffisante pour que l'eau arrive jusqu'au mas. Sur deux mille mètres à partir de la source nous avons longé le tuyau pour chercher les fuites causées par les rongeurs. Jean-Pierre, qui passa tout un été à dessiner le meilleur tracé pour un dénivelé de seulement dix mètres, nous guide le long des pentes escarpées. Les tapis d'épines de pin glissent comme une piste de ski et les piquants des cupules séchées des châtaigniers traversent nos tennis inadaptées à la balade. Presque arrivée, Françoise se tord une cheville avant un vol plané qui la laisse hilare sur le carreau. Le lendemain elle ne peut plus faire un pas. La pommade, l'arnica et le bandage la remettront bientôt sur pied, mais l'eau n'arrive toujours pas bien que Jean-Pierre ait colmaté le tuyau à chaque série de morsures ravageuses. Son système est astucieux : tuyau perché à la source pour évacuer les bulles d'air, réservoir placé au-dessus du mas pour donner de la pression, etc. Mais là il manque quelques mètres pour que l'eau le remplisse, notre ami en perd son latin et la vaisselle s'accumule. Nous ne sommes tout de même pas à sec, je ne parle ni du rouge ni du rosé, mais du robinet qui coule suffisamment pour que nous puissions remplir des bidons. Hélas plus assez pour alimenter la plomberie de toute la maisonnée.


Pendant qu'il planche sur son problème de robinets les filles font des cadres. Michèle nettoie ceux des abeilles à la flamme. Françoise passe des heures à attendre que Scotch veuille bien descendre la longue échelle en métal depuis la mezzanine où il a élu domicile. Ces dernières années les ruches ont été décimées. Frelons tueurs, teigne, pesticide, ondes ? Jean-Pierre est retourné à la source et a fini par trouver un défaut dans l'amorçage en amont. L'eau est revenue à la joie de tous. Habiter cet havre de paix exige que l'on soit des as du bricolage. Comme j'en suis très loin nous allons bientôt rejoindre nos pénates au confort parisien et réfléchir aux choix que nous propose l'avenir. Mais ça c'est une autre histoire…